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Test & Avis sur Joseph Martin, le Bespoke irlandais à prix abordable

Avant toute chose, je suis ravi de vous présenter mon tout premier article de 2020 ! J’ai passé cette année en échange à Dublin et je reviens avec un article autour d’un beau projet, une première chez Jamais Vulgaire : un costume complet en bespoke. Autre nouveauté : pour la première fois nous avons fait une version anglaise de cet article que vous pouvez retrouvez ici.

For our dear international readers, you can find the english version of this article here.

 

Avis sur Joseph Martin, l’histoire centenaire d’un savoir faire familial

Quelques créations issues de l’atelier de la famille Martin : Sur la gauche, une veste de chasse Norfolk faite par le grand père de Joseph, fondateur de la maison, qui a été fait à la fin du 19ème siècle, après 1895. A droite, un uniforme réalisé par l’atelier datant de 1916

 

Le Bespoke, ou le costume en Grande Mesure. Qui n’a jamais rêvé de toucher du doigt cette expérience de l’art tailleur à son paroxysme ? Pour les néophytes, nous avons consacré un article complet expliquant la différence entre bespoke, demi-mesure et prêt à porter. Un rappel succinct : les tailles standardisées n’ont pas leur place en bespoke, et il ne s’agit pas non plus d’un gabarit ajusté à vos mesures. En grande mesure, votre corps et votre morphologie seront les uniques sources de références du tailleur, pour créer un costume entièrement fait à la main dans son propre atelier.

Pour en revenir à Joseph Martin, il est le descendant d’une longue lignée de tailleur initiée par son grand-père, dont la maison de grande mesure est opérationnelle depuis 1895. Ils fêteront donc leur 125 ans en Janvier, rien que ça. Depuis plus d’un siècle la famille Martin taille, coupe et monte des costumes, des manteaux et des vestes dans leur atelier familial dans le comté de Sligo, en Irlande. Joseph a donc appris aux côtés de son père et son grand père, mais aussi à Londres sur Savile Row, et m’explique donc qu’à l’époque, chaque petite ville possédaient au moins un tailleur, et que savoir-faire s’est peu à peu perdu avec la disparition de nombreux tailleurs et l’essor du prêt à porter et son industrialisation. Cela dit, il constate que sa clientèle connait un renouveau composé de jeunes trentenaires qui se mêlent à ses habitués locaux et internationaux. Joseph espère aussi que ce regain d’intérêt suscitera l’envie de ces jeunes générations de reprendre le flambeau et perpétuer ce savoir-faire traditionnel.

Lorsque j’ai découvert Joseph Martin via son site internet, un élément très vite retenu mon attention et m’a convaincu de prendre contact avec lui : le tailoring militaire. En effet, le maison de Joseph Martin est l’une des seules en Irlande à fournir les uniformes des officiers et haut-gradés de la Navy et de l’Airforce irlandaises, ce qui témoigne de la qualité de la confection qu’offre Joseph. Plusieurs années auparavant, le gouvernement irlandais prévoyaient des stocks d’uniformes prêt à porter, qui dépendent bien sûr de la branche, de la compagnie, du genre et du grade du militaire concerné.

Cependant, en prévoyant large, une quantité astronomique d’uniformes a été reléguée au fond de hangars démesurés. Pour des raisons de sécurité, les uniformes ne peuvent pas être revendus dans les surplus militaire, et lorsque qu’ils changent, tous ces uniformes sont systématiquement détruits et brûlés pour éviter les cas d’usurpation d’identité sur des sites sensibles. Devant ce gâchis, le gouvernement irlandais s’est rendu compte que faire faire les uniformes sur mesure pour chaque gradé était la solution la plus économique, et c’est ainsi que la famille Martin s’est retrouvé à confectionner les uniformes des armées irlandaises.

Un essayage d’uniforme d’un gradé de l’armée irlandaise immortalisé. On voit bien les fils de bâti, la toile du col ainsi que les revers.

L’offre par Joseph Martin : Style & tissus

A droite, vous reconnaîtrez le Prince Harry et Kate Middleton accompagnés de deux hauts-gradés irlandais dont les uniformes ont été réalisés par Joseph. Sur la photo de gauche figure le Président d’Ethiopie Mulatu Teshome accueillant le président irlandais récemment réélu Michael D. Higgins portant l’un des quatre costumes réalisé par Joseph.

Joseph est le pur produit d’un apprentissage britannique et dublinois, et bien qu’il sache s’adapter à n’importe quelle demande, la plupart de ses créations reflètent à la perfection le style classique du costume londonien et son apprentissage sur Savile Row : une coupe ajustée sans être étriquée et confortable, un padding assez construit offrant une épaule nette et droite, une cigarette en accord avec l’épaule sans qu’elle ne soit démesurée pour autant. L’élégance classique British par excellence, autrement dit l’understatement : L’élégance au sens stricte, qui ne laisse pas ou peu de place à l’excentricité. Une rayure, un chevron ou une texture travaillée sur un tissu discret de grande qualité de couleur bleue ou grise, avec parfois des soupçons de vert, d’orange ou de marron pour ces gentlemen farmer qui portent le tweed à la campagne. Une élégance raffinée non ostentatoire, qui met d’abord en avant votre courtoisie et votre caractère, voilà une idée de ce qu’est l’understatement. Pour ceux qui s’y dévoue par amour du flegme britannique dans les films anglais, je vous encourage à lire notre article sur les films Kingsman (qui ont par ailleurs ont collaboré avec la fameuse maison Huntsman sur Savile Row)

L’offre de tissu de Joseph Martin est très vaste, toutes les variantes autour de la laine, mais aussi du cachemire que ce soit pur ou mélangé avec de la laine, avec certaines liasses bien spécifique à cette région, à savoir le lin irlandais, mondialement réputé, et bien sûr du tweed ! Les liasses de Joseph viennent aussi bien de l’Ecosse que du Donegal, le comté irlandais où a vu le jour ce tweed très particulier du fait de ses pointes de couleur mouchetées aléatoirement qui rendent chaque pièce unique. En ce qui concerne les drapiers proposés par Joseph, on retrouve tous les grands classiques : Holland & Sherry, Harrisons, Huddersfield, Dormeuil (maison d’origine anglo-française !) et avec quelques surprises comme Scabal et Dugdale Bros, ce dernier proposant une liasse de tweed à tomber par terre.

La plupart de la clientèle de Joseph vient pour ses costumes, mais il lui arrive également de faire des manteaux et des pardessus. Selon lui, son projet le plus marquant a été un manteau réalisé exclusivement en vigogne pour l’un de ses habitués. Issu d’un petit camélidé (que l’on pourrait apparenter à un alpaga), c’est l’une des laines les plus isolantes et des plus couteuses au monde. Pour le reste, les prix d’appel de Joseph sont entre 1500 et 2000€ pour un costume droit deux pièces, l’échelle de prix se basant principalement sur le prix du tissu et des doublures, qui varie en entrée de gamme entre 300 et 400€. Même si cela reste bien évidement un investissement conséquent pour la plupart d’entre nous, je me dois d’être honnête : Je doute que vous trouviez de la grande mesure ailleurs dans cette gamme de prix, qui est hyper compétitive au vu de la quantité de savoir faire et de temps consacré à la confection. Pour ce budget à Paris, vous n’aurez accès qu’à de la demi-mesure, de qualité certes, mais entre les deux il y a tout un monde, là ou de la grande mesure parisienne tape directement dans les 3000€.

Même si l’atelier de Joseph est à Sligo, il se déplace chaque semaine à Dublin le mercredi, et mensuellement à Londres, où il officie dans la maison Holland & Sherry sur la fameuse Savile Row. Si vous vous déplacez souvent à Londres ou Dublin, ou bien que vous êtes expatrié (pour avoir vécu à Dublin, je sais que nous sommes nombreux), c’est clairement une piste sur laquelle vous pouvez vous pencher si vous envisager de vivre l’expérience de la grande mesure.

 

Le (pré) test de Joseph Martin : l’expérience du sur mesure

Quand on aborde un projet de bespoke, surtout lorsqu’on a l’habitude du prêt à porter, l’étendue des possibilités est si vaste que l’on peut rapidement s’y perdre. Lorsqu’en demi mesure vous pouvez choisir le tissu, les boutons, la forme (droite ou croisé), les revers (droit ou aigu), la grande mesure offre beaucoup plus que tout cela : une liberté totale ! En terme de coupe bien sûr, mais aussi d’épaule, de ceinturage ou même de la fourche du pantalon, et de la moindre des finitions de votre costume, et c’est ce qui fait toute la différence (essayez un pantalon taille haute sans une fourche adaptée, vous comprendrez rapidement à quel point c’est inconfortable). Heureusement, Joseph est très attentif à chaque proposition et ses réponses sur le plan technique et stylistique ont fait de lui un guide efficace en plus d’un très bon tailleur, ce qui est essentiel pour ceux qui se lancent dans le grand bain !

La grande mesure, c’est aussi et surtout prendre son temps. Le temps de réfléchir avec son tailleur autour du projet souhaité, d’envisager chaque finition et d’affiner la coupe. C’est un processus qui prend du temps, et il faut bien intégrer cela lorsqu’on commence à travailler sur une pièce. C’est tout le contraire du prêt à porter, où vous n’avez pas à vous soucier de tout cela car quelqu’un à déjà choisi pour vous, la seule question qui subsiste est « est-ce que je le prends, ou pas? ». La grande mesure est un long processus, car tout est fait à la main, par le tailleur et son équipe, et vous apportez aussi votre contribution par vos choix et vos goûts personnels.

Tout d’abord, vous avez avec votre tailleur une discussion sur le projet, à savoir si vous avez déjà quelque chose en tête, quelles sont les suggestions du tailleur sur des éléments que vous n’avez peut être pas pris en compte ? Ecouter son tailleur est primordial car a priori, il a conçu beaucoup plus de costumes que vous, son avis n’est donc pas négligeable. Il est aussi là pour vous guider, car vous et lui avez le même objectif : faire en sorte que ce costume rende parfaitement sur vous. Devant tant de choix et le degré de personnalisation possible, certaines personnes perdent les pédales et font faire un costume avec un tissu très fort visuellement, parfois même excentrique. Comme Gustave le dit lui-même, pour son premier costume il a fait l’erreur de choisir une rayure trop marquée malgré les conseils du tailleur, comme quoi cela arrive même aux meilleurs !

Comme vous pouvez le voir sur les photos, la veste est d’abord essayé sur toile, afin de pouvoir identifier les retouches à faire avant de couper définitivement le costume. Normalement dans la grande mesure, 3 à 4 essayages sont nécessaires avant de pouvoir enfin achever la phase finale du costume. Cependant, Joseph ne travaille habituellement qu’avec 1 ou 2 essayages avant de finaliser le costume, ce qui raccourcit considérablement le temps nécessaire à sa confection. A titre personnel, le pantalon avait besoin de beaucoup de retouches étant trop grand, de même que le gilet, mais la veste, la pièce maîtresse et la plus difficile à confectionner, tombait déjà très bien. Nous avions juste revu la longueur des manches, le cintrage ainsi que la largeur d’épaule. Malheureusement, nous avons été pressés par le temps car je devais faire mon retour définitif en France, mais un ou deux essayages supplémentaires auraient été bienvenus !
Les tailleurs préféreront toujours tailler plus grand pour les essayages, car il est infiniment plus simple d’enlever de la matière que d’en rajouter. Pas d’affolement donc si au premier essai vous flottez un peu dedans ! Il est destiné à être retouché encore et encore jusqu’à ce que le tombé et la coupe soit parfaits.

 

Test de Joseph Martin : Un grand classique du vestiaire masculin, le costume trois pièces.

  • Laine Super 110’s de la liasse Blason Drapers Cambridge VII : Un très beau tissu avec un chevron discret et nuancé entre bleu et gris. Je souhaitais réaliser ce costume dans un bleu, avec un rendu lisse pour conserver le caractère formel du trois pièce. Pour autant, je ne souhaitais pas non plus avoir un motif fort comme une rayure ou un Prince de Galles, qui a encore plus d’impact lorsqu’on porte un gilet. Je me suis donc dirigé vers un motif discret, et ce chevron m’a beaucoup plu !
  • Costume 3 pièces : Avec une veste droite deux boutons ainsi qu’un gilet droit également. On évite généralement de porter une veste croisée lorsque l’on porte un trois pièces, car ils ont tendance à se cannibaliser avec le gilet. Cela dit, j’aurai pu opter pour un gilet croisé pour une tenue encore plus formelle, pourquoi pas pour un prochain article !
  • Pantalon : Avec une veritable ouverture à l’anglaise à l’arrière, un beau revers de 5cm et des pattes de serrage comme à l’accoutumée ainsi qu’une paire de pince. J’apprécie de plus en plus porter des pinces, cela habille la jambe, permet de remonter la taille du pantalon plus haut tout en restant confortable en position assise. Enfin, il y a une raison supplémentaire très pragmatique : c’est plus simple pour le plier convenablement en suivant le pli central. Les pattes de serrage sont également nécessaires car on ne porte jamais de ceinture avec un costume trois pièces, mais des bretelles.
  • Veste : On a un beau revers de 10cm en pointe ! En effet, sur une veste croisée ou un costume 3 pièces, le revers au cran aigu est le plus adapté, et celui qui flatte le plus. On a également une milanaise, et les poches sont quant à elles à rabats passepoilés, inclinées et avec une poche ticket, un clin d’œil avec cette finition typiquement britannique. Nous sommes sur un costume formel, ainsi l’épaule est travaillée et plus construite, et bien que l’épaule reste légère et confortable, la cigarette se remarque bien plus ! Enfin, la veste présente deux boutons, et une pochette barchetta, assez classique. Nous avons choisi des boutons en corne marron clair, ce qui se démarque un peu par rapport au niveau de formalité du costume ! J’ai choisi un magnifique vert émeraude pour la doublure, encore une fois une petite référence à la couleur emblématique de l’Irlande. La gorge est basse, adaptée au port du gilet.
  • Gilet : Droit, sans revers avec 6 boutons, très bien réalisé ! A titre personnel, je ne suis pas un grand amateur de l’utilisation d’un tissu de doublure sur le dos du gilet, car lorsque j’arrive au bureau j’enlève ma veste pour ne pas la froisser, dévoilant ainsi mon gilet. J’ai donc demander à Joseph de réaliser le dos du gilet dans le même tissu que la veste. Il est muni d’une patte de serrage à l’arrière, et un détail que j’ai eu le grand plaisir de découvrir : une boutonnière verticale destinée à accueillir la chaîne d’une montre à gousset. Il ne me reste plus qu’à ajouter ceci sur ma whishlist.

 

Conseils de style pour porter le costume trois-pièces à l’anglaise

L’avantage lorsque vous porter un costume, ce que vous n’avez pas trop à vous en faire pour choisir les pièces principales, puisque l’essentiel de la tenue est déjà occupée par la veste le pantalon et le gilet. C’est pour cette raison qu’il est primordial de choisir le tissu avec minutie, car un tissu avec un motif trop fort sur une telle surface c’est l’assurance d’avoir une pièce que vous allez avoir du mal à porter. Ici, le chevron et ses nuances de gris ne se révèlent que lorsque l’on se rapproche, faisant figurer un bleu chatoyant.

Une fois que cela est fait, il ne vous reste plus qu’à choisir vos souliers et votre chemise, puis d’accessoiriser ! J’ai choisi de tourner autour du bordeaux pour ajouter une couleur chaude au bleu. Ainsi, je porte une cravate vintage Zegna à rayures texturées bordeaux, or et bleu ciel, avec l’or et le bleu que l’on retrouve sur cette magnifique pochette de Rampley & Co. Enfin pour les souliers, la patine chestnut des Repton III de Crockett & Jones se prête parfaitement à l’exercice, une paire de double boucles que j’ai testée dans cet article. De plus, même si elles ne se voient pas en temps normal, je porte des bretelles à pattes qui viennent tenir mon pantalon sous mon gilet, car on ne le répétera jamais assez malgré le fait qu’on le voit de multiples visuels de marques : pas de ceinture avec un gilet dans un style formel, s’il vous plaît. L’exception s’applique uniquement dans le style workwear !

De plus, je porte une chemise à col financier, c’est à dire le col et les poignets blanc dépareillés du reste, qui est bleu. Le col descend très bas, ce qui rend parfaitement avec le gilet.

Enfin sur la photo de droite, vous avez la tenue complète que je portais ce jour là, avec un pardessus bleu marine croisé à cran aigu 4 boutons laine et cachemire, dégoté en friperie, comme la quasi totalité de mes manteaux aujourd’hui. Je portais également une écharpe en laine mérinos qui éclaircit un peu la tenue en restant dans les tons de bleu et de vert, formant ainsi un camaïeu discret. Le carreau fenêtre rouge de l’écharpe vient soutenir ma cravate et mes souliers.

Pour moi, le port du costume formel ne signifie pas une tenue terne et triste, très loin de là. Même si la teinte de bleu est la plus classique de la garde robe masculine, cela met en avant l’importance de jouer avec les motifs ainsi que l’ajout d’accessoires dans une tenue, qui peuvent la changer du tout au tout ! Cela peut permettre à vos tenues basée sur une couleur sobre d’être un peu égayées.

 

Conclusion sur la première expérience sur-mesure complet de Jamais Vulgaire

Pour finir, je tenais à vous dire que je suis ravi de pouvoir enfin partager cet article avec vous, presque un an après mon premier rendez-vous avec Joseph ! C’était une première pour moi, mais aussi pour Jamais Vulgaire, de vous présenter la quintessence de l’art tailleur avec ce costume trois pièces en grande mesure.

J’ai apprécié aller à contre courant de nos modes de consommation actuel et prendre le temps de réfléchir et d’avoir une réelle collaboration avec un tailleur pour concevoir ce costume. Bien qu’il m’aurait fallu un essayage de plus, et que j’ai été naturellement guidé, j’ai le sentiment d’avoir à peine gratté la surface de ce qu’il est possible de faire, et que renouveler cette expérience perfectionnera le résultat final !

Heureusement, j’ai la chance de faire une taille 52 franc et net qui ne nécessite pas forcément de précautions particulières, et je ne peux que recommander d’avoir recours au bespoke ou au moins à la demi mesure en fonction de votre besoin pour avoir un résultat à la hauteur de vos attentes, qui ne sont finalement pas si élevées que cela : avoir un produit de qualité, pour vous, qui vous aille parfaitement.

 

 

 

 

arthur

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