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Le prêt-à-porter, le demi-mesure, le sur-mesure : connaissez vous vos costumes ?

Depuis quelques années on voit fleurir une multitude d’enseignes qui prétendent faire des vêtements sur mesure, alors que parfois  il s’agit tout simplement de prêt à porter qui propose un service de retouches ! En plus d’un processus de fabrication pas toujours transparent,  il faut également se méfier du prix qui n’est pas un indicateur fiable quant à la qualité du produit. Croyez-moi certaines marques vendent des produits très médiocres à un prix hallucinant.

Comme il n’est pas toujours évident d’identifier avec certitude l’offre d’une marque, on a donc décidé de vous expliquer (succinctement parce que c’est très technique si on rentre dans les détails et ça deviendrait lourd à digérer) quelles sont les différentes manières de produire un costume. Ainsi vous pourrez déterminer celle qui convient le mieux à vos envies à et vos besoins. À la fin de cet article, vous trouverez une échelle de budget afin de déterminer avec précision les offres pertinentes et celles pour lesquelles vous en aurez pour votre argent.

Commençons avec un peu d’histoire, afin d’en savoir un peu plus sur l’art du tailleur.

La naissance de l’art tailleur : le costume sur mesure

« La mode est une forme de laideur si intolérable qu’il faut en changer tous les six mois » – Oscar Wilde

À travers cette citation, Oscar Wilde oppose implicitement les deux visions qui définissent la mode. D’un côté le style qu’il considère comme intemporel, immuable, et de l’autre la tendance comme passagère, changeante au gré des vents et des lubies des créateurs. Chez Jamais Vulgaire, nous sommes de fervents partisans du style.

Pourquoi ? Car nous pensons que l’allure d’un homme se mûrit, et pour cela il faut de la constance et de la patience. Tout l’inverse de ce que proposent les grandes enseignes qui ne font que surfer sur les tendances, de ce fait elles ne peuvent pas vous proposer une offre véritablement mature.

C’est pour cela que nous vous présentons régulièrement des maisons de mesure sérieuses, parce qu’elles vous proposeront toujours une coupe qui vous met en valeur, plutôt qu’une coupe « tendance » qui risque de ne pas convenir à votre morphologie, et surtout c’est vous qui aurez le dernier mot dessus. Au contraire, les marques de créateurs ou des grandes enseignes vous imposeront leurs coupes et feront tout pour vous persuader que ça vous sied , à tort ou à raison.

Ceci étant dit, revenons à ce qui nous occupe plus précisément dans cet article : l’art tailleur. Il est né en Angleterre, tous les grands maîtres tailleur à l’origine de la création des célèbres maisons de grande mesure actuelles, qu’elles soient françaises (Cifonelli, Camps de Luca, Smalto…) ou italiennes (Dalcuore, Caraceni, Rubinacci…) sont allées se former en Angleterre. C’est uniquement en retournant chez eux qu’ils ont ensuite mûri leurs propres écoles de style. C’est donc véritablement à Londres qu’est né le costume tel qu’on le connait aujourd’hui.

C’est George Brummel (dit Beau Brummel) l’un des protégés du Prince de Galles et considéré comme le père du dandysme qui, dès le début du XIXe siècle démode le port du jabot et des multiples bijoux portés par les hommes. À la place il opte pour une veste et un pantalon, une chemise ainsi qu’une cravate. C’est le début d’une hégémonie stylistique qui règne sans partage pendant presqu’un siècle sur le vestiaire masculin, en effet le costume va s’imposer comme étant la tenue de tous les hommes jusque dans les années 50.

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Résumons : les hommes renoncent à tous ces apparats et bijoux ostentatoires pour une tenue nettement plus épuré. L’idée étant de porter une tenue beaucoup plus sobre, dans les tons foncés. Ainsi, on se refuse désormais à étaler ses richesses aux yeux des autres, une éducation encore ancrée dans l’aristocratie anglaise. À titre anecdotique, il faut savoir qu’autrefois les aristocrates anglais prêtaient leurs vêtements neufs à leurs valets pour qu’ils puissent les user car c’était mal vu d’arborer un vêtement flambant neuf, cela donnait l’air d’être un bourgeois (comprendre nouveau riche).

La nouvelle tenue instaurée par Brummel doit être sobre mais raffinée dans ses finitions (grâce notamment aux nœuds de cravates sophistiqués). C’est donc Brummel qui a institutionnalisé le port du costume, tel qu’on le connait encore aujourd’hui. Une manière de se vêtir particulière, qui va rayonner à travers le monde et donnera naissance à l’art tailleur.

À l’origine les maisons de tailoring ne pratiquaient que le Bespoke (ou grande mesure en français). « Be spoken » voilà ce qui était écrit sur un bout de parchemin accroché au mètre de tissu négocié avec le client. Ces petites étiquettes permettaient au tailleur de gérer ses stocks de tissus. De cette habitude commerciale naîtra l’expression Bespoke, qui désigne la plus haute discipline tailleur pour homme. En effet, la grande mesure ne s’adresse traditionnellement qu’à ces messieurs (au même titre que la haute couture ne s’adresse qu’aux dames) et il n’est question que de costume, puis de souliers et de chemises qui possèdent chacun des processus de fabrications artisanaux d’une grande qualité.

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LA GRANDE MESURE : LE BESPOKE

Mais c’est quoi exactement le bespoke ? C’est lorsqu’un maître tailleur conçoit et réalise un patron unique pour chacun de ses clients. De plus, l’offre de tissus proposée est immense (en moyenne on parle de plusieurs milliers de références) et tout les détails imaginables sont personnalisables (en théorie seulement car vous verrez par la suite que certaines maisons imposent leurs signatures).

La grande-mesure se réalise à partir de toiles (un ensemble de patrons assemblés pièces par pièces) montés directement sur le client afin de réaliser la prise de mesure. Les corrections sont pratiquées directement sur le client. Lorsque les mesures sont satisfaisantes, le maître tailleur peut alors couper chaque élément du costume et les façonner.

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(une photo de l’atelier mesure Arnys pour Berluti)

Une fois le patron conçu (il faut compter environ 2 essayages intermédiaires pour l’ajuster) le costume est entièrement réalisé à la main selon un montage traditionnel : c’est-à-dire entièrement entoilé avec une large palette de finitions sartoriales typiques de l’art tailleur. Le costume traditionnel est l’un des vêtements qui réclame le savoir-faire le plus complexe au monde (c’est l’équivalent de la haute couture chez les femmes), on compte pas moins de quatre-vingts à cent de travail pour une pièce réalisée entièrement à la main. On compte généralement un délai de réalisation complet de deux à six mois (à partir de votre premier rendez-vous).

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Chaque grande maison de tailleur actuelle a développé sa propre signature, ses propres caractéristiques subtiles qui lui permettent d’être reconnaissable. Par exemple Cifonelli (une illustre maison française de grande mesure) est reconnue pour son emmanchure haute et son épaule très marquée, alors qu’un costume de la maison Attolini (italienne) se caractérise en partie par une épaule tombante et un padding plus léger au niveau des épaules : ils ont inventé la construction de veste napolitaine.  Bien que chaque costume soit sensé être « unique » et conçu selon les désirs du client, chaque maison impose certaines caractéristiques qui font leur réputation. C’est une contrainte qui fait débat dans le monde du Bespoke car le client est sensé pouvoir choisir vu le prix qu’il y consacre. Ceci étant dit, quelqu’un qui a les moyens et le goût de s’offrir un costume en grande mesure, sera forcément sensible aux différentes écoles de style proposées par ces grands tailleurs. Ainsi, il s’y rend en toute connaissance de cause.

Prix : à partir de 5000-6000 € à Paris

LE PRÊT-À-PORTER

À la sortie du deuxième conflit mondial, on sort d’une grande pénurie des matières premières. Beaucoup de choses sont à faire en Europe, y compris les vêtements. Les besoins sont donc massifs et urgents. Au même moment cela fait déjà un moment que le marché américain expérimente le prêt à porter, notamment pour sa propre armée. En effet, cette manière de produire industriellement est très efficace, rapide à mettre en place et peu coûteuse, elle est d’autant plus avantageuse quand la demande est massive. En outre, la production industrielle intensive issue du prêt à porter a permis à l’économie américaine de sortir de sa crise économique de 1929 grâce à la demande d’un effort de guerre important.

Qu’est-ce que le prêt à porter ? Il est constitué de pièces vendues en tant que produit fini et non pas réalisé sur-mesure. Celui-ci est traditionnellement opposé, pour les femmes, à la haute couture et pour les hommes à la grande mesure. Il désigne le passage de la couture artisanale et du vêtement sur-mesure à la standardisation des tailles qui permet la production en série. Donc on propose des patrons réalisés à l’avance, on produit en masse pour obtenir des rabais auprès des producteurs de tissus et des usines à qui l’on confie la production. Attention, toutes les marques de prêt-à-porter  ne produisent pas en masse, ceci dit ça permet d’obtenir des avantages significatifs en termes de coût si elles le font.

jamais vulgaire costumes prêt à porter

C’est actuellement le moyen de production qui domine le marché de la mode. Ceci dit, même si une grande majorité des produits issus du prêt à porter sont médiocres, on trouve quelques acteurs nichés qui proposent des produits d’excellence dans le prêt à porter avec des finitions très soignées. Un produit issu de prêt à porter n’est donc pas nécessairement mauvais, il peut même être bien supérieur à ce que propose une enseigne de mesure industrielle.

Disons qu’on peut partir du principe que plus une marque est puissante, plus elle dépense en budget marketing et donc plus elle sera tenté de réduire les coûts ailleurs, notamment ceux de sa production (en délocalisant dans des pays du tiers monde pour payer une main d’oeuvre peu qualifiée à tout petit prix par exemple) pour ne pas réduire ses marges malgré l’impact des coûts marketing. Dans les années 80 c’était un véritable phénomène mondial qui a conduit le marché de la mode à proposer des produits techniquement très médiocres.

Aujourd’hui les choses bougent et la « tendance » s’inverse doucement sur notre marché (enfin pas parce que les marques l’ont bien voulu mais plutôt parce qu’on les encourage fortement à jouer le jeu) et les nouvelles marques se concentrent plus sur le produit plutôt que sur l’univers et le concept.  Certaines en font même leur cheval de bataille, on peut donc tout à fait trouver du prêt à porter de qualité à un prix compétitif, ce qui n’était pas le cas il y a encore 15 ans de cela.

Prix : à partir de 80€

La demi mesure : made to measures

Ou la demi-mesure, également appelée Su misura en italien, la demi-mesure est née dans les années 70 chez Scabal, à cette époque l’art tailleur est à l’agonie. Scabal remarque qu’il existe une différence de prix conséquente sur le marché entre la grande mesure et les costumes produits à la chaîne en prêt-à-porter . Inquiets (à juste titre puisqu’ils n’étaient plus du tout compétitifs) les tailleurs craignent sérieusement pour leur avenir car ils ne peuvent tout simplement pas affronter cette nouvelle tendance de production intensive industrielle low cost qui menace le marché de la mesure : le prêt à porter. Chose aisément compréhensible puisque c’est une manière de produire qui tranche radicalement avec les habitudes et principes des tailleurs.

Scabal prend les devants et décide alors de créer un nouveau service à mi-chemin entre les deux, c’est la genèse de la demi-mesure. L’idée c’est de rationaliser et d’industrialiser la production en imposant un patron unique auquel on adapte les mesures du client tout en proposant de nombreuses options de personnalisation. Une pratique qui fût tout d’abord moquée par ses confrères, qui finirent rapidement par s’y mettre aussi pour éviter de mettre la clef sous la porte. La prise de mesure est réalisée par un vendeur (qui a suivit une formation au préalable pour les enseignes sérieuses) mais pas par un tailleur qui possède une formation en patronage beaucoup plus complète.

jamais vulgaire costumes petite mesure

Ce nouveau processus de fabrication permet de proposer un costume aux alentours de 1 000€ (à l’époque)  qui va séduire une clientèle qui n’a pas les moyens de s’offrir un costume en grande mesure mais qui désire s’affranchir des produits standardisés proposés par les grandes marques. Scabal, en plus d’être une filature de renom est également l’inventeur de la demi-mesure qui a probablement sauvé de nombreux tailleurs d’une fin certaine.

Un processus de fabrication qui a le vent en poupe depuis un peu plus d’une dizaine d’année.

Prix : à partir de 400€

Le sur mesure

Le « véritable » sur mesure se situe entre la grande mesure et la demi-mesure.

C’est à dire qu’elle propose un processus de fabrication qui contient au minimum pour moitié d’opérations à la main et pour le reste réalisé à la machine. La prise de mesure s’effectue sur vous afin de développer votre propre patronage. Elle réalisée par un tailleur qui possède une formation en modélisme ou tout simplement un maître tailleur.

jamais vulgaire costumes petite mesure

On propose une sélection de tissus aussi large qu’en demi-mesure soit environ plusieurs centaines de références en moyenne.

La petite mesure est un compromis idéal pour qui souhaite aller plus loin qu’un costume en mesure industrielle, et ainsi pouvoir goûter à ce qui se rapproche véritablement du travail d’un tailleur.

Prix : à partir de 2000€

QUELLE OFFRE VOUS CONVIENT LE MIEUX SELON VOTRE BUDGET?

Le critère le plus important reste votre budget et j’aimerai vous donner une échelle de prix pour laquelle chaque processus de fabrication est pertinent. En dehors de cette gamme de prix que je vous propose ci-dessous, je vous déconseille l’achat, car vous n’en n’aurez pas pour votre argent ou pire vous vous ferez purement et simplement arnaquer.

Prêt à porter  80 à 2 000€

Comme je le disais, un costume de prêt à porter peut être un produit d’excellence, et certains tailleurs de grande mesure en proposent de belles collections réalisées en prêt à porter. En revanche, j’estime qu’au delà de 1800€, il convient de préférer un produit issu de la petite mesure, qui est une offre plus intéressante à partir de cette gamme de prix là ! J’ai déjà vu des produits de prêt à porter qui dépassent les 3 000€ et à ce prix là ça devient ridicule puisque vous avez les moyens de vous offrir le Graal du costume : la grande mesure.

Entre 400 et 2500€

La demi mesure vous conviendra le mieux. En deçà de 350€  je vous conseille d’éviter, car je doute qu’on puisse vous offrir un costume en mesure industrielle de qualité avec un tissu honorable. Au même titre que mettre plus de 1800€ serait un peu dommage car à ce prix là on peut accéder à la petite mesure, qui offre une proposition de construction nettement plus artisanale et donc un produit de qualité supérieure. C’est une alternative très intéressante au prêt à porter lorsque vous avez des morphologies qui sortent de l’ordinaire. De plus, il faut savoir qu’en France on trouve des offres intéressantes à un prix désormais très abordable.

Entre 2000 et 5000 €

Le sur mesure vous tend les bras ! À partir de ce budget là, on passe un cap. On passe le cap de la réalisation industrielle pour commencer à tâter un produit réalisé de manière artisanale par des artisans très qualifiés. Pour ceux d’entre vous qui en ont les moyens, je vous conseille vivement de passer à la petite mesure et d’abandonner la mesure industrielle et le prêt à porter (même si celui là est réalisé à la main). Vous vivrez une expérience sartoriale authentique et personnalisée qui vous permettra d’aller plus loin en termes de style.

A partir de 5000 €

Pour les heureux élus qui peuvent se permettre un tel budget, c’est un produit artisanal d’excellence qui s’offre à vous. C’est bien simple, il n’y a pas une plus belle manière de réaliser un vêtement pour homme qu’un costume façonné en grande mesure. Cette discipline fait appel aux meilleurs artisans et le la coupe proposée sera la plus aboutie et personnalisée possible pour votre morphologie . Nous n’avons pas eu l’occasion d’en tester un chez Jamais Vulgaire, et nous n’en aurons probablement pas l’occasion mais qui sait, on a le droit de rêver !

 

 

Gustave Uhlig

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