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Test & Avis Gustavia shoes : des souliers aux formes racées à prix accessible

Cela fait un petit moment qu’on suit des bottiers chez Jamais Vulgaire, et on est toujours impressionné par les formes très affirmées qu’ils proposent sur leur soulier. Des formes travaillées, qui les font aussitôt sortir de l’ordinaire. Le hic ? C’est qu’il faut généralement prévoir un sacré budget pour s’en offrir une paire ! Récemment j’ai découvert une petite boutique discrète dans le 6e arrondissement : Gustave Shoes. Samy (le propriétaire), y propose des souliers aux formes affirmées (très évocatrices de l’art bottier) patinées sur demande aux alentours de 400€ la paire. Ni une ni deux, on a décidé qu’il fallait tester ça pour voir ce que ça pouvait donner.   .

Avis sur Gustavia shoes :  un soulier qui rend hommage à l’univers de la botterie

Le moins qu’on puisse dire, c’est que toutes les marques/créateurs/fabricants que je rencontre sont des passionnés, mais avec Samy (le fondateur de Gustavia shoes) c’est un euphémisme : il est très cultivé sur le sujet et m’a expliqué des choses que j’ignorais ou méconnaissait partiellement sur le monde des souliers. Avant de fonder Gustavia shoes il y a 21 ans, il était le co-fondateur d’Altan bottier, qui est très réputé à Paris pour ses souliers. Très vite on s’aperçoit que c’est un vrai puits de connaissance, qui s’intéresse à l’histoire et à l’origine des souliers, avec une nette préférence pour ce qui se faisait avant les années 50.

Un parti pris stylistique fort et assumé pour des souliers conçus pour tenir une vie entière

Tous les modèles qu’il propose à patiner, sont des souliers bien particuliers, qui ont connu leurs heures de gloire. Samy se saisit d’un modèle qu’il apprécie en fouillant dans les archives des grands faiseurs, et s’en empare, en le retravaillant à sa guise. Derrière chaque modèle, il y a une histoire, une anecdote historique à raconter. Il cherche avant tout à faire perdurer l’esprit bottier, en proposant des formes nettement plus caractérielles que ce que l’on peut trouver dans le commerce, avec des matériaux d’une grande qualité. Derrière tout cela, il ne faut pas oublier qu’il est question de proposer des souliers qui vous feront une vie, une vraie vie.

Chez Gustavia shoes on trouve des souliers très effilés, avec une grande majorité de bout rapporté (même s’il propose un ou deux souliers à forme arrondie). Mais son travail ne peut pas se résumer à cela, les formes sont plus complexes et font parfois intervenir un subtil mélange, donnant un faux bout rapporté arrondi, comme les faisaient les anglais au début du XXe siècle. Certains modèles sont au contraire, tout à fait carré (je pense notamment aux mocassins qu’il propose) et dont le bout peut être clivant.

Comme le parti-pris stylistique est fort, son travail est nécessairement clivant : il va beaucoup plaire à certains, et d’autres n’accrocheront pas du tout. Personnellement j’ai trouvé que les bottines qu’il propose sont très, très réussies. En effet, la plupart des bottines qu’on peut trouver dans le commerce aux alentours des 400€, sont très lourdes visuellement, ce qui vous fait un pied massif. Or, c’est tout le contraire chez Gustavia shoes, les formes des bottines sont très effilées, offrant une allure très élancée. Je vous laisse une petite photo de l’une de ses Chukka Boots patinée, qui parle pour elle même :

Des patines sur demande et un service de cordonnerie

Gustavia shoes propose deux gammes de souliers : une entrée de gamme à partir de 190€ jusqu’à 280€ : peausseries italiennes/françaises et finitions classiques sur un cousu Blake. Mais c’est la gamme principale qui nous intéresse principalement (et qui fait l’objet du test) qui démarre à partir de 300€ pour les paires en veau-velours et à partir de 390 jusqu’à 450€ pour les paires à patiner sur cuir lisse. Cette gamme utilise notamment des peaux françaises de la tannerie du Puy, ou de l’anglais Stead, de premier choix (que l’on retrouve rarement dans la plupart des marques).

Je me suis longtemps demandé comment des marques de souliers situés à 180-250€, pouvaient se prévaloir de proposer un cuir issu des mêmes tanneries que les marques du luxe. Soyons honnête, je me doutais bien qu’il y avait différentes gammes, mais grâce à ma petite visite chez Gustavia Shoes, j’ai pu approfondir le sujet et comprendre véritablement de quoi il en retournait. Pour faire simple, il y a deux gammes de produits : les peaux de premier choix et les peaux de second choix. Chaque catégorie étant ensuite subdivisée elles mêmes en plusieurs gammes. La plupart des marques qui se situent entre 150 et 300€ proposent donc des peausseries de second choix (sauf quelques exceptions qui arrivent à proposer des peausseries de premier choix), tandis que les maisons du luxe/premium se fournissent en peausseries de premier choix (sauf quelques exceptions qu’il convient donc d’éviter vu les tarifs imposés).

Tous les souliers sont fabriqués au Portugal, chez un faiseur très connu du métier, mais que nous ne citerons pas (les puristes sauront tout à fait le reconnaître) avec un cahier des charges très exigeant. Il patine tout lui même à la main, selon la tradition.  Comme Samy propose un soulier solide conçu pour durer, les endroits sensibles sont particulièrement renforcés, ce qui peut être inconfortable les premiers ports ! Il offre donc la possibilité de « faire » vos souliers lui même via un appareil pour vous éviter l’inconfort des premiers ports. Comme ça vous avez les avantages d’un soulier résistant, et un minimum de désagrément provoqué par celui-ci.

Il propose également un service de cordonnerie très compétitif, avec la pose de patins et de fer pour la modique somme de 30€. Il est également équipé en embauchoir en hêtre (pas en cèdre car moins performants et souvent mal fichus selon son expérience) pour également 30€.

Test Gustavia shoes : la bottine balmoral bi-matière

 

C’est le modèle qui me fait de l’oeil depuis un moment. Ça tombe bien, Samy en propose deux modèles : un tout en cuir lisse, et un en bi-matières avec du veau-velours. Ni une ni deux, je me penche sur le modèle le plus original à mes yeux. Cette bottine s’inspire d’un modèle anglais, populaire dans les années 1910, avec un bout faux arrondi et une allure élancée.

  • Le veau-velours superbuck de chez Stead : C’est la partie qui me séduit le plus dans cette bottine : le haut en veau-velours roux de chez Stead. Une peausserie iconique, qui aurait séduit le duc de Windsor lui même ! Cette peausserie provient de la gamme superbuck (l’une des plus qualitative) autant dire qu’il s’agit d’un tank  qui peut après tout essuyer, et retrouver sa beauté d’origine après un soin.
  • Le cuir crust calf de premier choix de Du Puy : Quand on propose une paire à patinée, il est préférable d’utiliser un crust calf plutôt qu’un box calf. Cela permet à la peau de mieux absorber le traitement de couleurs qui va suivre ! Provenant d’une gamme de premier choix de la célèbre tannerie Du Puy, elle surpasse tout ce qu’on peut trouver sur la même gamme de prix (à ma connaissance).
  • Montage Goodyear : Gustavia shoes propose un montage Goodyear traditionnel, sans allègement particulier. Samy désire proposer un soulier qui dure dans le temps, par conséquent il préfère ne pas alléger le montage pour qu’il soit le plus résistant et endurant possible.
  • Bout carré rond : Typique de la botterie anglaise du début du XXe siècle (il sera plus tard remplacer dans les années 50 par le bout arrondi massif que l’on connait aujourd’hui), c’est un bout très raffiné qui offre une allure élancée à son porteur.
  • Patine chocolat marbrée : J’ai opté pour mon type de patine préféré : la patine marbrée. Elle offre de subtils jeux de clair-obscur sous forme de tâches, et donne un camaïeu de marron qui se décline tout le long du soulier. C’est la patine la plus sobre et la plus subtile à mes yeux, qui donne de belles nuances sans jamais être ostentatoire.
  • Cambrion simple : On croise beaucoup de double cambrion en bois chez d’autres marques et c’est tant mieux car c’est plus joli en termes de volume sous le pied. En revanche sur le plan du confort, ça n’apporte rien de particulier en plus, Samy a donc préféré
  • Les perforations séparant les deux peausseries : Ça n’a aucune fonction, c’est purement décoratif. Cela allège la ligne du soulier et permet de marquer un contraste entre le veau-velours et le cuir lisse. Une décoration sophistiquée qui habille l’ensemble et permet une transition douce entre les deux peausseries. J’apprends au passage que les perforations n’ont aucun usage particulier, notamment vis à vis des intempéries, c’est une pure fantaisie. Encore une légende urbaine qui s’effondre !
  • Lisses semi-rondes en cambrure : le bord latéral de la semelle est particulièrement travaillé avec une forme semi arrondie sur les cotés, pour revenir sur une forme carré et droite sur le talon et le bout. Une finition qui s’approche de ce qu’on peut voir chez Lobb ou E en mesure traditionnelle (la forme latérale de la semelle  est complètement arrondie).
  • Coin talon cassé : Une finition inutile aujourd’hui, mais qui est un petit bijou d’histoire à raconter. Fut une époque, les hommes enfilaient d’abord leur soulier puis leur pantalon. Quant on fait les choses dans cet ordre,il y a toujours un angle du talon qui s’accroche au pantalon, celui situé à l’intérieur du soulier. Cette finition permettait donc de faciliter cela !

Mes impressions après mes premiers ports

Après avoir essayé quelques tailles pour trouver la plus ajustée à mon pied, nous avons identifié les différents points du pied qui provoquent une gêne quand le soulier est porté. Cela a permis à Samy de laisser les bottines sur sa machine qui a pu travailler les endroits sensibles en question, afin que les premiers ports soient moins inconfortables. Une opération efficace, car je n’ai ressenti qu’une légère gêne, qui s’estompe rapidement en marchant. Nous poserons bientôt le patin avec un fer associé, afin que le soulier soit parfaitement opérationnel. J’adore la forme proposée, elle est très élégante et plutôt flatteuse pour ma carrure, et donne une allure élancée. La patine est discrète en intérieure, et dévoile toute sa richesse une fois exposée au soleil, c’est un régal pour les yeux. Bien que j’appréhendais un peu l’avis de mes amis, ils m’ont tous fait des compliments sur la forme, qu’ils trouvaient raffinée. Pour le moment je suis ravi de ma bottine, surtout quand on connait le prix : 390€ pour cette paire patinée sur demande ! Elle n’est pas disponible sur le site, mais belle est bien présente en boutique.

Conseils de style : bien porter une paire de bottines balmoral patinée

C’est la première fois que je pars sur une paire de souliers casual patinée. Ça habille tout de suite le soulier, et le rend nettement plus difficile à porter dans une tenue casual. Par exemple cette paire de balmoral ne fonctionne pas avec un jean, car elle est trop habillée et il y a un décalage de style. Pourtant l’association bottine/jean marche généralement très bien, mais pas toujours et en l’occurrence c’est plutôt un piège à éviter. Voici mes autres conseils pour aborder ce genre de modèle sophistiqué :

  • On évite le costume formel avec une paire de bottine : C’est le piège numéro 1 à éviter quand on porte une paire de bottines. Le costume formel est trop lisse pour être porté avec une paire de bottines, même aussi habillée que la balmoral. Il existe deux alternatives intéressantes impliquant le costume et les bottines : un costume d’hiver bien épais (tweed/flanelle) ou un costume dépareillé d’hiver, ça peut se tenter aussi. L’idéal étant une tenue casual si vous ne voulez pas prendre de risques !
  • Une patine colorée, mais point trop : Vous me connaissez, j’évite les couleurs trop criardes, et cela d’autant plus sur une paire de souliers. Je trouve que le marron/bordeaux/noir offrent déjà des nuances très suffisantes pour faire quelque chose d’original tout en restant maîtrisable. Le gris est également une patine intéressante, même si ce n’est pas ce que je porterai. Je crois qu’il convient d’éviter les couleurs qui vous feront passer pour des clowns : jaune, violet, vert …. plutôt que pour des hommes élégants et raffinés. La patine est un terrain glissant, mieux vaut avancer à pas feutrés !
  • Une pièce forte à laquelle il convient d’épurer autour : Une paire de souliers patinée, c’est forcément une pièce forte, même en choisissant une patine légère et subtile. Par conséquent, il est préférable d’utiliser des pièces lisses autour, afin de les mettre en valeur. Je conseille donc d’éviter de porter un pantalon avec un motif prononcé juste au dessus. Idéalement ? Votre tenue contient 2 pièces fortes : une en haut et une en bas, le reste des pièces sert à lisser, afin que les gens qui vous regardent puissent comprendre instinctivement quoi voir dans votre tenue.

Une tenue casual habillée pour sortir le weekend en restant élégant

Ma tenue est composée de deux pièces fortes : le blouson rouge et la paire de bottines. Tout le reste est donc fait pour lisser autour (la chemise en oxford bleu ciel et le pantalon habillé gris) et générer du contraste entre chacune des pièces avec du clair et du foncé. C’est typiquement le genre de tenues que j’adore, ou je mixe des pièces formelles et des pièces casual pour un style très habillé. Je trouve que le pantalon habillé fait des miracles dans une tenue casual, à condition qu’il soit un peu texturé et avec des finitions sartoriales (ceinture habillée/taille haute). Avec du recul, je pense que j’aurais du opter pour un pantalon un peu plus hivernal, en flanelle ou en tweed avec cette tenue et ces bottines ! Les pièces de ma tenue sont les suivantes :

Le blouson Lopez Aragon / La chemise Cotton Society / Le pantalon Tailor Trucks / Solaires Lesca

Avis final sur Gustavia shoes et la balmoral patinée bi matière

Samy (le fondateur) est un véritable passionné, qui maîtrise son sujet, cela fait des décennies qu’il travaille dans le monde du soulier, et il m’a beaucoup apporté et appris sur l’univers et le marché de la chaussure masculine traditionnelle. Il propose un parti-pris stylistique fort, et par conséquent nécessairement clivant, surtout vis à vis de ce qu’on a l’habitude de voir dans le commerce mainstream. Ce qu’il propose plaît, ou ne plaît pas, mais ça ne vous laissera pas indifférent, ça c’est certain. J’ai beaucoup apprécié l’expérience, et je trouve que certains de ses modèles valent franchement le détour, notamment les bottines et les richelieu. Je recommande donc chaudement Gustavia shoes, et vous conseille d’y faire un tour, ne serait-ce que par curiosité (puis en plus tous les modèles ne sont pas affichés sur le site), dans sa petite boutique du 6e arrondissement, à deux pas du Lutetia. Pour 410€ la paire patinée sur demande, cela vous offre la possibilité d’avoir une paire de caractère, avec un montage solide et un cuir de premier choix dans l’une des tanneries françaises les plus réputées au monde.

Gustave Uhlig

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