Vous commencez à connaître le principe du site: je ne teste que les marques qui apportent une vraie valeur ajoutée au marché déjà existant.
C’est plus facile dans certains secteurs que d’autres: pour les chemises par exemple, l’offre est déjà très généreuse dans à peu près toutes les gammes.
La question deviendrait encore plus complexe si je voulais parler d’une marque étrangère, qui s’est développée en tenant compte de son marché local et non pas de ce qui existait déjà en France.
Bref, le challenge est sacrément relevé pour se distinguer sur de la chemise en France avec très sérieux concurrents (dont on vous a déjà parlé) mais c’est l’ambition de la marque allemande de chemises ETERNA, une marque bien établie (1863) avec une offre fleuve, quelques faiblesses mais aussi des petites perles que je n’aurais pas soupçonnées.
Sommaire
I ETERNA: une collection variée grâce à une expertise centenaire
Une innovation permanente depuis 159 ans
Derrière un site bien fait et une image plutôt moderne, ETERNA (à ne pas confondre avec la marque horlogère du même nom) est en fait une maison séculaire fondée à Vienne en 1863, à une époque où l’on portait d’ailleurs toujours des chemises à cols détachables.
Cela en fait donc une enseigne à l’expertise et la légitimité largement comparable aux enseignes bien connues de Jermyn Street comme Turnbull&Asser ou Gieves&Hawkes.
La marque connaît le succès avec l’invention d’un des premiers tissus double retors, synonyme d’une durabilité accrue par rapport aux tissus de l’époque et qui facilite par ailleurs grandement le repassage : le non-iron sera au fur et à mesure de son développement l’une des grandes spécialités d’ETERNA (ce que j’ai pu vérifier dans l’article).
Comme beaucoup de marques avec une telle ancienneté, ETERNA maîtrise davantage sa production qu’une DNVB classique : elle rachète ainsi en 1997 sa principale usine sous-traitante en Slovaquie.
Une entreprise responsable depuis l’année 2000
Il n’y a pas grand-chose qui m’agace plus que le green-washing, souvent mis en avant par des marques qui veulent mieux positionner des produits pas très intéressants juste pour suivre une tendance.
De son côté, ETERNA détient le label OEKO-TEX Standard 100 Plus, le label OEKO-TEX le plus exigeant, et ce depuis les années 2000, à un moment donc où personne n’en parlait et où c’était davantage le genre de décision qu’on prenait encore par pure conviction désintéréssée que par stratégie marketing.
A travers le système OEKO-TEX , chaque chemise est traçable grâce à leurs codes EAN et à leur numéro de production, visibles sur l’étiquette:
Voici donc la chaîne de valeur de cette chemise, fabriquée en Chine à partir d’oxford thaïlandais, avec une confection finalisée en Slovaquie.
Même si le tissu est lui aussi asiatique pour limiter les dégâts, on est loins d’un circuit court.
ETERNA a cependant le mérite d’être très transparente sur son émission carbone par chemise : environ 8.7kg de CO2 par an. Cette émission est malheureusement deux fois supérieure à ce qu’une production en circuit court européenne peut générer (3.5-4kg).
En revanche, ETERNA affiche un bilan carbone neutre depuis 2017 à travers ses multiples dons au fond de régulation climatique myclimate, ce que peu de marques peuvent prétendre.
Vous pouvez en apprendre plus ici. Encore une fois, on ne parlait en 2017 pas tant que ça de la notion de bilan carbone donc c’est également très précoce.
L’offre et le sizing
Malheureusement, on trouve assez peu de références en petite taille (36/37) : j’imagine que c’est dû au gabarit moyen allemand. En revanche, cela ne veut pas dire que la marque taille grand : elle taille au contraire plutôt normalement et j’ai souhaité m’en assurer en testant une grande variété de tailles.
Une très belle variété de coupes
ETERNA propose trois fits:
– SUPER SLIM FIT
– SLIM FIT
– MODERN FIT
– REGULAR FIT
– COMFORT FIT: à partir du 40
De manière assez logique, le fit le plus large démarre à une taille minimum plus élevée.
Si cette variété de tailles est appréciable, on reste malheureusement un peu sur sa faim pour les petites tailles: le choix est plus que limité si on cherche un 36/37 en Super Slim Fit notamment (mais j’imagine que cette morphologie est encore plus rare en Allemagne qu’en France).
Enfin, différentes longueurs de manche sont disponibles:
– raccourcie 59 cm
– normale slim fit: 67 cm
– extra longue: 68 cm
– super longue: 72 cm
Bref, si parmi les marques françaises vous aviez du mal à trouver votre taille, vous trouverez forcément une coupe qui vous convient ici.
Les modèles que je désapprouve
Comme je l’ai indiqué dans la charte du site, chaque test est préparé avec les représentants de la marque lors d’un rendez-vous où j’évoque spécifiquement les points faibles de la marque que je mentionnerai de manière non négociable dans l’article.
Ici, il est évident que j’allais d’abord vous parler de toutes ces chemises au col intérieur ou aux poignets contrastants d’un goût douteux qui rappellent les sombres heures de début 2010: j’imagine qu’il n’y a même pas besoin de vous les déconseiller explicitement. Ca cartonne peut-être ceci dit en Allemagne pour une raison que je ne m’explique pas.
Je vous en parle surtout car c’est ce que l’on voit en premier en arrivant sur le site: ça ne doit pas vous décourager de jeter un coup d’oeil à l’offre dans sa globalité qui en vaut largement le coup.
Si la marque est un peu à côté de la plaque (pour la France) sur ce pan de l’offre là, elle est beaucoup plus pertinente sur des catégories d’actualité : des chemises « SOFT TAILORING », d’autres « Never Iron », une gamme Upcycling et une gamme COVER SHIRT (une promesse d’opacité précieuse pour les chemises blanches).
II Test de la chemise SOFT TAILORING Jersey
La gamme Soft Tailoring
Pas besoin de vous faire un dessin pour que vous compreniez pourquoi il s’agit de ma gamme préférée, et qu’elle est extrêmement pertinente. Les définitions du soft tailoring varient : pour moi, il s’agit de produits habillés, aux finitions soignés, mais avec un confort supérieur permis soit par la construction (vestes à épaule napolitaine, pantalons sartoriaux élastiqués) soit par la matière (seersucker, flanelle, jersey etc).
Ici, c’est surtout de la gamme Jersey dont je voulais parler : les produits imprimés sont plus difficiles à porter et les autres chemises unies un peu plus communes.
C’est pour ne rien vous cacher précisément la chemise SOFT TAILORING en jersey qui m’a donné envie de tester la marque, et ce fût un coup de foudre immédiat à la réception.
Un col cutaway flatteur et bien proportionné
On reparlera de ce col pour le modèle plus formel de COVER SHIRT : je suis toujours assez prudent sur ceux-ci car ils sont assez exigeants pour vraiment bien rendre sans cravate, avec deux boutons ouverts (pour moi le port le plus évident pour une chemise en jersey).
Celui-ci tient parfaitement et est même pourvu de baleines intérieures qui sont très pertinentes ici : en revanche, elles sont non amovibles. J’espère donc qu’elles ne se déformeront pas trop au fur et à mesure des lavages (cela devrait au pire pouvoir se corriger au fer).
Le jersey
Il s’agit d’un jersey 100% coton avec un très bel effet chiné qui en fait un très bon basique de mi-saison qui pourra se porter aussi bien avec des flanelles et des tweed légers qu’avec des matières plus estivales comme du fresco ou du lin.
C’est en tout cas un vrai bonheur à porter tant il est confortable. Il a également l’avantage d’être non-iron.
Le sizing : 38 slim fit
Je n’ai pas vraiment eu le choix vu que le modèle n’est disponible qu’en 38 : par miracle le slim fit 38 me va comme un gant en particulier grâce à l’élasticité du jersey (seulement bi-directionnelle horizontale rappelons-le mais qui contribue déjà beaucoup au confort).
Les finitions (identique pour toutes les chemises)
On est dans la moyenne pour ce prix :
– finitions 7 pts/cm
– boutonnage en croix
– coutures anglaises
– poignets arrondis avec double boutonnage
Conseils de style
Comme je vous le disais plus haut, c’est une chemise parfaite pour une tenue qui mélange à la fois élégance et nonchalance : on peut donc la compléter avec d’autres pièces aux inspirations similaires.
Je porte ainsi la chemise ETERNA SOFT TAILORING en jersey de coton avec :
– une Jungle Jacket Yeossal (article ici) : tailoring par sa confection et son tweed luxueux, soft par son côté déstructuré, son héritage militaire ainsi que la praticité et le côté plus nonchalant de ses poches
– un pantalon sartorial élastiqué d’Avenza (voir article ici) : tailoring par sa coupe, sa matière et son pli frontal marqué et soft par l’élastique
– des mocassins Septième Largeur en cuir de cerf (voir article ici)
Le jersey légèrement chiné se porte bien avec des textures affirmées mais légères comme le tweed Abraham Moon de la Jungle Jacket, mais aussi avec la flanelle du pantalon.
La chemise jersey SOFT TAILORING est disponible ici à 89,99€
III Test de la chemise oxford SOFT TAILORING col boutonné
Sizing
Même après lavage, la taille 38 Slim Fit est ici un poil plus grande sur moi que le modèle jersey: c’est du coup le vrai rendu d’une matière normale sans effet stretch.
Il y a juste pas mal de matières ici à reprendre au niveau des bras.
La matière
Il s’agit d’un oxford Easy iron, plutôt agréable et avec un tombé assez marqué. La fameuse variante de motifs rayures blanche sur fond bleu est une belle alternative aux rayures bleu marine sur fond blanc. C’est aussi une déclinaison qui se porte bien l’été avec un simple chino.
On note ici qu’il s’agit d’un oxford assez lourd, à la texture plutôt prononcée.
Le col
J’ai ici choisi de manière plus classique un col boutonné. Le rendu fermé donne bonne idée de ses particularités : il est bien large et assez ouvert. Il se porte très bien sans cravate mais pourrait aussi accueillir une belle variété de nœuds dans une tenue tailoring plus classique.
Conseils de style
L’oxford étant un tissu 4 saisons casual par excellence, il se porte très facilement avec une flanelle légère (comme celle du pantalon Maison Pen) et avec la plupart des blousons de mi-saison: ici avec un blouson en cuir de chèvre (qui s’inscrit d’ailleurs bien dans le registre soft tailoring avec une matière exceptionnelle, des finitions réussies mais entièrement déstructuré).
Je porte avec la chemise oxford SOFT TAILORING :
– un blouson en cuir de chèvre Atelier Bertrand (article ici)
– un pantalon taille mi-haute Maison Pen (test à venir)
– des mocassins en cuir suédé marron clair Morjas
La chemise oxford est disponible ici à 89€
IV Test de la COVER SHIRT en twill
Quand on porte une chemise blanche dans un tenue de bureau, son opacité est forcément un critère déterminant car il est évident qu’on est pas censés voir ce que vous portez en dessous, que ça soit un t-shirt en sous-vêtement, ou alors un tatouage.
Pourtant, il peut arriver sur des chemises en popeline bon marché, avec du fil simple retors que tout se devine complètement.
La question se pose d’autant plus si vous achetez sur Internet sans essayer : la plupart des fiches produit ne vont pas forcément évoquer cette caractéristique.
Bref, dans ce contexte là, la promesse d’une opacité totale est très louable et c’est justement l’objet de la gamme COVER SHIRT, distribuée depuis 2018.
Le tissu
Sans surprises, il s’agit d’un twill de coton : c’est le tissage le plus formel (plus formel que de l’oxford par exemple) et le plus opaque que vous puissiez trouver. Comme la plupart des twill, il est ici plutôt lourd et tombe bien. Il est également Non-Iron.
Vous allez le voir sur ces photos : l’opacité est évidente.
L’autre particularité du twill est également de ne pas laisser passer l’air : il faudra donc éviter d’avoir un coup de chaud pendant votre journée pour éviter l’effet sauna. En revanche, la chemise pourra aussi provisoirement vous tenir au chaud en extérieur.
Le Non Iron fonctionne plutôt bien puisque je n’ai pas du tout passé le fer sur cette chemise et j’ai pris ces photos au 2è port après lavage.
Sizing
Afin de pouvoir avoir un plus large aperçu des tailles, j’ai évidemment choisi la taille 37 Slim fit pour ce modèle. Il est strictement business et ne tolère donc pas vraiment les légers écarts que le 38 peut entraîner sur les modèles plus casuals.
Attention en revanche: je réserverai le port du twill près du corps à l’hiver et au plus tard au début du Printemps. Cela peut être risqué dès qu’on s’approche des 20 degrés et que vous avez une journée un peu agitée.
Le col cutaway
Il est bien proportionné et permet d’accueillir une belle variété de noeuds de cravates.
Conseils de style
Je porte ici cette COVER SHIRT blanche d’ETERNA dans une tenue Ivy League très simple composée de :
– une veste de costume croisée de chez Manufacture, assez courte pour bien se porter en dépareillé
– un pantalon gurkha en collaboration avec Maison Singulier
– des mocassins en cuir suédé marron clair de chez Morjas
– une cravate vintage club de chez Brooks Brothers
La chemise twill COVER SHIRT est disponible ici à 69€
V Test de la chemise en lin SOFT TAILORING
J’ai retenu cette chemise car je voulais tester au moins une matière estivale de la gamme ETERNA: cette partie sera un peu plus courte car j’ai déjà évoqué les finitions et ce type de col boutonné précédemment dans le test.
Le sizing
Vous l’aviez vu sur les deux autres chemises SOFT TAILORING: le sizing 38 slim fit passait plutôt bien. Ici, le lin (contrairement au jersey et à l’oxford) ne tolère pas vraiment d’approximation, d’autant plus sur une version unie (là où des rayures peuvent au moins détourner l’attention d’une chemise un peu trop grande). Pourquoi ça se voit plus ? En particulier car c’est une matière plus lâche et moins nerveuse qu’une armure réalisée avec du coton (comme l’oxford).
A vue de nez, il faudrait débourser une trentaine d’euros de retouches (bras + cintrage) pour un bon rendu.
Le lin
Il est plutôt agréable à porter pour le moment, à voir comment il veillit au fur et à mesure des lavages. Je n’ai par contre pas pu trouver d’informations sur sa provenance.
Conseils de style
En équilibrant bien les couleurs, une tenue entière en lin se tente ici avec des pièces aux couleurs plus neutres.
Ainsi je porte ici la chemise en lin avec
– un pantalon gurkha en lin Poszetka (article ici)
– des mocassin en cuir suédé marron clair Morjas
Pour compléter cette tenue, la saharienne Poszetka en lin Solbiati (que je n’ai pas encore ressortie de mes placards) sera idéale:
La chemise en lin est disponible ici à 99€
Conclusion
L’article étant extrêmement long, la conclusion sera assez brève. L’offre d’ETERNA est vaste et , s’il y a du bon et du moins bon, je garde globalement un avis très positif sur la marque.
En termes de produit, je retiens et je vous conseille sans hésiter la chemise en jersey SOFT TAILORING et les chemises blanches de la gamme COVER SHIRT.
Sur l’offre, j’ai un peu moins apprécié les imprimés difficiles à porter, les chemises à col et poignets contrastants et le manque de variété pour les petites tailles: à n’en pas douter, cela découle de spécificités dûes au marché allemand et je fais confiance à la marque pour s’adapter au marché français dans les années à venir.
De manière générale, j’ai justement beaucoup apprécié l’esprit d’innovation permanente de la marque à travers deux aspects:
– de nouvelles gammes pertinentes notamment la SOFT TAILORING et la PERFORMANCE (que je ne manquerai pas de tester aussi)
– une dimension écologique et durable depuis les années 2000 qui découlent clairement d’une véritable préoccupation plutôt que d’un green-washing marketing