I Riskers: l’histoire d’un concept innovant
1 Le parcours de Pierre Guerrier, fondateur
Pierre Guerrier découvre l’horlogerie en intégrant la marque Piaget du groupe Richemont: il devient alors chargé du développement de la mythique montre Altiplano et des collections Haute Horlogerie allant des mouvements 900p au 1290p. Si le marketing est un secteur créatif, ce n’est pas non plus un secteur 100% épanouissant, où l’on peut exprimer à 100% ses idées de ce que le produit devrait être. C’est en partant de ce constat que l’entrepreneuriat est apparu comme la seule voie logique pour travailler dans une liberté complète, et c’est ainsi que Riskers est né. Mais avant même de s’illustrer par un concept et une esthétique concrète, c’est par un cheminement de pensée différent que Pierre Guerrier se différencie: il est en effet très inspiré par le bijoutier Van Cleef et Arpels, et la capacité de cette maison à insuffler un storytelling puissant dans chacun de ses produits. Même si le créneau d’une montre de luxe accessible était déjà décidé, il fallait donc travailler avec un artiste complet, et pas un designer spécialisé de ce segment, qui pourrait être trop formaté. Pierre collabore ainsi avec Malo le Bot, un artiste complet et généraliste qui fait ses armes chez Vacheron Constantin puis chez Baume & Mercier: ensemble, ils vont travailler des mois durant sur un boîtier original, pour eux le meilleur véhicule de l’histoire qu’ils ont à raconter. Autour de ce concept, il rassemble aussi Thomas, entrepreneur à succès, et Maÿlis, illustratrice et graphiste.Positionnement prix et WW1
L’idée d’une montre de poilu vient à Pierre lors d’une conférence de presse: un journaliste portait au poignet une montre gousset vintage bricolée avec des anses. La Première Guerre Mondiale est particulièrement évocatrice pour Pierre: c’est une guerre qui concerne toutes les couches sociales. Chacun est extirpé de sa vie civile et doit se transformer et s’adapter comme il peut à la guerre. C’est métaphoriquement la même chose avec les montres à gousset, qu’on voyait jusqu’alors portées par des dandys avec une chaînettes et qui ont été rafistolées pour pouvoir se mettre au poignet et être utilisables rapidement sur le champ de bataille. Le meilleur exemple est probablement Albert Roche, un membre du 27è bataillon de Chasseurs Alpins. Malgré 9 blessures, il parvient à capturer à lui tout seul 1180 prisonniers, arrêter seul un assaut ennemi et s’évader avec son lieutenant. Ce qui fait donc un sacré CV à seulement 23 ans, lorsque la guerre prend fin et lui permet de faire parti en 1920 des soldats à escorter le Soldat Inconnu à l’Arc de Triomphe.Concrètement: prix et design
« Des hommes ordinaires, qui ont fait des choses extraordinaires » Pour rester cohérent avec ce positionnement, il faut donc proposer un prix accessible. Mais garder des séries limitées Et en termes de design ? L’idée n’est pas de reprendre une montre Première Guerre Mondiale, ou de ne pas faire une énième Field Watch: d’autres marques le font déjà très bien et ça n’aurait rien apporté au marché. Avec Malo, Pierre travaille sur le boîtier de manière à proposer une montre qui traduise cet esprit, mais qui soit adaptée au présent avec une couronne à 3H et une lunette affinée. On vous en dit plus dans la partie test mais voici un teaser du travail effectué: Outre le boîtier, c’est aussi le cadran sur lequel il y a eut des mois de travail en termes de choix des couleurs, de proportions ou encore de polices. Ce que Riskers et son designer Malo ont bien réussi à faire, c’est trouver une base qui soit assez polyvalente pour être déclinée dans des registres différents: montre habillée, montre vintage, field watch. En jouant simplement sur les couleurs, les textures et les finitions, il est possible de donner un style radicalement différent à chaque montre. Un aperçu de la collection complète suffit à s’en convaincre:Des montres originales, avec leur ambassadeur et leur cause
La marque a choisit des ambassadeurs à l’image du public visé: des héros du quotidien avec une vie à 100 à l’heure, qui prennent des risques mais sans pour autant être des soldats. Chaque montre de la collection a ainsi son ambassadeur et une cause associée, à laquelle une partie des bénéfices est reversée. Elles racontent également chacune une partie de l’histoire de Riskers, d’où leur nom: – Prolog 1 : La première montre de la marque en hommage à Albert Roche (dont les initiales sont sur le fond de boîte) et qui soutient l’association du Bleuet de France, qui aide les familles des soldats. J’aime beaucoup le style à la fois militaire (via le fond taupe) et vintage (à travers les chiffres dorés) – La Chapter 1 : c’est justement l’objet de ce test, et c’est pour moi la montre la plus habillée de la sélection grâce à son boîtier galet raffiné et à son contraste de couleurs bien choisi. L’ambassadeur de la chapter 1 change tous les ans: il s’agit cette année de Guillaume d’Aboville, le dirigeant actuel de l’ONG Enfants du Mékong, à laquelle une partie des bénéfices sera reversée. Vous vous en doutez, de par mes origines cambodgiennes, la cause me parle et c’est en parti ce qui a fait m’intéresser à la marque. Lorsque ce sera possible, je vous concocterai une vidéo à Phnom Penh sur le travail de Guillaume d’Aboville au sein de l’association qui gère notamment un hôpital dans la capital (le centre Christophe Mérieux). C’est ce modèle, plus sobre et habillé, qu’on va tester ici et dont je vais vous parler plus bas. – La Chapter 2 : pour ce modèle Chasseur Alpin, Riskers a été contacté par les Troupes de Montagne, crée en 1888 pour défendre la frontière Alpine et comptant à présent 8000 hommes. Cette communauté a choisi Riskers pour développer une montre qui incarne bien ses valeurs. Si le design est adapté à cette histoire avec les aiguilles vert Toundra et l’étoile polaire à 6H, les fonctions le sont aussi avec un traitement Superluminova sur les chiffres (qui ressortent vraiment bien), les aiguilles heures/minute ainsi qu’une pointe sur l’aiguille des secondes. Les bénéfices sont reversés à Entraide Montagne, une association qui soutient les familles des membres des troupes blessés ou disparus. Pour rester accessible, cette montre est à quartz et distribuée 590€ – La Chapter 3 : c’est avec Pierre Muller que Riskers collabore pour cette troisième montre. Si son activité principale peut se résumer à du secourisme en haute montagne (ce qui est déjà plutôt impressionnant), il est aussi membre de la Société des Explorateurs Français (SEF) après avoir réalisé l’ascension des 7 plus haut sommets des 7 continents. Il était notamment aux côtés de Buzz Aldrin lors de son exploration du Pôle Sud (3000m d’altitude), dont il a du organiser le sauvetage après lui avoir diagnostiqué un oedème pulmonaire. Il est au départ médecin urgentiste, habitué à exercer dans les conditions les plus draconiennes. Les bénéfices sont ici reversés à une ONG dans laquelle il est engagé: Douleurs Sans Frontières dont le rôle est d’atténuer le stress post-traumatique des populations civiles de pays en guerre pour les aider durablement à reprendre une vie normale. Ici, l’esthétique est plus marquée avec un contraste bleu rouge et jaune: – le bleu du cadran est la couleur de l’association Douleurs Sans Frontières – le rouge et le jaune rappellent quant à eux le code couleurs des Hélicoptères de la Sécurité civile On retrouve également un côté technique, comme sur la Chapter 2 avec un traitement Superluminova sur les chiffres, les aiguilles heure/minute et la pointe de l’aiguille des secondes.Illustrations
Ce qui démarque aussi Riskers des autres marques horlogères, c’est une communication illustrée, inspirée à Pierre par le lancement de la Ballon Bleu de Cartier, marqué par la distribution d’une BD au style Blake&Mortimer. Pour bien mettre en valeur ce concept de héros du quotidien (sans être forcément des soldats), il fallait trouver un style visuel plein de contraste, proche des comics, qui leur donne du relief et de la granularité. Voici le résultat notamment avec Albert Roche:Et la technique dans tout ça ?
Les montres Prolog et Chapter One embarquent un mouvement automatique STP suisse avec une réserve de marche de 44H avec seconde et date. Les Chapter Two et Chapter Three sont quant à elles à quartz Ronda 715. L’objectif de Riskers n’est pas de proposer un monstre de technicité, ou le nouveau meilleur rapport qualité/prix horloger qui concurrencerait Seiko. L’idée est plutôt d’avoir une montre 100% fabriquée en Suisse, avec une véritable obsession sur le design à travers lequel elle parvient à raconter une belle histoire, avec derrière un engagement associatif significatif. Nous allons voir à travers le test de la Chapter One si cet objectif est rempli 🙂II Test de la montre Riskers Chapter 1
L’idée était de tester une montre la plus polyvalente possible: qui puisse se porter avec des tenues décontractées mais aussi sans problèmes avec différents costumes. La Chapter 1 remplissait bien ce cahier des charges (en plus d’avoir une affinité toute particulière avec la cause associée, Enfants du Mekong).Boîtier
Le galet et sa forme très bombée sont typiques des montres de poche du début 20è siècle: on retrouve d’ailleurs cette forme chez l’horloger Laurent Ferrier (ancien de chez Patek Philippe) et sa collection Galet Micro Rotor. Cette forme galet est en tout cas rare dans cette tranche de prix relativement accessible. Elle se joue à au final peu de choses: – une lunette très réduite qui mets en avant le verre – un diamètre de 43mm, mais qui reste facilement portable sur un petit poignet comme le mien grâce à des cornes bien pensées (légèrement en biais) et à un design minimaliste (et sur le papier ce n’était vraiment pas gagné) – une lunette polie qui prends bien la lumière, et qui ressort bien grâce au contraste avec le reste du boîtier qui lui est satiné. Ce contraste de finitions peut paraître anecdotique, mais c’est en horlogerie ce qui peut complètement modifier la perception d’une montre, sa subtilité et sa présence au poignet.La belière: l’héritage des montres gousset
Qui dit montre gousset dit forcément bélière: il s’agit de ce petit pont conçu pour protéger la couronne. Riskers reprend donc cet élément et le décale à 90°, la place logique d’une couronne. J’avais un peu peur que le résultat soit encombrant et inconfortable sur un diamètre de boîtier de 43mm et au final, grâce à un design bien pensé, il n’en est rien. J’apprécie également beaucoup la finition satinée de cette belière, ce qui permet encore une fois de mieux souligner la fine lunette et de permettre à la montre de garder un bel aspect habillé.Les bracelets
Deux bracelets en cuir sont livrés avec la montre: ils sont tous les deux d’excellente qualité, en veau noir doublé avec couture contrastante. En revanche, autant j’aime beaucoup le marron pour une tenue décontractée autant le noir ne conviendra pas du tout à un usage formel car je le trouve trop grossier pour ça (trop épais, et avec une couture contrastante trop visible). Je vous invite donc à vous procurer un bracelet un peu plus habillé pour un port vraiment formel.Cadran
Lisibilité et polyvalence sont pour moi les deux mots clef du cadran Lisibilité d’une part grâce au contraste de couleurs gris clair satiné et bleu-vert extrêmement réussi. Mais aussi grâce à la taille conséquente des chiffres, en particulier le 12. Ce 12 est une référence au chiffre 12 plus voyant que les autres (parfois en rouge contrastant), en particulier sur les montres militaires. Attention, ce n’était pas seulement le propre des montres militaires, ni même des montres pour homme: on en trouvait aussi sur des montres pour femmes. Pourquoi ce 12 qui ressort ? Car les toutes premières montres à bracelet n’avaient pas de design standardisé: il n’était donc à l’époque pas automatique d’avoir le 12 à 90° de la couronne dans le sens anti-horaire. La disposition pouvait être tout à fait différente: on s’arrangeait donc pour bien faire ressortir le 12 pour qu’il soit facile d’en déduire au premier coup d’oeil l’organisation du cadran (ce qui était, comme vous vous en doutez, vital dans les tranchées). Le diamètre très généreux et la lunette fine contribuent également à cette très belle lisibilité: c’est vraiment extrêmement agréable de consulter l’heure sur cette montre tant tout est limpide et ressort bien.Le verre
Il est en saphir, et très légèrement bombé. Il assure une très belle visibilité au cadran.Date
Le guichet date montre bien le soin apporté au design du cadran: c’est la première fois que j’en vois un qui soit à la fois aussi réduit et aussi lisible: il ne nuit absolument pas au minimalisme global du cadran. Il est parfaitement situé: beaucoup plus éloigné du bord qu’un guichet date classique. Cela lui évite de se situer dans la courbure du verre et ça permet de garder plus de visibilité.Fond
Le fond est extrêmement sobre: satiné et avec un simple numéro de modèle.Le packaging
Je n’en parle pas forcément d’habitude, mais l’étui proposé respire lui aussi l’aventure: il est en effet très pratique pour voyager et conserver facilement ses effets personnels dans les différentes étapes d’embarquement à l’aéroport. Vous me direz qu’à l’heure où j’écris ces lignes, ces préoccupations sont bien lointaines mais gageons qu’on retrouvera ce genre de petits plaisirs prochainement.III Polyvalence et conseils de style
La montre peut se porter avec une belle variété de tenues différentes: aussi bien formelles que casual. Formelles car cette forme galet est sobre et habillée grâce au contraste de finitions et à la lunette extrêmement fine. Décontractées car les couleurs indiquent tout de même une pointe d’originalité, et fera bien echo à d’autres couleurs fortes de votre tenue (comme vous le verrez dans les conseils de style). Nous mettrons à jour progressivement cet article avec une série de tenues possibles. Voici en attendant la toute première tenue décontractée avec laquelle nous l’avons shootée: J’ai construis cette tenue en gardant en tête la nuance de bleu bien particulière des éléments du cadran, et je voulais une couleur qui y fasse echo (sans bien sûr faire un rappel parfait, c’eut été vulgaire). Le vert sapin du pull Alp Paris était parfait pour ce cahier des charges. On a enfin un beau dégradé de beige/marron avec un contraste de matières entre le cuir de chèvre velours, le bracelet de la montre et le pantalon Pini Parma. Je porte ici: – un blouson en cuir de chèvre Atelier Bertrand – un pull Alp Paris – une chemise Adresse – un pantalon Pini Parma – des sneakers Leo et VioletteConclusion
Vous l’aurez compris, la mission est pour moi largement accomplie: comme je vous l’avais dis en introduction, je ne voyais pas en photo ce que ces montres avaient de spécial. J’ai changé d’avis en rencontrant la marque et en voyant le produit en vrai. Et, depuis que j’en porte une régulièrement, je ne peux m’empêcher d’apprécier le travail réalisé sur les finitions (en particulier le travail du boîtier) et le cadran. Bref, un vrai coup de coeur mais qui s’est fait au fur et à mesure de la découverte d’un travail de design subtil et soigné. La montre Riskers testée est distribuée au prix de 1430€: c’est un investissement mais gardez à l’esprit qu’il s’agit d’une montre fabriquée en Suisse, avec un mouvement Suisse, et également une partie des bénéfices reversée à une association. Ca se passe par ici.Les derniers articles par Valery (tout voir)