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Test & Avis Vetra : Une marque workwear française pétrie d’histoire

On vous parle beaucoup de marques sans intermédiaires chez JamaisVulgaire. Mais, vous savez ce qu’on aime encore plus ? Les marques de fabricant, qui possèdent leur propre atelier, qui ont perfectionné leur savoir-faire depuis des générations et qui savent mieux que personne partager leur amour du beau produit.

C’est justement le cas de Vetra qui, tout comme Timex dont on a parlé il y a quelques semaines, possède une histoire très riche, et donc un héritage fort.

Avis sur Vetra : identité et histoire d’une marque française de renom

Si l’histoire complète est disponible sur le site de la marque, on a voulu ici vous en faire une synthèse digeste, tout en explicitant et contextualisant certains concepts pour que vous puissiez y voir plus clair.

La genèse de la marque

C’est en 1927 que naît la marque Vetra avec un premier atelier à Paris sur l’ïle Saint-Louis : son fondateur Edouard Beerens trouve le nom à partir de « Vetements de Travail » et le dessine en rouge sur le logo, le rouge étant la couleur traditionnellement utilisée pour les marques qui s’adressent aux ouvriers.

Comme vous vous en doutez, vu le quartier, la fabrique doit rapidement déménager pour s’étendre: Edouard se rend dans le Nord à Lambersaart, dans un bassin industriel important et une main d’oeuvre qualifiée (et d’autant plus de clients potentiels, surtout lorsqu’on vend des vestes de travail).

Le passage du bleu hydrone au bleu dugatti

Si les vêtements d’ouvriers étaient traditionnellement noirs, ils deviennent au fur et à mesure bleu hydrone dans les années 50 : le logo prend à ce moment là cette couleur, avant de se muer en bleu bugatti dans les années 70.

La pièce la plus iconique est bien évidemment la veste de travail:

Si chaque pays a sa propre version de la veste de travail, les modèles français sont appréciés pour leur simplicité: elles sont non-doublées et complètement déstructurées. Elles ne tiennent donc pas trop chaud et permettent la liberté de mouvement nécessaire pour le travail.

Elles sont généralement confectionnées à partir de tissu coton croisé, épais, durable et résistant et qui se patine avec le temps (mais on pouvait aussi trouver d’autres cotons comme la moleskine). On trouve deux grandes poches latérales: une pour le journal et une pour le casse-croûte du midi (généralement un sandwich).

La voici déclinée dans son coloris Bugatti:

A gauche le modèle Hydrone, à droite le modèle Bugatti: une différence subtile mais significative pour des bleus de travail qui évoluent très peu sur des dizaines d’années..

Vetra : l’héritage historique d’un résistant français

L’anecdote la plus marquante de l’histoire de Vetra est probablement celle de la Seconde Guerre Mondiale: Lambersart est particulièrement touchée car Vetra fabriquait pour l’armée française, et des ateliers voisins pour l’armée anglaise. Edouard quitte alors l’usine et détruit toute sa production à l’aide d’un sabre de coupe, afin qu’elle ne puisse pas être utilisée par l’armée nazie (ce qui lui a valut d’être recherché par la Gestapo).

Ceci n’est pas un sabre de coupe:

Voici la bête:

Dans sa fuite, il prend également avec lui une machine à boutonnière REECE, la plus coûteuse de son usine : une sage décision sur le long terme puisque cette machine sera utilisée jusqu’en 2010 et aura effectué 265000000 de boutonnières.

La fuite de la famille les amène au Lude, où elle remonte un atelier qui fabriquera pour la FFI (Forces Française Intérieure). La région est à ce jour toujours le berceau historique de la marque. En 1964, le problème de manque de main d’œuvre dans la région se pose : certaines ouvrières parcourent jusqu’à 20km pour se rendre dans le Lude ( une distance déjà problématique à l’époque).

Une nouvelle usine est installée à Noyant, dans le Maine et Loire : cette nouvelle usine est le terrain d’expérimentation de Claude Beerens, fils cadet d’Edouard Beerens, en particulier sur la rationalisation de la production avec le système Kanban de Toyota de l’ingénieur japonais Taïchi Ohno.

Le système Kanban

N’étant pas forcément expert en logistique, et encore moins en rationalisation, je me suis intéressé un peu à ce que ce genre de méthode changeait concrètement à l’époque dans l’industrie.

Le principe de base du Kanban, c’est qu’il est plus coûteux de produire lorsqu’on n’est pas censé le faire, que de ne pas produire du tout.
Auparavant, un ouvrier produisait systématiquement un produit si du tissu était disponible, ou si son chef le lui indiquait (qui lui-même n’avait pas forcément une excellente visibilité sur la demande). Avec le Kanban, un ouvrier ne produit pas tant qu’il ne reçoit pas de signal de consommation, c’est-à-dire que les posts de travail en aval n’ont pas signalé de demande.

La transmission de l’information se fait par un système de carte et d’étiquettes (« Kanban ») en japonais) qui permet à chaque poste d’avoir un aperçu du niveau de stock et de savoir ou non s’il faut produire une référence.

Voici un bon site pour y voir plus clair.

Vetra utilisait un système sans cartes, mais avec des consignes indiquées sur des étiquettes:

Bref, toute cette parenthèse logistique pour vous montrer comment Vetra en arrive aux années 70 à une production de 600000 articles à l’année ,dont une majorité de jeans Beeren’s. Vetra a en effet travaillé en plus du bleu de travail sur le denim, et a même failli collaborer avec l’américain Lee’s via une joint-venture.

Expansion à l’international

Cette production alimente notamment une demande internationale croissante. Le développement à l’étranger de Vetra s’effectue prudemment, à partir des années 50 ,en différentes étapes logiques :
Années 50-60 : on s’attaque aux marchés francophones les plus proches en terme de besoin avec les mêmes produits qu’en France (pas de coûts de développement inutiles et une bonne manière de prendre la température)
Années 60-70 : expansion aux pays européens, qui recherchent des tissus plus lourds en chaîne retors, plus résistants que ce qu’ils utilisaient jusque là en chaîne simple (un peu comme le double retors pour les chemises)
Années 70-80 : USA et New-York, l’usage est non pas utilitaire mais purement mode, les combinaisons sont portées par les adolescents et appréciées pour les tissus sur-teints et les couleurs vives.
Années 90 : c’est l’arrivée au Japon via le grossiste prestigieux Boy’s Co. Les japonais n’ont pas été séduits que par l’héritage Americana mais s’intéressent également de près au workwear européen, en particulier français

Des pièces intégrées de manière un peu plus mode au Japon

 

Plusieurs facteurs mettent fin à cet âge d’or :
– L’ouverture des frontières et la concurrence des pays à la main d’œuvre bon marché
– La disparition de nombreux fournisseurs de tissus en Europe
– La chute du yen par rapport à l’euro au début des années 2000 : les vêtements Vetra deviennent beaucoup moins compétitifs au Japon.

La mondialisation du marché a mis un frein net à l’expansion de la marque, et sa production en a donc pris un coup. Malgré cela, Vetra fait parti des derniers acteurs qui continuent de produire des vêtements en France malgré tout, et c’est tout à leur honneur.

Test Vetra : La veste workwear 1C87/5C vert bouteille 100% coton

En premier lieu je tiens à remercier la boutique V Barber & Shop , dans laquelle j’ai pu essayer en physique différents modèles de veste. En arrivant dans la boutique, j’ai pu essayer quelques modèles afin de déterminer ma taille, et j’ai aussitôt flashé sur un modèle en particulier : la veste vert bouteille. Même si cette couleur m’a tapé dans l’oeil, j’ai également vu d’autres couleurs à tomber : du rouille, des nuances de bleu bien spécifiques , du khaki… des teintes travaillées à partir de coton, qui donne un aspect brut original aux vestes Vetra.

Une beauté et un travail qui n’est pas restituée à sa juste valeur sur  l’eshop de la marque Vetra (mais c’est souvent le cas chez les marques de fabricants, et c’est aussi à ça qu’on reconnaît les perles confidentielles).

Les finitions de la veste de travail Vetra

Une veste de travail (ou workwear en anglais) est façonnée dans une logique précise pour répondre à trois critères :

  • La fonctionnalité : la veste de travail étant à l’origine utilisée par des ouvriers, elle doit permettre de transporter aisément plusieurs objets sur soi, sans entraver son porteur pour autant. Elles sont donc munies de nombreuses poches, larges et généreuses.
  • Le confort : comme la veste de travail était destiné à vêtir quelqu’un dont le travail est essentiellement manuel, il est évident que celle-ci devait être la moins contraignante possible, et procurer un confort suffisant, notamment dans l’aisance de mouvement. La coupe est donc plus ample que ce que l’on voit habituellement.
  • La longévité : un bleu de travail est souvent confronté à un usage plus intensif et plus coriace qu’un vêtement classique, il faut donc utiliser une toile de coton solide et durable.

La veste workwear peut sembler très simple de prime abord, c’est pourtant une pièce conçue pour durer et être confortable à porter. Elle répond également à des impératifs de la vie courante contemporaine : transporter plein de choses sur soi (portable, clefs, portefeuille…). Des qualités qui font sens aujourd’hui et je dois avouer que c’est agréable car très pratique à porter dans un contexte décontracté (notamment festif).

On retrouve donc peu de finitions, car le modèle est particulièrement épuré :

  • 3 poches extérieures : Elles sont larges et amples, ce qui permet d’y déposer pas mal de choses, sans déformer la coupe du vêtement pour autant.
  • la poche intérieure : Elle est encore plus grande que les autres poches de la veste et peut facilement contenir un portefeuille bien rempli ainsi que votre téléphone.
  • boutons métalliques : D’aspect usés avec une belle couleur rouille, ils rappellent les origines workwear de la marque. Les boutons marquent un joli contraste avec le tissu de la veste.
  • Nombreux points d’arrêt : Les coutures ne sont pas fines et c’est tant mieux car ça serait trahir le registre de style de la veste. Au contraire, les points d’arrêt donnent un caractère brut à l’ensemble.

J’ai donc eu l’occasion de la porter une journée entière avant de shooter, alors qu’il faisait un temps chaud et ensoleillé. C’était pratique (notamment car je devais transporter le sac du shooting) et très confortable à porter toute la journée.

Conseils de style : La tenue workwear légère d’été 100% coton

Je suis un grand amateur du style héritage, mais j’ai moins l’habitude de porter des pièces aussi marquées dans le style workwear. C’était donc un petit défi stylistique de porter une tenue avec une pièce aussi marquée. La veste peut paraître grande sur moi, pour la simple bonne raison qu’elle l’est ! Vetra n’avait plus de taille 42 (mais V Barber & Shop en possède en revanche) sur ce modèle, j’ai donc du me débrouiller avec une taille 44. Une différence qui n’est pas très importante, car la coupe de base est assez ample et ça n’est pas plus choquant que cela visuellement.

Les conseils de base à connaître

La pièce la plus adaptée pour le pantalon dans un style workwear est l’indétrônable jean brut. Une pièce iconique du vestiaire masculin, très présente dans l’univers workwear depuis toujours. Mais comme c’était un choix très évident, j’ai préféré choisir un pantalon habillé ! En effet, je me doute bien que la grande majorité d’entre vous possèdent un jean dans sa garde robe, et ne trouvera aucune difficulté à le porter, j’ai donc choisis d’aller plus loin, en prenant des risques en mixant les styles.

Une tenue dont toutes les pièces possèdent une texture de caractère

  • Le pantalon habillé que je porte possède une teinte de bleu un peu plus clair que le brut, avec de beaux reflets blancs. Pour les lecteurs réguliers vous l’aurez reconnu : c’est le pantalon bespoke sartoria Voglio. Une pièce très habillée donc, mais dont la texture du denim se marie bien avec la texture de la veste. Attention, je ne choisis pas ce pantalon pour son style, mais bien pour sa matière qui collait à la tenue. Je déconseille de porter cela avec un autre pantalon habillé dont le tissu ne serait pas aussi brut.
  • La chemise que je porte est en seersucker, avec un col boutonné. C’est donc une chemise casual, avec une texture bien marquée et accessoirement très aérée, parfaite pour l’été. La encore il est question de jouer avec les textures de caractère.
  • Des derby boots pour finir la tenue me semblait être la pièce la plus appropriée. Le cuir grainé et la teinte patinée des bottines permet à la pièce d’être cohérente avec l’ensemble, en plus d’offrir un confort non négligeable, attention cependant car ce n’est pas agréable quand les températures dépassent 20-25 degrés.

Conclusion

Comme on vous l’a indiqué en introduction, on aime particulièrement les marques de fabricant: d’abord car elles proposent un rapport qualité/prix imbattable, mais aussi car elles racontent une véritable histoire. C’est d’autant plus le cas pour Vetra dont les vestes de travail ont traversé les décennies et ont marqué au quotidien les ouvriers français.

Si Vetra compte beaucoup sur cet héritage, on apprécie que la marque soit aussi capable de se renouveler avec cette veste 1C85C/5C au coloris bouteille beaucoup plus moderne, et qui s’intègre ici très bien dans une tenue plus habillée.

Bref, on vous invite chaudement à jeter un coup d’oeil à la marque ici.

 

 

 

 

 

 

 

Valery

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