Au fur et à mesure des années, je deviens de plus en plus exigeant sur les produits testés. Ce n’est pas forcément toujours une histoire de rapport qualité/prix, mais c’est surtout une question de valeur ajoutée sur le marché, de proposer un produit qui n’existe pas déjà.
C’est ce que j’avais retrouvé chez The Nines l’hiver dernier avec sa gamme de gants: à la fois avec les gants tactiles et les gants en cuir de cerf. J’avais notamment beaucoup apprécié ceux-ci pour leur solidité et leur texture et ils ont depuis avantageusement remplacé mes précédents gants en cuir d’agneau.
Je surveille donc depuis les avant-premières (les pré-commandes) et les nouvelles sorties de The Nines avec souvent quelques bonnes surprises.
Parmi celles-ci: la veste déstructurée en maille de coton ainsi que la chemise en coton Sea Island dont nous allons vous parler dans cet article.
Je ne vous reparlerai pas forcément de la marque en première partie car j’en parle déjà assez dans les précédents articles que vous pouvez trouver ici:
Test&Avis The Nines: des pré-commandes bien pensées (test des gants tactiles en cuir d’agneau)
Test & Avis The Nines Paris : Un costume Loro Piana en prêt à porter à moins de 500€ !
Par contre, je vais d’abord vous évoquer brièvement les quelques sorties que j’ai également appréciées.
Sommaire
I Les nouveautés chez The Nines
Les chemises
La gamme Journey de Thomas Mason: j’ai fait faire (en demi-mesure certes) une chemise avec exactement le même tissu JOurney de Thomas Mason qui coutait à l’époque un peu plus de 200€. Ce genre de tissu technique luxueux avec repassage facile mais qui reste le plus naturel possible était auparavant complètement inaccessible dans le segment du prêt-à-porter moyen de gamme accessible.
Seul regret personnel: impossible d’avoir les cols un peu travaillés (anglais et rond contrastant) sans poignets mousquetaires. Mais j’imagine que c’est une combinaison que préfèrent les clients de la marque.
Les chemises infroissables The Nines sont disponibles ici à partir de 90€.
Accessoires
J’ai beaucoup apprécié les cravates en grenadine de soie et de lin, un mélange de matières original que je n’ai pas encore vu ailleurs et qui donne à la matière quelques irrégularités qui ne sont pas sans rappeler les cravates en soie Shantung.
Je n’ai pas pu les porter pour ce test car The Nines ne les propose que dans des couleurs pastels très claires (qui ne vont donc pas assez se démarquer de la chemise pour respecter mon contraste peau/cheveux) et en bleu marine (la couleur de la veste, pas idéal donc).
Il s’agit aussi de cravates 3 plis tout à fait classiques, avec doublure et triplures: pas l’idéal en termes de légèreté mais c’est une construction normale pour cette gamme de prix.
Voici ici la cravate de gauche portée avec la chemise et la veste de ce test: ça passe bien sur un mannequin avec un faible contraste peau/cheveux. Ca n’aurait en revanche pas marché aussi bien sur moi.
Les cravates en grenadine de soie et lin sont disponibles ici à 59€
II Test de la veste déstructurée en coton Maggia
Reflexion et positionnement
Vous n’avez pas de problèmes à porter de maille, mais en revanche vous rechignez à porter des blazers (déstructurés ou non) ou, encore pire, des vestes de costume ?
Ou alors le moment est venu d’acheter un premier costume, mais ça vous embête de dégager du budget là-dessus alors que vous avez peut d’occasions de le porter et que vous le trouvez inconfortable.
Dans ces deux cas, la veste en maille de coton Maggia est une excellente réponse à un marché malheureusement de plus en plus réticent à porter le costume.
Le tissu, un coton de chez Maggia
Il s’agit d’une maille de coton italienne de 340g/m2. Attention, il ne s’agit pas d’une maille forcément légère qui pourrait se porter un jour de canicule: je la recommanderais plutôt pour sa polyvalence et pour un usage 4 saisons, avec un port en été en restant aux alentours des 25 degrés.
Elle est en tout cas très confortable, et surprend par la précision de son tombé: comme vous allez le voir surtout aux épaules (sur la tête de manche) et sur le roulé des revers.
Pourquoi pas une maille en laine ? The Nines a préféré opté pour un très bon coton (ici de chez Maggia) pour proposer un prix contenu (199€). Une maille un minimum structurée réalisée dans une laine de qualité aurait propulsé le prix au niveau des bien au-delà des 400€.
Maggia
Ce n’est probablement pas la première fois que vous entendez parler de Maggia: cet atelier italien est en effet spécialiste pour tout ce qui est jersey poids veste (comme les 340g qu’on a ici) avec un savoir-faire qui remonte au 19è siècle.
Epaules et construction
En dehors de la parementure américaine, la veste est déstructurée pour le plus de légèreté et d’aisance possible. N’oublions pas que le coton est tout de même à 340g/m2, on sent donc tout de même une certaine consistance du tissu, qui permet d’assurer un bon tombé.
Gros avantage: la maille et l’absence de structure vous permettront de porter en hiver très facilement cette veste comme couche intermédiaire entre une chemise et un manteau. Sans être gêné par les épaules structurées de la plupart des costumes.
Le rendu est un peu moins flatteur à l’arrière des épaules, avec pas mal de tissu en excès à gauche du fait d’une épaule plus basse.
N’oublions pas qu’on parle une veste en maille en prêt-à-porter à 199€ donc c’est le genre d’approximation qui reste complètement acceptable.
Les revers
Les revers sont à 8 cm, c’est encore un poil fin mais c’est déjà une nette progression par rapport aux 7 et 7.5 qui étaient devenus la norme chez ce genre de DNVB.
Ce choix est compréhensible et pertinent pour deux raisons:
– a priori difficile de conserver un bon roulé de revers sur des revers plus larges, surtout sur une veste en maille
Finitions diverses:
– poches plates: ce qui est logique pour une veste polyvalente à porter aussi dans une tenue plus décontractée
– boutons en corozo
– boutonnière fonctionnelle aux poignets
L’intérieur
Pour une veste la plus légère possible mais avec un bon tombé à l’avant, The Nines a opté pour une parementure américaine, non doublée à l’arrière donc.
On remarque aussi deux poches intérieures latérales au niveau de la poitrine. Sur ce genre de veste en maille à la construction un peu spéciale, les poches ticket et smartphone sont absentes.
Les finitions absentes
Ce n’est normalement pas ce qu’on évoque dans un test, mais ça paraît assez nécessaire sur ce genre de pièces hybrides assez novatrice.
Il s’agit en effet d’une maille et non pas d’une toile. Certaines finitions ne sont donc pas possibles, ou techniquement pas faciles à réaliser sans faire inutilement gonfler le prix.
Parmi celles-ci, on notera:
– l’absence de milanaise ou même de boutonnière au niveau des revers
– mais aussi de poche poitrine: j’ai mécaniquement passé une dizaine de minutes à chercher la pochette qui irait bien dans cette tenue avant de m’en rendre compte.
Différences maille et toile
Sans que cet article ne devienne un cours de couture, rappelons tout de même la différence entre cette veste et une veste de costume classique:
– une étoffe tissée en chaîne et trame est composée de plusieurs fils horizontaux et verticaux qui vont se croiser
– une maille quant à lui est tricotée à partir d’un seul fil qu’on utilise tout au long du travail (sauf s’il faut changer de bobine)
Résultat: une maille est beaucoup plus élastique et donc plus confortable qu’une toile. D’où en hiver la nette préférence pour les pulls et les cardigans par rapport par exemple à un gilet ou une veste en tweed.
En revanche, cette élasticité rend aussi la maille beaucoup plus difficile à travailler, en tout cas pour lui donner le même rendu qu’un blazer ou une veste sport tissée.
III Test de la chemise en coton Sea Island
Autant la veste en coton Maggia est une initiative louable pour s’adresser aux plus récalcitrants au style sartorial mais qui voudront tout de même s’essayer à la prestance d’un blazer ou d’une veste sport en conservant le confort d’un cardigan.
Autant la chemise en coton Sea Island est l’exact opposé et pourra satisfaire les plus pointus d’entre vous, qui recherchent une très belle chemise avec un col d’une largeur généreuse qui n’aura pas à rougir même avec vos plus beaux costumes.
Elle est déclinée en plusieurs cols: italien, anglais, rond contrastant et inversé.
Seul bémol: l’impossibilité d’avoir un col anglais ou rond contrastant sans avoir aussi les poignets mousquetaires (vu comme je suis à l’arrache le matin et que je retrousse souvent mes manches, c’est vraiment la finition que j’apprécie le moins).
Tissu Sea Island
Le vrai coton Sea Island, aussi appelé gossypium barbadense ou graine noire est cultivé dans les Caraïbes, en particulier en Jamaïque, Antigua et dans les Barbades: cette région fournit la combinaison parfaite de soleil, pluie et humidité pour un coton de la meilleure qualité possible.
C’est un des tissus les plus rares dont j’ai jamais parlé: on dénombre environ plus de 100 millions de balles de coton récoltés dans le monde, dont 2 millions ont des fibres extra-longues. Le coton Sea Island quant à lui atteint un tout autre niveau de rareté puisque seulement 150 (pas 150000 mais 150 tout court) balles de coton Sea Island sont produits.
Je vous laisse faire le calcul, mais 150 sur 100 millions, ça donne un pourcentage relativement faible de la production mondiale (environ 0,00004%).
Une balle de coton représente environ 226 kg de matières. Ca suffit à produire 65 chemises pour homme.
Dites vous donc que chaque année, la production de coton Sea Island ne suffit qu’à produire 9750 chemises à l’échelle mondiale: ça vous donne une bonne idée de la rareté de cette fibre.
Il s’agit d’une appellation contrôlée par deux entités:
– le WISICA (West Indian Sea Island Cotton Association) qui tous les ans contrôle les récoltes (qui doivent être effectuées uniquement à la main vu la délicatesse de la matière) et distribue un certificat d’authenticité qui garantit la pureté et la qualité du coton
– l’ECCI (Exclusive Cottons of the Carribean ) qui représente les producteurs et les usines d’égrenage du coton ( qui sépare les graines de coton des fibres qui les porte)
Ce qui est assez particulier sur le Sea Island, c’est que le groupe Albini a le quasi-monopole sur ce tissu: en effet Albini Group a signé un partenariat avec ECCI pour racheter chaque année TOUTE la production de Sea Island de Barbade et 90% de celle de Jamaïque .
Inutile de vous faire un cours d’économie pour comprendre que ce monopole n’est pas forcément à terme une bonne chose et qu’elle permet à Albini de fixer comme bon lui semble le prix de vente du tissu.
Les autres filatures se procurent donc le coton en Jamaïque et Antigua, c’est le cas donc de Tessitura Monti (l’autre acteur italien majeur) qui fournit le coton Sea Island pour cette chemise The Nines.
Les propriétés du coton Sea Island
S’il est si prisé, c’est grâce à ses propriétés:
– doux (quasiment soyeux) et résistant: une finesse rare avec une densité de 36/37mm: le fil est extra-long ET extrêmement fin
Par résistant, on entends donc à la fois durable mais aussi résistant à la traction (40gr/tex) et qui ne risque donc pas de se déchirer.
– ultra-lumineux: un coefficient de reflexion de 73 dû j’imagine à une culture dans une région particulièrement ensoleillée
Là où ce coton sort de l’ordinaire, c’est aussi par le maintien de ces propriétés au fur et à mesure des ports et des lavages: le touché restera toujours aussi doux et lisse. A condition bien entendu de respecter les consignes de base de l’entretien d’un tissu délicat: lavage à 30 degrés, et évidemment sans sèche-linge.
Les caractéristiques techniques du coton Sea Island Monti
Plus concrètement, voici les caractéristiques de ce Sea Island:
– 140/2: un tissu double retors (plus robuste et avec un meilleur tombé) donc, mais avec une sacré finesse
– 100g/m2: ultra-léger
Les finitions
Le col
C’est d’emblée ce que j’ai beaucoup apprécié sur cette chemise: un col plus généreux (un bon cm de plus) que la moyenne des cols italiens qu’on peut trouver sur le marché des DNVB classiques.
Il y a une cohérence très appréciable dans ce choix, étant donné que le coton Sea Island parlera surtout aux puristes qui seront les premiers à apprécier ces nouvelles dimensions.
Il s’agit sinon d’un col italien très classique, dont l’ouverture permet d’accueillir la plupart des noeuds de cravate. Comme sur toutes les chemises avec ce type de col, son maintien est assuré par des baleines en acier inoxydable fournies avec la chemise.
Si ce col est pour moi plus majestueux porté fermé avec une cravate, le col se tient aussi plutôt bien une fois qu’on porte la chemise en ouvrant les deux premiers boutons: elle conviendra donc également bien à une tenue plus décontractée.
Finitions diverses
Je ne vais pas forcément toutes les détailler car vous commencez à être habitués, et l’article est un peu long. En voici une liste non exhaustive:
– hirondelles de renfort
– coutures anglaises
– coutures resserrées: a priori un bon 8pts/cm
– des poignets droits et non pas biseautés ou arrondis: ça change et je préfère le rendu plus uniforme lorsque la manche dépasse de mon costume
– boutons en nacre de Troca
– boutonnage en croix: logique dans cette gamme de prix, un boutonnage zampa di gallina aurait été appréciable pour le côté puriste mais n’aurais concrètement pas apporté grand chose et aurait fait gonfler le prix
La coupe
Pour information, je n’ai cette fois-ci pu tester que le modèle en 37 extra-slim, alors que je fais plutôt du 36 d’habitude. Le fit est pour autant tout à fait satisfaisant autant au niveau des épaules que de l’emmanchure (d’une hauteur assez classique).
C’est donc une chemise que je prendrai également beaucoup de plaisir à porter sans veste car elle mets en valeur ma silhouette de manière tout à fait satisfaisante (et ça sera encore plus probant si vous prenez votre taille).
L’arrière est sans pince et voici le tombé auquel vous attendre (sauf si vous rentrez frénétiquement votre chemise dans votre pantalon 10 fois par jour).
On note un excès de tissu à l’arrière de l’épaule gauche que j’attribue au fait d’avoir prit une taille au-dessus.
Conseils de style
Comme expliqué plus haut, cette pièce est vraiment un entre-deux qu’on apprécie pour sa polyvalence, elle peut en effet à la fois se porter en tant que :
– cardigan: par dessus une simple chemise avec deux boutons ouverts ou avec un chino/pantalon habillé. Je n’ai en revanche jamais été très fan de ce genre de veste porté par dessus un t-shirt col rond, même si c’est le port qui est mis en avant par la marque et par beaucoup de DNVB
Je la recommanderais portée par dessus une chemise un peu texturée, type oxford ou une belle chemise en coton/lin
– veste sport: le tombé satisfaisant et les revers de 8 cm permettent un rendu très satisfaisant de cette veste dans une tenue habillée.
Attention évidemment à bien dépareiller la veste et à ne pas essayer d’improviser un costume avec un pantalon de la même couleur: le contraste de textures sera flagrant et trahira largement votre tentative.
Par contre, vous pouvez facilement le porter avec par exemple un pantalon habillé gris clair pour une tenue tout à fait potable au boulot (ou si par exemple vous passez vos premiers entretiens/oraux).
Evidemment, ça ne remplacera pas une vraie veste sport déstructurée napolitaine à plusieurs milliers d’euros, mais pour une veste en maille à 199€, ça fera très bien le boulot.
Je porte ici:
– la veste The Nines en maille Maggia
– la chemise en coton Sea Island The Nines
– la cravate motif Paisley The Nines
– le pantalon habillé en laine et soie Poszetska
– les mi-bas fil d’Ecosse The Nines
– les mocassins en cuir de cerf Septième Largeur
Conclusion
Il aurait presque fallut deux articles pour évoquer ces deux produits The Nines qui, d’un point de vue spécialiste, n’ont pas vraiment grand chose à voir entre eux.
Même si je ne fais pas vraiment parti du public ciblé pour la veste en maille Maggia, j’ai été au global très agréablement surpris par le rendu qui est très clean, autant au niveau des épaules que du tombé général à l’avant . Surtout si l’on garde à l’esprit qu’on parle d’une veste en maille (donc pas facile à bien structurer) à un prix ultra-accessible (199€ en pré-commande).
Si vous vous sentez trop étriqués dans les veste sport/blazer classiques (ce qui peut arriver à moins de trouver du 100% déstructuré pas forcément accessible) ou si vous recherchez une pièce confortable et polyvalente (à porter aussi comme un cardigan).
Attention, ce n’est pas forcément une pièce d’été: la maille de coton est un peu épaisse et je ne la porterais pas par dessus une chemise à plus de 27-28 degrés (ça passera avec un t-shirt mais je n’aime pas trop ce style). En revanche, c’est une très bonne veste 4 saisons qui facilitera largement vos superposition en se glissant très facilement sous un manteau grâce à son absence de structure.
La veste en maille de coton est disponible ici à 199€ (au lieu de 249€) jusqu’au 24 Juin.
Pour la chemise en coton Sea Island, je me suis pour une fois autorisé à être dithyrambique, sachant qu’on parle quand même du coton le plus rare du monde sur une chemise bien finie à 119€, qui se paie en plus le luxe d’avoir enfin un col avec des dimensions acceptables.
Bref, The Nines a prit la peine de proposer sa plus belle chemise jusqu’à présent, et elle a le mérite ici d’aller beaucoup plus loin que ce qu’on réalisées à date les autres DNVB milieu-de-gamme.
La chemise en coton Sea Island col italien est disponible ici à 119€