Cela fait un moment que nous n’avions pas eu l’occasion d’écrire un article concernant le fonctionnement de l’industrie de la mode masculine. L’occasion se présente aujourd’hui car une réflexion m’est venue il y a quelques semaines de cela.
En théorie, il est bien plus simple de bien s’habiller de nos jours pour les hommes, qu’en 2010 (avant l’apparition des blogs de mode masculine indépendants).
A l’époque il n’y avait pas encore toutes ces marques 2.0 qui proposaient un rapport qualité/prix aussi bon que de nos jours, avec une politique de marges plus serrées. Depuis on constate que les hommes ont fait pas mal de progrès, en passant de tenues globalement mauvaises à des tenues basiques sans faute de goût.
Le problème, c’est que du coup une tenue composée de basiques bien faits, ça ne suffit plus pour sortir du lot.Pour se différencier, il faut monter d’un cran en termes de style, et ne plus se contenter de tenues simples, qui paraissent désormais fade aux yeux de tous.
Exprimer un véritable style qui se démarque devient désormais plus complexe , tandis que le nombre de marques et de sources d’informations intéressantes ne cessent de croître, je ne vois pas plus de gens stylés aujourd’hui qu’il y a 9 ans lorsque j’ai commencé à m’intéresser au sujet de la mode masculine…
Comment expliquer un tel paradoxe ?
Sommaire
L’industrie de la mode nous noie sous une offre pléthorique
De ce fait, telle qu’on la voit aujourd’hui, la mode masculine ne permet malheureusement pas toujours d’exprimer une véritable identité propre sur la durée, avec un véritable style marqué et cela à cause de la nature de leur fonctionnement.
Le fonctionnement des marques traditionnelles
Le but des marques de mode traditionnelles, c’est de vendre toujours plus de produit, même si cela devient des quantités industrielles.
On distingue deux types de marques de mode traditionnelles :
– les marques fast fashion qui renouvellent toutes les trois semaines des collections entières
– les marques de créateurs classiques qui fonctionnent en deux saisons avec défilés et salons d’acheteurs
On comprend donc que ces marques ont tout intérêt à renouveler constamment leur offre, et pour celle elle compte sur un phénomène qu’elles ont inventé : la tendance. La tendance permet de renouveler des collections entières régulièrement afin de pouvoir vendre constamment de nouveaux produits, qui remplacent ceux qui ont été ringardisés ! Comme la tendance est changeante, il est compliqué pour leurs clients de mûrir un véritable style sur le long terme, et d’expérimenter des choses puisqu’ils doivent vider leur penderie tout les 3 ans, pour ne pas être démodé. Le marketing de ces marques là est insidieux, il vous somme d’être à la mode, sous peine de devenir ringard, presque indésirable.
Le fonctionnement des marques 2.0
Sans intermédiaires (distributeurs, agents etc), ces marques proposent des produits avec un meilleur rapport qualité/prix et aussi intemporels.
Un business model nettement plus délicat en termes de rentabilité, et qui impose un développement différent pour s’en sortir. De plus, ces nouvelles marques ne possèdent pas la puissance de notoriété de leurs aînés, elles doivent donc dépenser beaucoup pour convaincre. Voici quelques notions simples de marketing et plus généralement d’entrepreneuriat qui vous permettront de le comprendre :
Primo, pour acquérir un client, il faut faire de la publicité (en particulier Facebook Ads et/ou Google Adwords) et ça coûte cher !
Deuxio, comme les marges sont réduites, le coût de cette publicité à un véritable impact sur les bénéfices dégagés par la vente de ce produit. Ainsi, quand une nouvelle marque arrive à acquérir un client (c’est-à-dire réussir à faire acheter quelqu’un chez soit pour la première fois) cela lui coûte très cher et n’est généralement pas rentable.
Pour fidéliser sa clientèle, la marque 2.0 doit développer son offre sans jamais trahir ses valeurs
C’est à dire que la première fois que vous commandez un vêtement chez une marque de ce genre, après avoir vu 10 fois sa pub Facebook et passé 1H sur le site, et bien cette marque a dépensé beaucoup d’argent pour cela.
Pour qu’une marque 2.0 soit pérenne, elle doit donc rentabiliser l’acquisition de ce client. Et le moyen le plus simple de le faire revenir, c’est en lui proposant de plus en plus de produits.
1/ Un produit basique, qui ne coûte pas cher en développement (une chemise en popeline blanche, un chino en coton, une écharpe en laine, une cravate en soie unie) pour attirer les premiers clients.
2/ Des produits plus travaillés, par exemple des chemises ou pantalon en flanelle, des accessoires avec des textures ou des finitions particulières… Afin que ces mêmes clients reviennent pour compléter leur garde robe avec des pièces plus fortes.
Ces deux types de produits doivent perpétuellement s’améliorer (en affinant le patronage, les tissus le grammage…) afin que l’achat de ceux-ci profitent toujours à leurs clients.
Pourtant, je ne vois pas énormément d’hommes mieux habillés dans la rue, pourquoi ?
Car cette stratégie a quelques effets pervers:
- Une offre qui s’enrichit et donc plus difficile à appréhender dans vos tenues
- Des prix bas qui favorisent l’achat coup de coeur de pièces dont on a pas forcément besoin
Malgré ces achats de pièces qualitatives, elles ne s’intègrent pas si facilement à votre style ! Pourquoi ? Car vous n’avez pas les conseils de style plus poussées pour porter ces pièces fortes. Les marques font ce qu’elles peuvent pour proposer des idées, mais ce n’est pas leur métier, du coup voici le problème qui se pose :
- Leurs conseils sont trop généralistes et c’est compréhensible, gérer une marque est un boulot titanesque, et assurer correctement le conseil de style est un travail à part entière.
Difficile donc de bien faire les deux. Et c’est pour ça qu’on se retrouve chez certaines marques avec des conseils qui vont vite en besogne du genre :
« Ca va avec tout »
« Il suffit de le porter »
« Portez le comme vous le sentez » (vous reconnaîtrez une marque en particulier, qui propose d’excellents produits, mais qui ne s’attarde pas sur les conseils de style) - Des photos d’inspiration très lisses le but principal d’une marque étant de vendre, elle préfère proposer des books plus abordables avec des compositions de style simples, dans lesquels une majorité de gens peut s’identifier, c’est nettement plus commercial.
Un autre problème majeur se situe au niveau de la production de vêtements en elle-même.
Simple exemple: les ¾ des costumes que vous voyez sont produites par la même usine en Roumanie avec des finitions très reconnaissables (demi-lunes, barchetta, milanaise etc). La qualité est très bonne, mais beaucoup de marques en proposent la même version très bateau sans valeur ajoutée, au point qu’on arrive plus à faire la différence entre plusieurs offres.
Même chose pour la plupart des chemises en Turquie, au Maroc et en Europe de l’Est, ou encore les chaussures et bottines au Portugal. Même si certaines arrivent à tirer leur épingle du jeu, la plupart proposent simplement des produits au bon rapport qualité/prix. Certaines marques (que nous n’avons pas testées ici) sont même un mélange de produits déjà existant ailleurs, avec simplement un discours un peu différent.
Ce qui n’aide pas à les différencier et rajoute encore un peu plus à la confusion qu’on voit tous les jours.
Développer et affirmer son style propre devient plus complexe
Les articles de blogs sont de plus en plus longs et complexes à assimiler, surtout si vous n’avez que quelques heures à y consacrer par semaine : difficile de savoir par où commencer et quelles premières étapes concrètes prendre (mea culpa, on est également un peu fautifs aussi là-dedans).
La plupart des guides proposés par des blogs sérieux font entre 4000 et 5000 mots. S’ils sont très complets, ils demandent aussi beaucoup de temps pour bien assimiler les informations qu’ils donnent.
D’un autre côté, Instagram a facilité la publication de tenues et d’inspirations. Même en y passant peu de temps, on peut être submergés d’inspirations du Pitti Uomo, découvrir Andreas Weinas ou encore s’enthousiasmer pour les grands bottiers japonais !
Si Instagram est utile pour éduquer son œil, on n’apprend malheureusement pas à s’habiller uniquement en regardant des photos d’influenceurs, il suffit d’observer tout les gros fail de tenue qu’on peut apercevoir au Pitti Uomo. C’est pour ça qu’il ne suffit pas de repérer une pièce sur quelqu’un et de demander « slt j’achète ça où » (je vous vois rire, mais ça arrive très souvent, même quand le compte de la marque est déjà taggé sur le post Instagram).
Par exemple, c’est arrivé une dizaine de fois sur l’une de nos publications Instagram avec cette paire de bottes présente ci-dessus. Une paire de Crockett&Jones en cordovan.
Il s’agit d’une pièce très pointue, qui peut se mouvoir dans une tenue de Gentleman Farmer ou workwear extrêmement maîtrisée. Vouloir se la procurer en l’ayant vu sur Instagram, sans avoir approfondi au préalable le style dans lequel cette paire pourrait s’insérer sans paraître hors de propos ou endimanché, est le meilleur moyen de ne jamais les porter.
Résultat ? On passe des heures à lire des articles interminables, pour se retrouver avec des marques au bon rapport qualité/prix, mais souvent très lisses (ceux qui tirent leur épingle du jeu sont très rares) ou en essayant de reproduire des styles inaccessibles (souvent intégralement faits en mesure).
Les vrais passionnés (qui y consacrent beaucoup de temps) iront quant à eux échanger sur des forums (canardpc, hardware.fr, bonnegueule, De Pied en Cap…) et trouveront parfois de vraies perles, au prix de dizaines d’heures de recherche. C’est une bonne solution pour s’améliorer pour ceux d’entre vous qui ont beaucoup de temps, et qui sont capables d’analyser avec recul les informations qui s’y échangent.
Le résultat de cette abondance d’informations: c’est qu’il y a beaucoup plus de passionnés, prêts à passer des heures à faire le tri et à dénicher les perles. Mais ça reste beaucoup plus difficile pour quelqu’un qui veut simplement mieux s’habiller de s’y retrouver.
C’est une évolution positive mais bien s’habiller, avec un style personnel qu’on maîtrise vraiment, ne devrait pas être que le luxe des passionnés de mode masculine !
Meme issu de la très bonne page facebook Sartorial Meme
Vous l’avez compris, il y a beaucoup plus d’informations qu’avant, mais celle qui vous aidera à bien vous habiller à l’instant T reste toujours aussi difficile à trouver et vous empêche également de vous poser les bonnes questions qui font réellement avancer votre style.
Des tenues identiques trop lisses, ou des pièces importables
Il y a quelques années, c’était franchement très facile de mieux s’habiller mieux que la moyenne. Il y avait d’un côté ces marques de fast fashion type H&M ou Zara, qui nous vendaient des vêtements trop chers pour une qualité exécrable.De l’autre côté ces petites marques qui nous parlaient de rapport qualité/prix, et de distribution en direct, sans intermédiaires.
Quelques années plus tard, elles se sont multipliées et se ressemblent car elles sont accessibles à n’importe qui ayant tapé « conseil mode homme » sur Google après 30 secondes de recherches :
Le style des membres du Reddit Male Fashion Advice: pas de fautes de goût en perspective, mais ça casse pas trois pattes à un canard, tout le monde porte ça.
On a un peu malheureusement le même uniforme en France.
Bref, dans ces conditions, il est redevenu à nouveau très difficile de se distinguer parmi une offre redondantes de pièces très lisses (ce n’est probablement pas en achetant votre première chemise chambray que ça changera grand-chose).
Quand on trouve une pièce qui sort du lot, c’est souvent une pièce de créateur hors de prix. A moins de vouloir faire des heures de recherche, il est très difficile en France de trouver un juste milieu.
Ce qu’on voit trop souvent
Des progrès formidables ont été faits sur le style formel : quelques règles simples suffisent à bien s’habiller en costume, ou au moins de ne pas faire de fautes de goût. Au bureau, vous avez un cadre qui limite l’emprise du style, mais quand vient l’heure du weekend ou de l’afterwork, c’est là que vous êtes livrés à vous-même et que le style se complexifie.
Quand vous a-t-on complimenté pour la dernière fois sur une de vos tenues de week-end ou de soirée ?
Des tenues trop fades : des tenues composées uniquement des dernières marques au bon rapport qualité/prix, en circuit court, qui sont les plus faciles à trouver sur les plus gros blogs.
On obtient une juxtaposition de pièces très lisses qui donnent une tenue sans âme, qui ne permettra certainement pas d’exprimer votre personnalité.
Si le rapport qualité/prix vous suffit, que vous souhaitez passer inaperçu et que vous n’envisagez pas d’avoir un style plus travaillé qui exprime subtilement ce que vous êtes, alors vous pouvez vous en contenter et arrêter votre lecture ici.
Des reproductions cheap : vous avez remarqué une tenue d’influenceur, et vous souhaitez la reproduire avec les moyens du bords, sans avoir saisis les tenants et aboutissants de ce qui en faisait la force. Comme vous n’avez pas le recul et l’expérience nécessaire pour porter une tenue aussi forte, un ou plusieurs éléments clefs vous a échappé et la tenue reproduite n’a pas du tout l’effet escompté.
Prenons un exemple concret, les cols requin l’été dernier. Ces cols de chemise montés en une pièce qui pouvaient se porter par-dessus les revers d’une veste. Il s’agit d’un type de chemises très spécifique, et très difficile à porter. Une pièce inutile pour la plupart des gens tant ce style est niché et colle à des tenues très particulières.
La dérive d’un achat coup de coeur
Ce que je vois très souvent parmi mes clients de relooking : acheter une pièce coup de cœur, qui va souvent coûter cher, mais sans avoir le vestiaire qui suit pour la porter de manière appropriée. une pièce nous fait rêver, mais elle est pointue et ne pourra se porter qu’avec d’autres pièces aussi spécifiques pour être cohérentes en termes de style.
Je suis certain que chaque lecteur a déjà vécu cette expérience d’achat décevante ! Une pièce nous fait de l’oeil, on l’achète sans réfléchir (le genre d’attitude qu’il vaut mieux éviter) et on se retrouve à ne jamais la porter car rien ne va avec. Ou pire encore, on se force à la porter parce qu’on l’a acheté, on sort de chez soi en portant une tenue dans laquelle on est pas à l’aise, ni confiant et c’est le flop absolu, voire la moquerie.
Les deux questions à se poser pour bien s’habiller
Pour bien s’habiller, être stylé et élégant, il n’y a au final que deux questions à se poser :
- Qu’est-ce que je dois acheter ?
- Comment dois-je le porter
Le problème de la mode masculine en France, c’est qu’on y a toujours répondu de manière complètement déconnectée…
Soit en vous donnant une vision de l’offre par pièce : Focus sur le costume, focus sur le chino, focus sur la veste … Résultat ? On ingère des dizaines d’articles de plusieurs milliers de mot, on a du mal à en dégager une vision manière simple de bien intégrer un vêtement dans une tenue. C’est notamment pour cela qu’on essaye vraiment de porter l’accent sur les conseils de style en fin d’article quand on présente des pièces
On voulait bien s’habiller à la base, mais on se retrouve à devenir un vrai technicien du textile, à s’interroger sur les ourlets en point de chainette que contiennent les jeans, à compter le nombre de points au centimètres sur sa chemise et à vouloir collectionner tous les tissus de chemise japonais qu’on trouve sur le marché… C’est important de connaître les points techniques, mais ça ne vous apporte pas grand chose sur le plan stylistique.
Meme issu de la très bonne page facebook Sartorial Meme
Il n’y a rien de mal à ça si vous avez du temps à y consacrer, mais si vous voulez simplement avoir un vrai style qui exprime votre personnalité et qui se démarque, alors vous vous êtes parfois un peu perdu en route.
–Soit en vous donnant des inspirations, notamment sur Instagram, ce qui vous incite trop à la copie pure et dure quand bien même vous ne maîtrisez pas les codes de chacune des pièces.
Notre solution pour bien s’habiller, efficacement
Admettre que l’industrie de la mode masculine a encore des travers, et qu’il ne suffit plus de porter une chemise en oxford et un chino bien coupés pour être bien habillé le week-end est déjà un premier pas en avant.
Pour autant, devez-vous passer des dizaines d’heures par semaines à faire le tri des informations pour avoir un style vraiment unique et original ?
De notre côté, on a réfléchit à ce paradoxe pendant des années.
Il fallait trouver le « hack » qui vous permette d’apprendre rapidement, tout en restant très concret. (tout comme on vous avait trouvé , il y a des années de ça, le « hack » pour bien acheter avec Bien s’habiller en 7 clics, notre ancien ouvrage de référence)
Vous comprendrez alors, d’un seul coup d’oeil, ce qu’il faut acheter et aussi comment le porter.
C’est un format que je n’ai pas encore vu ailleurs, qui vous permettra de vous appuyer sur des styles précis, mais avec votre propre inteprétation et sensibilité.
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