Disclaimer : il s’agit ici du second article sur le Pitti Uomo qui a cette fois-ci été écrit à quatre mains.
Comme vous le saviez peut-être, il s’agit du plus gros salon de mode masculine du monde, qui se tient deux fois par an à Florence.
En revanche, ce qu’on ignore souvent, c’est qu’à chaque édition il n’y a pas un mais deux Pitti Uomo dont les enjeux sont très différents :
– le Pitti Uomo traditionnel, à l’intérieur des bâtiments et multiples pavillons de Fortezza da Basso : celui-ci va accueillir tous les exposants, généralement des marques qui veulent rencontrer des acheteurs.
Ces exposants peuvent être plus d’un millier pour les plus grosses éditions, et ils étaient moins de 500 cette année. Une reprise assez timide dont je vais vous parler plus en détails dans cet article
– le Pitti Uomo de l’extérieur, des streetstyles d’influenceurs, qui se tient devant la forteresse, dans la cour et parfois dans les rues de Florence : l’enjeu est comme vous vous en doutez très différent. C’est un univers que je connais assez peu et dont je ne suis pas le plus compétent pour vous parler.
Ainsi, j’ai proposé à un fidèle lecteur du site, Romain Clamaron, de vous en parler plus en détails.
Celui-ci s’y rend en effet seul depuis plusieurs années, sans connexion professionnelle particulière avec le milieu à part un blog de passionné. Il est parvenu à créer des connexions très intéressantes avec cet univers étonnant. C’est ce qu’on va voir dans la seconde partie de cet article.
Sommaire
I Le Pitti Uomo, salon d’acheteurs
1 Un salon plus confidentiel et discret
Pour le grand public, c’est la partie la plus discrète :
– les gérants de marque ne viennent pas forcément pour se faire remarquer et sont plutôt là pour générer le plus de commandes possibles et rentabiliser un salon qui coûte très cher.
-de même, les acheteurs viennent faire leur sourcing et vont devoir marcher 4 à 5 heures par jour pour découvrir et parler à des centaines de marques. Ces acheteurs ne sont souvent pas influenceurs par ailleurs et vont largement privilégier le confort au style
Des icônes comme Shuhei Nishiguchi ou Nick Wooster sont plus des exceptions que la règle: ici l’équipe des acheteurs de Beams shootés pour The Rake
Enfin, les marques sont là pour vendre la collection de la saison suivante : elles sont donc extrêmement prudentes pour ne pas se faire copier. Toutes les photos prises à l’intérieur doivent systématiquement être validées par les marques.
Chaque personne qui vient à un stand doit s’enregistrer auprès de la marque via un QR code qui permet d’identifier sa fonction :
– acheteur : la profession évidemment la mieux accueillie pour les marques qui viennent justement les rencontrer
– media : tout dépend du rayonnement du media, vous pourrez être accueilli avec flagornerie ou, au pire, avec scepticisme.
Tout dépend si vous êtes un vrai media légitime avec un site Internet reconnu et des articles de fond ou un micro-influenceur Instagram avec des contenus superficiels.
– chef de collection : le mouton noir des marques qui n’aiment pas vraiment les voir arriver rechercher de l’inspiration
Une vérification indispensable de QR code
Pour toutes ces raisons, le Pitti Uomo de l’intérieur est beaucoup plus confidentiel que ce qui ressortira sous le #pittiuomo sur votre feed Instagram.
Les particularités de cette reprise
Pour vous donner un ordre d’idée, j’avais pris en Janvier 2020 un jour et demi juste pour faire le tour du salon (sans forcément m’arrêter aux stands des marques).
J’y étais un peu comme un enfant dans un magasin de jouet géant, où toutes les marques que j’avais toujours voulu rencontrer étaient présentes.
Ce tour d’horizon ne m’aura pris en Juin 2021 qu’une heure et demi tellement le nombre d’exposants avait été réduit : environ 450 contre 1200.
Pourquoi un salon si amoindri ?
Ne citer que le covid-19 serait un peu enfoncer des portes ouvertes, allons un peu plus loin dans les détails :
– l’absence de marques internationales : aussi bien américaines, que japonaises mais aussi (et surtout) britanniques
– des stands toujours très coûteux et donc un risque réel pour les marques de ne pas rentabiliser ce salon si les acheteurs ne sont pas au rendez-vous
Certaines marques ont d’ailleurs élu domicile à Florence le temps du Pitti Uomo, mais plutôt dans des hôtels afin d’entretenir leur réseau avec un budget plus limité
– l’alternative des salons virtuels qui ont prit une place importante pendant la pandémie : un bon tiers des exposants affichés n’étaient en fait référencés qu’en « PittiConnect » mais sans véritable présence physique
Une liste en apparence impressionnante, mais avec au final beaucoup d’exposants virtuels
Les opportunités d’un salon post covid-19 : vers des marques enfin digitalisées ?
Ce genre de crises majeures présente à la fois toujours des risques, mais aussi des opportunités à saisir.
Le Pitti Uomo de Janvier 2020 avait par exemple été très décevant du côté des marques italiennes :
– elles sont très peu présentes en ligne, avec au mieux un site vitrine de présentation de collection, mais très rarement d’e-commerce
– elles ne sont intéressées que par le retail, c’est-à-dire la vente en boutiques de détail
Des marques italiennes surtout intéressées par des acheteurs italiens, voici comment décrire 80% des stands de cette édition du Pitti Uomo
Pas forcément facile donc de s’en procurer partout en France donc ce n’est pas vraiment le genre de modèle économique dont on parle sur le site.
Un premier salon post-covid-19 était donc l’occasion de voir si les mentalités avaient évolué, et si ces marques avaient enfin commencé à construire une vraie stratégie digitale, qui puisse les aider à se diversifier et à maintenir leurs revenus en cas de nouvelle crise.
Ca aurait également été une très bonne occasion de vous présenter des pièces d’un style très différent.
Bref, un scénario très prometteur mais qui ne s’est pas du tout réalisé : l’écrasante majorité des marques italiennes avec des pièces un peu intéressantes ne sont pour le moment vendues qu’en boutique physique, et bien souvent pas en France.
Les exposants qui ont retenu notre attention
Hormis donc toutes ces marques italiennes qui ne vendent pas en ligne (et dont les savoirs-faire se ressemblent en plus fortement), que restait-il à ce Pitti Uomo ?
Une marque italienne prometteuse, Toscana ala Sartoria
Cette marque propose en ligne des costumes et vestes half-canvassed et full-canvassed, réalisés en Toscane et distribués aux environs des 700-900€.
Ca peut paraître assez commun, mais ce n’est pas facile sur le marché italien de trouver ce genre d’offre directement sur le site de la marque. Celle-ci existe seulement depuis 2018, ce qui peut expliquer un état d’esprit plus moderne.
Leyva, la marque d’atelier compétitive sur les ceintures
Leyva est une marque dont j’avais commencé à parler en 2013 : il s’agit d’une marque d’usine spécialisée dans les ceintures qui vend directement ses produits en ligne. C’était à l’époque une petite pépite tant la concurrence était inexistante.
Presque dix ans plus tard, elle parvient toujours à proposer un excellent rapport qualité/prix, même par rapport aux DNVB françaises déjà en place.
Les marques françaises
Evidemment, on ne vient pas forcément jusqu’à Florence pour rencontrer des marques qu’on peut voir beaucoup plus facilement à Paris (et les marques ne viennent pas non plus jusque-là pour parler à un media français).
Ce salon était tout de même l’occasion de découvrir de nouvelles marques, et d’entretenir mes contacts avec des marques avec qui nous avions déjà travaillées.
J’ai en particulier discuté avec ces quatre marques d’atelier.
Chapal
Je connaissais déjà évidemment la marque, mais pas son fonctionnement en détail. Il s’agit en fait de la seule marque française que je connaisse à fabriquer elle-même toute sa collection (blousons en cuir, jeans, sneakers, sacs, pulls etc) seulement à partir d’un atelier d’une vingtaine de personnes dans la Creuse. C’est assez exceptionnel de concentrer autant de savoirs-faire différents en gardant une taille aussi humaine : on en reparlera dès la rentrée.
A noter que Chapal est une des rares marques françaises à n’exposer qu’au Pitti Uomo.
Kleman
Kleman est une marque française bien établie de la chaussure workwear. Workwear à la fois en termes de style mais aussi d’usage pratique puisque la marque fût fondée pour répondre à un appel d’offre de l’Armée.
L’Aiglon
J’aime beaucoup les marques d’ateliers qui ont un savoir-faire différenciant sur un produit précis : c’est notamment le cas de la marque l’Aiglon sur les ceintures tressées qui sont leur pièce icônique depuis le 19è siècle.
Maison Boinet
Une autre marque d’atelier française, spécialisée dans la ceinture. Etant un grand amateur de pantalons taille haute je ne suis normalement pas spécialement emballé par ce type de pièces : c’est sans compter sur l’originalité des boucles, la finesse globale de la ceinture et la pertinence des couleurs choisies.
Conclusion sur l’intérieur du Pitti
Cet aspect du salon fût globalement décevant par rapport à l’édition précédente, d’une part du fait du faible nombre d’exposants, mais aussi avec le constat que les mentalités n’ont pour le moment pas vraiment évoluées même après une crise mondiale.
Je laisse à présent la parole à Romain pour la seconde partie, qui retranscrira davantage ce qui se passe à l’extérieur, et l’atmosphère générale du salon.
II Le #pittiuomo100 de l’extérieur
« Vous aimez les histoires ? »
J’ai eu un mentor qui adorait poser cette question en stages de développement personnel.
Aujourd’hui je vais vous partager mon histoire Florentine.
Elle est connectée à l’histoire de deux autres mentors, mes mentors en style et en élégance, qui sont, selon les médias sartoriaux, respectivement les deux hommes les plus élégants de la planète, Guillaume Bo et Franco Mazzetti.
Ces deux géants se sont fait connaître… Au Pitti Uomo.
Photo prise par Kateryna Komar, avec de gauche à droite Guillaume Bo, Angélique Noire, Ignatious Joseph, Romain Clamaron (votre auteur) et Francesca Serafin
On aime tous les histoires.
C’est, j’imagine, la curiosité inhérente à la nature humaine.
Et aujourd’hui, c’est Valéry qui me propose de vous en raconter une.
Nous nous sommes recroisés sous la chaleur du soleil de Florence en Italie, dans l’enceinte de la Fortezza da Basso, au salon du Pitti Uomo 100. C’était la centième édition bisannuelle du plus grand salon de la mode masculine (la vraie, où l’on ne croise heureusement pas Zara et H&M).
Il y eut l’idée d’écrire cet article ensemble, et voici ce que m’a proposé Valéry :
« Ce serait intéressant que tu parles des dessous du Pitti Uomo, toi qui est présent à chaque édition. Que tu racontes l’histoire de ton expérience ici depuis que tu es venu la première fois il y a quelques années
Alors me voici, votre gentleman infiltré pour vous raconter…
CE QUI SE JOUE SOUS LES JUPONS DU PITTI UOMO.
L’histoire commence en 2017.
Après des années à suivre les grands blogs francophones sur le style masculin éthique et qualitatif, dont Jamais Vulgaire, (un peu comme ce que vous êtes en train de faire), j’ai décidé de partir pour une aventure en terre sartoriale.
J’avais été très inspiré par tous ces articles sur le Pitti Uomo, et il fallait absolument que je m’y rende.
J’avais créé mon premier petit blog à l’époque, Gentleman Buddha, remplacé aujourd’hui par mon site de coaching, Romain Clamaron.
J’ai eu l’audace d’essayer de m’inscrire à l’événement avec le peu d’articles et vidéos postées… Et aussi incroyable soit-il, j’ai réussi à avoir le pass média, chose qui serait à mon avis beaucoup plus complexe aujourd’hui sans avoir beaucoup d’influence.
Contrairement à la croyance populaire, tout le monde ne peut pas pénétrer l’enceinte de la Fortezza, il faut être soit blogueur, presse, média, acheteur ou exposant.
J’ai rarement été autant stressé qu’avant ce voyage, et pourtant à l’époque, j’enseignais activement la gestion du stress. Mes techniques de respiration & méditation m’ont tout de même aidé il faut croire. Arrivé sur place, dès le deuxième jour, j’ai osé interviewer les plus grands… Et à mon grand étonnement, ils étaient ouverts, accueillants et bienveillants, loin des stéréotypes de la froideur de la mode.
Photo prise avec Alessandro Squarzi lors de mon premier Pitti Uomo.
Je suis rentré de ce premier Pitti avec des étoiles dans les yeux…
Et la ferme intention de ne pas en louper une seule édition.
Pourquoi ?
Car je venais de télécharger mentalement, en présentiel, la banque d’images la plus incroyable que j’avais jamais scrollé.
Cette concentration de style au mètre carré dans l’enceinte de la Fortezza était juste assommante pour le jeune relookeur que j’étais…
Et les leçons de style et de sagesse que j’avais apprises auprès des maestros de l’élégance m’avaient marqué au fer rouge.
C’est ainsi que je suis passé du jeune interviewer timide à coach photographié dans Vogue, GQ, Elle, Esquire, Forbes, etc…
Comme dirais Guillaume Bo : « C’est le jeu du Pitti ».
N’importe qui avec du style et de l’originalité pourrait finir photographié au Pitti Uomo.
Cependant, les grands photographes présents là-bas cherchent à prendre les clichés des hommes les plus élégants et des hommes les plus originaux.
Ils cherchent à montrer des détails uniques et des grands classiques, mais aussi à avoir capturé avec brio les hommes les plus influents du Pitti.
Car il n’y a pas que des influents… Osons le dire, il y a aussi des personnes qui viennent au Pitti et sont considérées comme des clowns. Et ça jase, ça comère dans certaines conversations. D’ailleurs j’imagine qu’à mes débuts, certains m’ont fait siffler les oreilles. Le braquage des caméras du monde entier déclenche le besoin profond d’être vu pour exister, et quand c’est mélangé à des vêtements de mauvaises qualité et du mauvais goût, cela donne les clowns du Pitti. À ne pas confondre avec les paons. Car inévitablement nous en sommes tous, à parader face aux photographes.
Le Pitti est comme un radar. Mais on ne vous diras jamais de face si votre style est bon ou pas.
Cela devient donc une loterie, va-t-on attirer leur objectif, et cela va-t-il nous propulser dans le top des hommes les plus influents du salon ?
Tips: Pour être plus photographié, connecter avec les photographes, surtout en été quand ils en bavent sous la chaleur (ce n’est pas un métier facile). Cela demande une nature interpersonnelle, et sortir de son petit cocon pour les aborder et se renseigner sur eux.
Aujourd’hui, j’aime beaucoup jouer à ce jeu. Et je me rends compte qu’il se situe à haut niveau. Ce sont les années de maturité stylistique qui font doucement effet pour captiver l’attention des photographes et magazines (c’est pourquoi, mon grand plaisir aujourd’hui est de créer un trou de vers unique en son genre avec mes clients en relooking haut de gamme).
Car une des réalités que j’ai apprise à la dure avec les années c’est que lire des centaines d’articles sur les meilleurs blogs est une chose… Mais les mettre en application à un haut niveau, aux côtés de colosses, en est une autre.
Pour revenir à notre cher salon italien,
IL Y A EN RÉALITÉ DEUX PITTI UOMO.
Celui des exposants et acheteurs, à l’intérieur des bâtiments de la Fortezza, et celui des médias, icônes de style et influenceurs, en plein air, dans l’enceinte du square central de la Forteresse.
Photo prise par Kateryna Komar
Pour ma part, l’important est de faire le pont entre l’intérieur et l’extérieur. Montrer aux médias les pièces de qualité et éthique des partenaires que j’ai rencontré sur place ou en ligne, en les portant dans des tenues sartoriales reflétant mon propre style et personnalité.
Chaque jour du Pitti, je porte des tenues qui me sont fournies par des marques de l’univers sartorial, italiennes, portugaises, japonaises, allemandes, françaises…
Note de Valéry : ça peut effectivement être un bon calcul pour les marques d’habiller les influenceurs les plus susceptibles d’être photographiés par des grands magazines au Pitti Uomo. Le résultat n’est pas assuré mais ça revient en tout cas à infiniment moins cher que d’y payer directement une page de publicité
Vous aimeriez que je vous partage un peu plus en profondeur les dessous du jupon ?
Il existe un troisième Pitti Uomo.
Celui des soirées à cocktails organisées par les marques. Celui qui nous réunit sous le signe du Negroni, le cocktail le plus consommé là-bas, qui nous fait rentrer à l’hôtel tard dans la nuit… Avec une démarche beaucoup moins charismatique.
C’est comme si la journée n’était pas déjà épuisante, qu’on remet le couvert chaque soir. Journées de 14 heures et pieds enflammés assurés.
Mais c’est aussi une autre opportunité de rencontres détendues avec les géants du style, une exposition du savoir-faire made in Italy et des balades nocturnes dans les rues étroites de Florence au milieu des monuments les plus photographiés de la planète.
Il faut dire que cette ville se prête particulièrement à la photographie, pour la mode comme pour le tourisme !
Note de Valéry : comme partout, les soirées sont de bonnes opportunités pour renforcer son réseau de manière plus décontractée et informelles. C’était d’autant plus crucial à cette édition 2021 qui offrait de jour moins de rencontres possibles.
POUR PORTER UN TOAST À CE GRAND SALON…
Pour vous dire quelques mots en conclusion, je dirais que je suis un des rares à avoir autant apprécié cette centième édition.
Photos de Valéry et moi prises par Alexandru Leteanu
Pourquoi ?
Car j’y ai retrouvé mes amis et mentors en style des quatre coins du monde, en plus petit comité.
C’était l’opportunité, sur ce premier salon en situation covidesque, de se revoir après presque deux années de creux !
Alors oui, cette édition était beaucoup moins imposante que les précédentes, et les exposants japonais et américains nous ont manqués, mais je me suis personnellement régalé.
Et… le Negroni m’a encore agréablement prit par surprise.
Pour vous aider encore plus à vous imprégner de cette édition, je serai bien plus loquace par les images que par les mots, vous pouvez tout simplement visionner mon reportage de certains des meilleurs styles et exposants de la saison publié sur ma chaîne Youtube.
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