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Test&Avis Praesidus A11 Vince Sperenza: la field watch modernisée avec bon goût

Vous aviez en Janvier dernier pu lire l’article de Julien sur les micro-marques de montres, et vous avez ainsi obtenu quelques clefs d’analyse pour trier le grain de l’ivraie.

Sur JamaisVulgaire, j’attends d’une micro-marque qu’en plus d’un bon rapport qualité/prix et d’un univers soigné, elle apporte aussi quelque chose de neuf au marché et au genre.

C’est justement ce que j’ai pu remarquer chez Praesidus Watches, une jeune micro-marque horlogère spécialisée dans la Field Watch A11, considérée comme décisive dans la victoire de la Seconde Guerre Mondiale.
Celle-ci propose un nouveau modèle, en collaboration avec le vétéran artilleur Vince Sperenza, disponible sur Kickstarter à partir de 271€ jusqu’au 12 Avril.

I Praesidus, une micro-marque développée par des professionnels du marketing horloger

(et qui ont fait un excellent travail)

1 Pacific Concepts, Kudetat et le groupe Montrichard: les brands builder horloger

Beaucoup de micro-marques héritage sont tentées de mettre en avant une histoire plutôt qu’un produit et de proposer un résultat décevant au niveau du rapport qualité-prix.

Ainsi, dans la section A Propos du site Praesidus, cette ligne m’a mise la puce à l’oreille « Praesidus is also owned by Pacific Concepts, Inc., a project management program that aims to help brands reach their full potential through digital marketing »: s’il y a des non-anglophones parmi vous, il s’agit d’un incubateur qui développe des marques en s’appuyant en particulier sur le marketing digital (pubs Facebooks etc).

Si je vous parle de cette marque, c’est évidemment qu’il y a un beau produit derrière et qu’il ne s’agit pas que de marketing: en somme « If I’m being honest, I expected a lot more marketing and a lot less watch » (une citation du site Waha Watches qui résume bien ma pensée).


Pacific Concepts est en fait la filiale américaine (du fait de la fabrication américaine des montres) de l’incubateur Kudetat, appartenant au groupe Montrichard, situé à Hong-Kong.

Oscar, un des co-fondateurs de Praesidus, a beaucoup d’expérience sur le lancement de marques à travers cet incubateur et m’en a parlé en toute transparence: son travail est de développer des marques (lui-même ou avec des créateur) avec un univers et des modèles distincts.

Certains puristes pourront être choqués par cette systématisation du travail de création de marque et d’univers qui vont parfois reprendre les codes, avec plus ou moins de succès, de marques vieilles de centaines d’années.

Je préfère analyser la situation au cas par cas: certaines marques proposent des modèles intéressants, mais qui n’innovent pas et avec un univers très creux. D’autres marques, comme Praesidus ou Aeromat sont de très belles réussites. C’est ce qu’on va voir dans l’article.

2 Le modèle A11 Tom Rice

Praesidus commence tout à fait par hasard à travers l’échange avec le vétéran ancien parachutiste Tom Rice: lors d’une commémoration du débarquement en 2019, celui-ci confie au photographe de l’évènement, un ami d’Oscar, avoir perdu sa montre A11 lors du saut en parachute de 1945. (Notons au passage qu’il effectue ce saut de commémoration à l’âge de 97 ans)

Le saut en parachute de Tom Rice en 1945

Tom Rice saute en parachute d’un avion de transport de troupe C47.

Alors en situation de combat et à basse altitude, les parachutistes utilisent une ligne statique qui facilite l’ouverture du parachute (qui, dans ces conditions, était loin d’être un acquis).
Bref, comme le montre cette vidéo, le saut en parachute était déjà une épreuve en soit, où la simple chance jouait pour beaucoup.

Cette ligne statique, reliée à l’avion, peut avoir également son lot de problèmes. Le pire étant se décrocher trop tôt (ce qui pénalise donc l’ouverture du parachute et je vous laisse imaginer la suite), une chanson militaire intitulée « Blood on the Risers » y a d’ailleurs été dédiée.

Tom Rice eut droit à un des scénarios les plus favorables en termes de survie: sa ligne ne se décroche pas. Il parvient malgré tout à se libérer, en se heurtant plusieurs fois contre la carlingue de l’avion en plein vol, et y perd dans ses efforts sa montre.

Près de 74 ans plus tard, Oscar et les fondateurs de Praesidus se mettent alors en tête de recréer cette montre en travaillant avec Tom Rice.

Si la marque souhaite mettre en avant des valeurs de courage, d’héroïsme et de patriotisme, son engagement est aussi très concret puisqu’elle reverse 5% des ventes à des associations de vétéran.

3 La montre A11: la specialite de Praesidus

Il s’agit de la digne héritière, standardisée, des premières field watches (qui sont aussi les premières montres à bracelet) de la Première Guerre Mondiale. Pour l’époque, elle est relativement robuste, précise et résistante à l’eau et à la poussière (mais elle n’est par exemple pas antimagnétique): c’est elle qui permet aux Alliés de se coordonner à la seconde près, surtout entre les actions menées par l’aviation et les forces au sol (on imagine donc la détresse de Tom Rice ayant perdu sa montre à l’atterissage sur le champ de bataille).
Quatre marques icôniques produisent alors cette montre: Elgin, Bulova, Waltham et Hamilton.



Des montres aujourd’hui difficiles à retrouver car, aussi robustes qu’elles soient, leur boîtier métallique rudimentaire n’était pas fait pour traverser les décennies. Les quelques montres toujours trouvables âgées de 80 ans aujourd’hui n’auront forcément pas la même fiabilité au quotidien, sans parler des difficultés pour trouver un horloger capable de les réparer.
Bref, les A11 sont un segment où il est tout à fait légitime de proposer des montres neuves si on apprécie ce style et sur lequel je ne vous encourage pas à aller sur du vintage si vous recherchez un minimum de fiabilité.

Du fait de ces quatre fabricants, il n’y a donc pas une seule montre A11 mais un gamme intéressante, avec des variations subtiles en particulier sur le cadran. Et ça, Praesidus l’a bien comprit.

Caractéristiques d’une A11: une montre héritage normée

Pour une montre héritage, la A11 est particulièrement normée:

En effet, à l’époque et selon le TM 9-1575 War Department Technical Manual for Wrist Watches, Pocket Watches, Stop Watches, And Clocks, les A11 possédaient:
– un mouvement mécanique d’au moins 15 rubis
– un boîtier de 32 mm (difficile à imaginer de nos jours, alors que 42 mm est malheureusement devenu la norme)
– des chiffres arabes
– des marqueurs blancs
– un stop seconde, qui permet aux secondes de s’arrêter lorsqu’on tire la couronne: ce n’était pas systématique, et sans ça impossible pour les soldats de se synchroniser

Le marché existant de la A11

Vous vous doutez bien que des hommages à la A11, il y en a eut d’autres bien avant: l’enjeu est donc de savoir, au-delà du marketing et du storytelling, si la montre apporte vraiment en elle-même quelque chose au marché par rapport à ce qui a déjà été fait (c’est toujours ma réflexion globale que cela soit sur les montres ou les vêtements).
Le blog Watchclicker a effectué une analyse comparative très intéressante, avec des marques référentes du domaine (Timex, Hamilton) pour en conclure que personne n’avait proposé ce genre de modèle auparavant. Cela se voit bien sur cette photo et on va le préciser plus bas dans le test.

La Praesidus Tom Rice A11 ressort déjà bien sur cette photo

III Test de la montre Praesidus Vince Sperenza

Vince Sperenza

Vince Sperenza est le vétéran avec qui Praesidus a collaboré pour cette seconde montre: il était quant à lui mitrailleur et a notamment participé à la Bataille des Ardennes, une des plus dures de la Seconde Guerre Mondiale.

Il a notamment participé au siège de Bastogne: une bataille durant laquelle les Alliés devaient couper la principale contre-offensive Allemande de fin 1944. C’est une bataille très connue aux Etats-Unis puisque les forces alliées étaient alors encerclées, en sous effectif et sans vêtements d’hiver.
Cette bataille est extrêmement connue dans la culture américaine: en particulier car e commandant américain des troupes présentes, Anthony McAuliffe, répondit alors à l’ultimatum allemand de se rendre le simple mot « Nuts ».

Vince Sperenza étant un grand amateur de cigare, vous recevrez votre montre dans une mini-cave à cigares Humidor:

Cadran

Avant d’entrer dans les détails, il faut souligner que le cadran de cette A11, comme tous les modèles de chez Praesidus est complètement dépourvu de marque. C’est un gros plus niveau lisibilité par rapport à la concurrence, et ça contribue à la sobriété que l’on attends de ce genre de montre normalement complètement utilitaire.

Aiguilles

Comme vous pouviez le voir sur la photo précédente, la plupart des réinterprétations de A11 sont réalisées avec des aiguilles diamant ou épée. Praesidus a opté pour des aiguilles cathédrales, qui permettent un rendu moins austère et contribuent à un subtil côté Art Deco.

Indexs

Contrairement aux autres modèles de A11, l’échelle de minuterie est dessinée en chemin de fer: c’est personnellement ma configuration préférée. Elle donne un côté un peu plus habillé au cadran et est très complémentaire des aiguilles cathédrale.

Le traitement Luminova

Un traitement Luminova est appliqué aux aiguilles des heures et des minutes, mais pas des secondes, que vous ne pourrez donc pas voir dans le noir.

Boîtier

Taille: 38 et 42mm

Si les A11 avaient une taille de 32mm, vous vous doutez bien que ce n’est malheureusement pas un choix commercial viable à notre époque. J’ai l’impression que beaucoup d’homme font une corrélation entre masculinité et taille de montre alors que paradoxalement les soldats de la Seconde Guerre Mondiale portaient du 32mm, c’est dommage et j’espère que les mentalités évolueront.

Praesidus a ainsi opté pour du 38mm pour ses montres, un bon compromis. Oscar m’a cependant avoué qu »il gardait un projet de 32mm en tête (que je ne manquerai pas de soutenir).

Vous pouvez si vous le voulez choisir du 42mm, mais vous aurez compris que je ne le recommande pas et que je trouve ça assez vulgaire, surtout dans ce genre de registre héritage.

Boîtier en acier inoxydable

A l’époque, les boîtiers étaient réalisés en laiton avec une finition chromée: évidemment, ce n’est plus le cas aujourd’hui et cette A11 est pourvue d’un boîtier en acier inoxydable avec alternance de finition brossée pour la lunette et polie pour la couronne et les cornes.

Fond de boîtier

Outre les inscriptions gravées, Praesidus a également reproduit une version miniature des balles utilisées par Vince Sperenza et son fusil mitrailleur.
Une version disponible en impression simple (2D) est également disponible.



En tout cas, au bout de quelques jours de port, cela n’a provoqué aucun inconfort de mon côté (cela laisse une marque à peine visible sur la peau, c’est tout).

Mouvement

La montre est équipée d’un mouvement automatique NH35 de chez Seiko: les puristes en diraient que c’est un bon tracteur, surtout sur une montre à moins de 300€.
Voici ses caractéristiques:
– -20/40 secondes/jour
– une réserve de marche de 41 heures
– 21600 vibrations/heure

Historiquement, il respecte partiellement le cahier des charges vu qu’il dispose d’un stop-seconde et de 24 rubis. En revanche, il s’agit d’un fonctionnement automatique et pas à remontage manuel.
Après quelques recherches, je n’ai pas vraiment trouvé d’exemples de micro-marques accessibles avec des mouvements à remontage manuel: c’est surtout réservé à de plus grosses maisons horlogères qui peuvent développer les leurs en interne.

A noter que pour un supplément de 135€, vous pourrez profiter du très bon mouvement suisse STP-11 dont voici les caractéristiques:
– +-20 secondes /jour
– 44 heures de réserve de marche
– 28800 vibrations/heure (donc un peu plus précis)

Verre Saphir double dôme

Un beau cadran et des aiguilles travaillées, c’est bien beau, mais encore faut-il pouvoir les lire. C’est ici l’autre force de ce modèle A11: un verre double dôme comme à l’époque, mais en saphir.
Voici un schéma explicatif simple trouvé sur forum Chronomania:


On retrouvait également ce verre double dôme sur les field watch originales: elles permettaient une meilleure lisibilité en atténuant les reflets. En revanche, ces verres étaient en acrylique, bien plus facile à façonner dans cette forme que du saphir.
Vous vous doutez bien que cette forme convexe est beaucoup plus difficile à obtenir à partir du saphir: ce type de verre coûte donc relativement cher.

Praesidus aurait pu s’en tenir à l’acrylique par fidélité historique, mais a préféré proposer un verre plus robuste, durable et qualitatif, quitte à faire monter les coûts et réduire sa marge. C’est grâce à ce double dôme qu’on obtient donc une lisibilité exceptionnelle et également grâce à un traitement anti-reflet.

Le bracelet

Je porte ici le M1919 Barrel Strap qui comme son nom l’indique reproduit le baril de la mitrailleuse M1919 de Vince Sperenza:

Une autre variation est disponible avec un dessin de la M1919 sur le bracelet:

Si la campagne atteint les 45000$ de ventes, Praesidus prévoit d’ajouter un bracelet en canvas de coton, dans le plus pur esprit des Field Watch.

III Bien porter une Field Watch

Evidemment, une Field Watch se porte dans un registre décontracté, qui ne manque justement pas de vêtements d’origine militaire: difficile de ne pas penser aux Jungle Jacket, aux pantalons Gurkhas ou encore aux blousons aviateur (c’est pour ma part ce que j’ai choisi ici).


Je porte ainsi avec cette montre:
– Un blouson A2 de chez Balibaris
– un pantalon sartorial élastiqué d’Avenza
– un pull col roulé en cachemire Abensia Paris
– des mi-bas en laine Wicket
– des mocassins en cuir de cerf Septième Largeur (sur le coup, j’aurais pu prendre une paire un peu plus militaire par contre).

Ici, le pantalon élastiqué apporte un twist subtil plus moderne à l’ensemble. J’aurais dû en revanche remplacer les mocassins par de bonnes vieilles Field Boots qui auraient été beaucoup plus logiques ici.

Conclusion

Vous l’aurez compris, j’ai été très agréablement surpris par cette Field Watch A11 et plus généralement par l’offre de A11 de chez Praesidus.
Si cette jeune micro-marque est le fruit d’un intense travail de marketing et de storytelling de professionnels du milieu, elle est complètement transparente sur le sujet et délivre un produit de qualité qui sort du lot par rapport aux réinterprétations des marques historiques. Elle le fait par ailleurs de manière cohérente, avec un assemblage aux Etats-Unis, en accord avec les valeurs des vétérans avec qui elle collabore.

Sur une montre A11, cette nouvelle offre est par ailleurs très pertinente même par rapport au vintage, les montres A11 d’époque n’étant plus en état de nos jours.

Vous avez en tout cas jusqu’au 12 Avril pour proposer de ces montres au tarif Kickstarter (271€ au lieu de 437€), de leur cadran minimaliste et élégant, et surtout de la très belle lisibilité que permettent les verres saphir double dôme.

Valery

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