Certains pensent que les coachings en style et relooking homme sont réservés à ceux qui n’ont pas vraiment de connaissances en mode masculine et qui partent de zéro.
A travers ce compte-rendu de personal shopping, nous allons voir que cette journée de conseil peut également être adapté à des clients plus pointus, qui s’intéressent au sujet depuis des années et qui cherchent le plus simplement et rapidement possible à executer des idées bien précises (parfois dans des timing serrés).
Sommaire
I Notre client: Yann Couvreur, pâtissier parisien
Si vous habitez à Paris et que vous aimez les pâtisseries, alors vous connaissez très probablement Yann Couvreur et son réseau de patisserie parisien (ouvert aussi maintenant en Corée du Sud).
Personnellement, j’ai pu le rencontrer par hasard en voulant tester un de ses fameux millefeuilles à la patisserie historique à Parmentier, en 2015.
Déjà à l’époque celui-ci avait des goûts assez pointus puisqu’il suivait avec assiduité mon compte Instagram pour les chaussures que j’y postais, avec à l’époque beaucoup de Yohei Fukuda et autres Antonio Meccariello (des noms devenus des évidences aujourd’hui mais beaucoup plus nichés à l’époque).
La demande
Flash-forward sept ans plus tard, Yann continue à suivre mes inspirations sur Instagram et ne reste forcément pas indifférent devant ces images dénichées sur le compte Instagram de maslowso, un tailleur bespoke hongkongais.
(comment rester indifférent face à une construction aussi pure, avec des roulés aussi soignés ? )
Ainsi, il me contacte fin Juillet car il souhaiterait cette tenue pour son invitation à un mariage le 20 Septembre. Même s’il s’agit d’une tenue de mariage, il souhaite une tenue polyvalente, dont il puisse porter les différents éléments indépendamment.
Les contraintes
Etant donné l’inspiration très précise, la demande pourrait sembler simple mais doit suivre en réalité deux contraintes:
– de temps: entre le fin Juillet et le 20 Septembre, il s’écoule presque deux mois. Seul soucis: les ateliers ferment de trois semaines à un mois en été et traitent à la réouverture en priorité les commandes déjà passées en Juillet
– de budget: Yann souhaitait un budget contenu pour l’ensemble de la tenue (moins de 2000€), exit donc le bespoke et la petite mesure
II Le processus
Pièce par pièce, nous allons voir comment j’ai pu répondre à cette demande.
La veste
a Choix de l’atelier et du patronage
Première urgence: savoir avec quel atelier faire la veste. Il me faut donc pour ça travailler avec quelqu’un qui connaisse plusieurs ateliers européens: j’ai choisi Clotilde Ranno, qui travaille avec un tailleur à Rome, à Naples et qui lance une nouvelle offre en Europe de l’Est.
Pour les ateliers italiens, il aurait fallut demander une procédure d’urgence qui aurait fait exploser le budget sur une offre déjà coûteuse.
La toute première veste de notre offre Clotilde Ranno x JamaisVulgaire
Nous avons donc opté pour sa nouvelle offre en Europe de l’Est, qui est une offre que nous lançons justement ensemble en collaboration (on reviendra dessus, mais l’idée est de vous faire découvrir des patronages un peu plus affirmés, en restant sur des tarifs accessibles).
Cette offre ouvrira d’ailleurs ses portes la semaine prochaine, vous pouvez en attendant vous inscrire sur cette newsletter:
La prise de mesure s’est ainsi déroulée le 2 Août pour une réception de la veste le 13 Août.
Celle-ci chez Clotilde Ranno est particulièrement méticuleuse puisqu’elle utilise la même méthode de prise de mesure sur cette offre d’Europe de l’Est que sur ses offres italiennes de demi-mesure et petite mesure:
Le roulé de revers
Pour cette toute première veste, nous voulions une pièce avec le plus beau roulé de revers possible, qui soit en tout cas le plus proche possible du rendu d’un bespoke mais ici avec un entoilage complet réalisé de manière industriel.
Avec Clotilde, nous avons ainsi choisi des revers généreux, de 11.5 cm, bien adaptés à la carrure de Yann. Il s’agit d’un patronage de revers très spécifique, qu’on retrouve très rarement chez les autres tailleurs: vous pouvez voir que la couture de séparation entre le revers et le col est légèrement arrondie, ce qui donne aussi un arrondi supplémentaire au col.
C’est un type de construction qu’on retrouve très souvent sur le bespoke hong-kongais et coréen: il permet d’avoir un revers large, mais dont le cran est situé un peu plus bas, ce qui procure plus facilement un beau roulé (c’est un patronage que malheureusement la plupart des tailleurs négligent encore dans l’offre française).
Epaule naturelle et poches plaquées
Pour une veste polyvalente, agréable à porter et adaptée aux épaules de Yann, il est évident qu’on allait opter pour du déstructuré avec épaules napolitaines. Evidemment, cela s’accompagne bien entendu de poches plaquées (avec ici une subtile poche ticket).
b Le choix du tissu
C’est là où ça devient compliqué de passer commande fin Juillet pour une réception mi-septembre. Les stocks de tissu sont au plus bas chez l’atelier, et les délais serrés ne permettent pas à Clotilde d’y faire livrer ses tissus plus exclusifs (sans compter que les drapiers sont aussi en vacances en Août).
Il nous faut donc compter seulement sur les stocks de tissu déjà présents à l’atelier, ici nous avons pu composer avec un tissu Loro Piana en laine légère hopsack avec un poids de 280g/m: j’aurais préféré un tissu encore plus lourd pour marquer davantage le roulé du revers mais ça sera tout de même satisfaisant.
Même avec la veste fermée, le roulé de revers se devine encore facilement.
Avec les options de base, cette veste est disponible à partir de 885€ pour ce mélange laine lin soie de chez Loro Piana (qui explique en grande partie le prix).
Ici, avec l’entoilage complet et la parementure américaine, on arrive à 1280€
La chemise
L’inspiration que m’avait montrée Yann comportait clairement une chemise col une pièce (ou one piece collar) dont le roulé va vraiment bien avec la veste. Afin de rester dans un registre minimaliste, l’idéal était évidemment un tissu uni, et estival (par exemple un coton-lin)
Comme je ne voulais pas tout faire en mesure, j’avais d’abord envisagé les chemises prêt-à-porter de chez Howard’s, mais elles étaient un poil coûteuses, avec un choix un peu limité en termes de tissu, par rapport à ce que Clotilde Ranno pouvait nous proposer (d’autant plus qu’elle est historiquement spécialisée sur la chemise).
Alors que les chemises d’Howard’s étaient à 169€, il était possible d’en avoir en demi-mesure avec col une pièce chez Clotilde pour 195€: c’était donc le choix le plus vraisemblable.
Yann s’est finalement fait plaisir sur le tissu avec un des plus qualitatifs disponibles: un coton-lin de la très luxueuse gamme Amber de chez Thomas Mason. Avec ce tissu, la chemise est montée à 295€.
Voici le résultat:
Pour mieux mettre en valeur ce roulé, il est préférable de laisser le premier bouton ouvert:
Le pantalon
Comme évoqué plus haut, je ne voulais pas faire la tenue entière en mesure dans le cadre de ce personal shopping, tout simplement car c’est un peu trop facile et ma valeur ajoutée est aussi de savoir quelle coupe peut vous convenir chez quelle marque en prêt-à-porter. C’était aussi nécessaire afin de ne pas exploser le budget.
Si l’on reprend la photo d’inspiration fournie par Yann, il est évident que l’idée est d’obtenir une vraie tenue sartoriale qui obéit aux canons traditionnels: en particulier avec un pantalon taille haute, qui arrive pile au bouton de fermeture de la veste, une coupe droite et de préférence un joli ceinturage. Cela exclut donc déjà deux marques de pantalon habillés en prêt-à-porter: Suitsupply et Pini Parma, qui sont toutes pas assez taille haute et avec des coupes trop près du corps.
Les deux marques restantes sont donc les Pantalons Scavini et Aspen Clothing: Pantalon Scavini taille un peu serré à la cuisse et la taille de Yann n’est pas disponible, c’est donc Aspen Clothing et son pantalon prêt-à-porter en lin lourd que nous avons retenu avec une patte de boutonnage décalée large.
La coupe de ce pantalon est vraiment TRES droite avec une ouverture à la cheville de 24 cm: si Yann était prêt à essayer une coupe plus ample que d’habitude, c’était un peu violent pour une première fois et ça ne mettait pas assez en valeur les chaussures (des penny loafers dont on reparle plus bas).
Heureusement, les tailleurs de Maison Pen ont pu ramener cette ouverture à environ 20 cm en reprenant l’ensemble du pantalon et en arrivant tout de même à un résultat cohérent qui ne dénature pas trop la coupe (quelques plis deviennent juste un peu plus visible au niveau des genoux).
Cette retouche assez avancée étant facturée 50€, on arrive à un résultat inférieur à 200€.
Les chaussures
Yann avait une idée assez précise en tête: des penny loafers marron claires suédés mais qui restent doublés par souci de polyvalence. A Paris, on trouvait surtout ce modèle en version estivale non doublée.
Yann a finalement opté de son côté pour les fameux Weston 180, en veau velours beach nut à 720€: cette marque n’était pas mon premier choix mais elle a une valeur sentimentale particulière pour Yann.
III Le résultat
Sans être parfait, on arrive à un résultat assez proche de l’inspiration de Yann, avec un budget plutôt maîtrisé.
Pour les axes d’améliorations, j’aurais voulu:
– un tissu plus lourd
– une veste un peu plus longue, mais le résultat est tout de même très convaincant pour une première pièce de ce nouvel atelier.
Conclusion
L’idée était de respecter au maximum l’inspiration qui avait marquée Yann, tout en proposant une tenue équilibrée, qui mélange demi-mesure et prêt-à-porter, et qui reste dans un budget contenu.
Encore une fois, il ne s’agit pas de coaching ou de relooking homme: Yann avait une inspiration pertinente bien arrêtée et un intérêt prononcé pour la mode masculine depuis plusieurs années.
Il s’agit plutôt d’un personal shopping destiné à lui faire gagner du temps en concrétisant ce projet le plus efficacement possible, à une période de l’année où les contraintes de temps et de disponibilité sont les plus nombreuses quand on veut une belle veste avec un budget réduit.