Vous savez quel est mon mot préféré ?
Il s’agit du mot hustle, et il serait assez compliqué à traduire en français car il représente à la fois la débrouillardise mais aussi l’esprit d’entreprise, la force de travail et la volonté de bousculer l’ordre établi. (Gary Vaynerchuk, un entrepreneur que j’apprécie beaucoup a d’ailleurs fait une belle vidéo pour le définir)
Il représente assez l’état d’esprit d’Arthur de Soultrait, le fondateur de Vicomte Arthur et c’est une des grosses raisons pour lesquelles j’ai écrit ce test. BonneGueule en avait déjà parlé l’année dernière, et la marque a encore depuis évolué en bien avec le nouveau directeur artistique Taïga Nomura.
On va du coup en profiter pour évoquer Gastinne Renette, une licence liée au monde de la chasse et du tir acquise par Vicomte Arthur en 2011, et qui apporte un vrai caractère à la collection.
Sommaire
I VICOMTE ARTHUR: UNE MARQUE ATYPIQUE A L’IMAGE DE SON CREATEUR
1 Le parcours d’Arthur de Soultrait
Arthur passe sa première année à l’IPAG avec un ami qui s’occupe de la fille d’un milliardaire US: il goûte rapidement à un train de vie extravagant sans vraie limite.
A l’époque seulement étudiant, ça lui donne forcément rapidement envie de gagner sa vie et d’acquérir plus d’indépendance.
C’est par des amis espagnols qu’il rencontre la marque de cravate Chris and Chris qu’il commence à proposer à des boutiques à Paris, avec un succès relatif. Il commence ensuite rapidement son stage à Charlotte, où il ne sera payé qu’au début et devra se débrouiller ensuite par lui-même pour gagner sa vie.
Charlotte n’était pas une ville ultra évocatrice pour moi, mais il s’agit en fait de là où sont situées les banlieues résidentielles où habitent les cadres de grands groupes financiers.
Bref, des quartiers chics à la Desperate Housewive où un jeune français qui frappe au porte puis fait le baise-main se fait rapidement remarquer par les ménagères: c’est là que le premier bouche à oreille commence et c’est le début de la vraie indépendance pour Arthur qui peut ouvrir son compte et s’acheter une première voiture.
L’histoire en serait peut être restée là si ses contacts chez Chris and Chris avaient été fiables. Mais cette marque marchait bien de son côté, et ils étaient peu réactifs pour expédier seulement quelques centaines de cravates à Arthur, qui n’était à l’époque qu’un des nombreux vendeurs indépendants.
2 La création de Vicomte Arthur
Arthur doit donc se décider en 2003 à se détacher de Chris and Chris et créer sa propre marque pour sécuriser son approvisionnement: c’est comme ça que la société Ségur naît en Avril 2005 et commercialise ses cravates à Paris.
Pourquoi 2005 ? Car c’est à ce moment là qu’il décroche un contrat pour produire les cravates des Jeux Olympiques 2012: Arthur décroche en 2005 le contrat pour produire les cravates des JO 2012.
Derrière cette anecdote, une histoire qui mélange un bon coup de chance, mais aussi de l’énergie et de la réactivité: la mairie trouve dans les pages jaunes un revendeur des cravates de Vicomte Arthur. Ce revendeur prévient Arthur qui les contacte aussitôt et décroche dans la journée un premier rendez-vous.
La mairie est pressée: il décroche le contrat facilement à cause du manque de réactivité des autres marques, plus grosses et donc forcément plus rigides.
3 Les polos de Vicomte Arthur et évolution de la collection
Une fois la marque crée, l’objectif est clair: faire connaître le logo. Les polos étaient le symbole parfait: leur col bicolore souvent décrié fait en fait référence au casque du Jockey.
La distribution des polos est ultra-représentative de l’esprit d’entreprise d’Arthur et de sa débrouillardise: elle se fait surtout dans les écoles
Elle passe d’abord par le réseau familial puis par les amis. C’est ensuite un véritable réseau de distribution informel qui s’installe dans les lycées parisiens comme Janson de Sailly. Des milliers de polos sont vendus dans la capitale avant que la marque ne décide de s’attaquer à Lille, Bordeaux puis Lyon.
Les points de vente s’additionnent rapidement grâce à une stratégie simple: tous les proches et les affiliés de la marque appelaient régulièrement les boutiques pour réclamer des polos Vicomte Arthur. Elles n’étaient au bout d’un moment plus vraiment difficile à convaincre.
L’émission sur M6 donne à Vicomte Arthur une notoriété immédiate. Si celle-ci était à la base destinée à casser la marque en donnant à ses fondateurs une image d’entrepreneurs des beaux quartiers, elle a pu assurer une croissance très rapide gérée par une équipe jeune et peu nombreuse: bien s’entourer a d’ailleurs été selon Arthur fondamental dans son succès.
C’est aussi la distribution et la communication sur Palm Beach qui ont donné une image un peu bling bling
Elle s’appuyait surtout au début sur les polos: ceux-ci sont réalisés en coton pima. (qui était utilisé pour éviter les taxes à l’import sur le continent américain) par une usine à Lima.
La marque se construit à présent dans la durée avec plus de variété dans les modèles: l’enjeu est de continuer à travailler la gamme sans perdre les anciens clients.
Les usines sont à présent au Portugal et en Italie et travaillent avec un sourcing de qualité (Albini, etc). Les références sont de moins en moins nombreuses pour se concentrer davantage sur le produit.
Le côté créatif n’est pas laissé de côté et a été confié à Taïga Nomura, un ancien de chez Hermès. La collection actuelle est d’ailleurs sa toute première pour Vicomte Arthur.
4 La branche Gastine Renette
En parlant de Vicomte Arthur à mon entourage, on m’évoque souvent un marketing exclusif et une image de marque élitiste.
J’ai du coup voulu aborder ce sujet délicat notamment autour de Gastinne Rennette, marque qui se situe autour de l’univers de la chasse et du tir.
Gastine Rennette est une marque de 203 ans, dont Arthur a pu obtenir la licence depuis quelques années: Gastinne Renette était à la base spécialisée dans les pistolets de duel qu’on venait lui acheter pour régler des affaires d’honneur. (même dans les livres, Georges Duroy, le personnage principal de Maupassant, se fournit chez Gastinne Renette).
Le duel était d’ailleurs assez réglementé: après l’achat ou la location de l’arme chez Gastine Rennette, on devait apprendre à bien se tenir et à éviter de tuer son adversaire (c’est généralement plus poli) et ensuite on allait manger un morceau avec son adversaire (qu’on avait donc pas tué). Présenté comme ça, ça semble même plutôt sympathique.
Gastinne Renette fournit aussi des fusils de chasse (et a par exemple breveté le fusil à deux coups): ça devient ensuite l’activité principale de la maison. On note une petite parenthèse lors de la Seconde Guerre Mondiale où elle fournit la résistance en vélo jusqu’à en faire son activité principale. Elle se recentre plus tard sur la chasse mais périclitera jusqu’en 2002 où elle ferme ses portes.
Vicomte Arthur fait l’acquisition de la licence en 2011: cette branche de la collection est avant tout un choix personnel qu’explique Arthur par sa passion pour le tir (le balltrap).
Le côté élitiste est revendiqué, mais surtout à travers l’élégance des pièces: Gastinne Renette renvoie pour Arthur directement aux racines de la marque et à la vie à la campagne telle qu’il l’a connue dans la Nièvre. Il souhaite partager la vie saine et les plaisirs simples qu’il a pu avoir à la campagne et qui se perdent trop souvent en ville.
J’aime beaucoup la manière dont l’héritage de Gastinne Renette apporte du caractère à la collection et donne une vraie identité au prêt-à-porter de Vicomte Arthur.
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II TEST DE LA VESTE A CHEVRONS VICOMTE ARTHUR GASTINNE RENETTE: UNE POLYVALENCE BIENVENUE
J’ai reçue cette veste aux environs de début Novembre, et la première chose qui m’a surprit a été sa doublure en polyester. Ca pourrait susciter la méfiance au premier abord, mais il s’agit en fait ici d’un tissu technique isolant, ce qui confirme le côté utilitaire et chasse très marqué de ce modèle.
Effectivement, je l’ai pas mal porté en Bretagne à un modeste 10 degrés avec simplement un pull et une chemise en dessous: avec la parmenture, ça passe vraiment tout seul.
Il s’agit malheureusement d’un best-seller assez compliqué à trouver en soldes: je vous ai fait une liste des distributeurs où elle est toujours disponible.
Finitions
La veste est réalisée en Roumanie: rien de particulier à dire sur les finitions à l’intérieur. Pas de coutures en demi-lune ou autres détails sartoriaux mais les finitions sont simples et bien réalisées.
Les coudières sont faits dans la même matière que la parmenture, c’est à dire aussi en polyester. C’est dommage car le polyester n’a pas de côté vraiment pratique ici et casse un peu le côté authentique de la veste, une coudière en velours côtelée aurait par exemple été plus logique (mais c’est probablement une question pure et simple de budget ici).
Le motif floral est géré par Violaine et Jérémy, qui se sont occupés de la collection Hiver 15-16 et qui ont déjà travaillé sur le même type de motifs chez des marques comme AMI.
Le col
Même si je râle sur le sizing, le tombé est autrement irréprochable avec 0 collar gap une fois la veste fermée.
Le col avec la parmenture invite à une tenue plus casual et moins précieuse: cette chemise texturée au rendu proche du chambray fait bien l’affaire. J’avais aussi de la marge pour mettre une maille un peu plus épaisse (par exemple mon bon pull de pêcheur de chez Characters).
Intérieur
On a une belle poche smartphone à l’intérieur, qui est je trouve un peu trop étroite pour accueillir tous les formats de téléphone (moyen par exemple pour les phablettes type Galaxy Note)
Je suis très satisfait de cette photo de détail et du contraste de matières (la cravate a l’air un peu longue, mais c’est surtout le pantalon Gastby qui est très taille haute). On aperçoit aussi à gauche une poche zippée passepoilée à peu près au format ticket.
Le fit
C’est un peu la seule ombre au tableau: il m’aurait fallut une taille 44 mais Vicomte Arthur commence au 46.
On peut le voir de deux manière différentes:
–pour une veste sport portée sans parmenture, et qu’on porterait par dessous un manteau: ça donne un fit très classique, voire limite vieillot, même s’il n’y a pas de faute de goût.
Il s’agit des premières photos de la tenue un peu formelle avec la cravate et le pantalon en flanelle.
–avec la parmenture, on peut déjà davantage la porter comme une veste d’extérieur, et donc une pièce d’outerwear, sur lesquelles les proportions sont un peu plus cohérentes (mais ça n’aurait pas gâché grand chose qu’elle soit un peu plus courte).
Voici le fit lookbook,, avec une veste portée courte:
Voici sinon le fit de la veste portée par Marcy de Soultrait, le frère d’Arthur. Avec une veste portée légèrement plus basse.
Voici le fit sur moi avec une veste un peu plus longue.
Epaules et matière
La veste n’est pas si structurée que ça et l’épaule est pourtant très nette.
Le mélange 80% laine et 20% polyamide est satisfaisant et convient bien à une veste prévue aussi pour se porter à l’extérieur.
Conseils de style
On aurait évidemment pu porter la parmenture dans la tenue de gauche, mais elle permet un ensemble plus cohérent à droite avec une maille légère et une chemise chambray (de chez Menlook Studio)
La couleur et les chevrons de cette veste permettent de donner un peu de caractère à la tenue: c’est ici bien complété par une chemise Prince de Galles de chez Oxence et une cravate en tricot (le noeud est par contre légèrement trop épais). On reste sur des couleurs et des motifs relativement sobres, ce qui laisse de la marge de manoeuvre pour laisser la pochette apparente.
Seul regret: les boutons en plastique gâchent un peu le tout à mon goût.
Avec la parmenture
Elle se dézippe sur les côtés et au niveau de la nuque: ça se fait en 30 secondes même avec la veste sur soit. On sent vraiment la différence au niveau de la chaleur avec et sans parmenture et elle remplit bien son rôle d’isolation une fois fermée.
(désolé pour l’absence de photos plein pied)
En la fermant bien et avec une écharpe en dessous (je portais l’écharpe en soie d’Automne JamaisVulgaire basique) on peut largement être au chaud aux alentours des 10 degrés.
C’est du coup le genre de veste qu’on peut porter de manière casual, même avec un sac à dos. (ici la largeur des bretelles du sac Léo et Violette permettent de ne pas trop marquer l’épaule).
CONCLUSION
La veste est polyvalente et peut s’intégrer dans une tenue habillée tout comme dans une tenue plus décontractée et utilitaire (forcément, vu qu’elle est faite pour la chasse) et elle remplit vraiment bien son rôle du point de vue technique.
La doublure technique et la parmenture, toutes deux en polyester, isolent bien (évidemment ça ne conviendra pas s’il fait trop chaud) et permettent même de sortir à 10 degrés avec une maille légère et une chemise en dessous (avec une bonne écharpe).
Seul regret: une taille en dessous aurait été parfaite pour moi (du haut de mon 1m73). Certaines finitions auraient pu être plus soignées comme les boutons en plastique et les coudières en polyester.
Note formelle : 6/10 (bien pour un casual friday avec par exemple un pantalon en flanelle soit gris très clair soit bleu marine)
Note casual : 6/10 (la parmenture donne un côté BCBG qu’il faut un peu assumer)
Rapport qualité/prix : 8/10 ( le prix retail est un peu élevé mais la polyvalence et la durabilité de la veste font qu’à mon goût ça s’amortit vite)
Prise de risque : 4/10 (pour le côté BCBG avec la parmenture, et sinon il faut savoir bien porter une veste en tweed, on en avait parlé dans ce test)
Univers : Casual chic / Formel / Héritage
Désolé par contre, on a été très juste sur la parution du test et il ne reste plus que quelques exemplaires (à un prix du coup assez dingue). Prions pour que ce modèle soit renouvelé l’hiver prochain.
Le blazer est disponible en noisette ici (malheureusement il ne reste que du 58) et en gris ici ou aussi sur Menlook mais plus cher (en 48).