fbpx

Test et Avis Guibert Paris: la digitalisation d’un vrai sellier-maroquinier de luxe

Si je vous parle d’un sellier-maroquinier, situé avenue Victor Hugo (donc pas très loin des Champs Elysées), vous penserez certainement à une enseigne poussiéreuse, élitiste, qui joue sur l’image avec des prix gonflés et qui n’aurait donc pas grand chose à faire sur JamaisVulgaire.

Et pourtant, c’est ce dont je vais vous parler, et c’est l’exact opposé que j’ai pu découvrir.

On vous parle beaucoup sur JamaisVulgaire de très jeunes marques 100% en ligne, qui distribuent sans intermédiaires et vous font découvrir régulièrement de nouveaux savoirs-faire.

Il serait pour autant faux de croire que ces marques là font pour autant tout ce que faisaient les anciennes maisons, en mieux, et que celles-ci vont péricliter.

La situation est loin d’être si manichéenne, comme le prouvent des maisons plus anciennes et prestigieuses, qui sont lucides sur le marché, et prennent rapidement le virage du digital. Tout en proposant des produits ultra-compétitifs.

Et c’est le cas notamment de Guibert Paris, une maison de sellerie et maroquinerie fondée en 1999 par Pierre Guibert, cavalier passionné.

Et on a tellement aimé les produits qu’on vous a même concocté une vidéo Youtube:

 

I Guibert Paris: un artisanat de pointe digitalisé avec lucidité

1 Concilier univers et technique

Tout commence en 1999 lorsque Guibert ouvre ses portes au 22 avenue Victor Hugo, près de l’Arc de Triomphe.
La boutique ne répond d’abord qu’aux besoins propres à l’équitation et ne propose que des articles de sellerie et de briderie.

Afin de développer efficacement une gamme complète, il travaille avec le créateur Robert Goosens (Dior, Chanel, YSL) qui lui permet de proposer une ligne créative de bijoux. Pourquoi des bijoux ? On vous en reparle un peu plus bas.

Pour le savoir-faire, il fait appel au sellier Frédéric Butet.

Enfin, pour l’efficacité technique de ses produits, il collabore avec Olivier Lepage (l’ancien vétérinaire des équipes de France d’équitation) qui lui permet de mettre au point une briderie anatomique la plus confortable possible pour le cheval.

Vu les points de contact avec le cheval, on comprends que la sellerie doit être intraitable sur la qualité d’une briderie, en particulier sur le traitement du cuir.

La recette fait ses preuves puisque la marque a aujourd’hui deux ambassadeurs prestigieux en saut d’obstacle: Alexandra Ledermann (médaille de bronze aux JO d’Atlanta de 1996) et Patrice Delaveau, double vice-champion du monde.

L’idée est cependant de se diversifier rapidement et de ne pas resté enfermé dans la sellerie, afin de ne pas rester une marque technique connue des seuls pratiquants d’équitation.

2 Pourquoi la sellerie est l’ancêtre de la maroquinerie

Guibert pouvait ainsi profiter de tout le savoir-faire sellier pour s’ouvrir à un public pas forcément cavalier, mais qui apprécie l’univers de l’équitation et surtout toute l’exigence et le perfectionnisme qui va avec, et qui saura reconnaître la qualité haut-de-gamme des produits.

Certaines enseignes utilisent l’univers de la sellerie comme positionnement marketing pour vendre des produits hors de prix, mais leurs produits n’ont malheureusement plus grand chose à voir avec les exigences du domaine.

Le rôle de l’équipement d’équitation de manière générale est de favoriser la communication entre la monture et son cavalier, et de préserver toutes ses sensibilités et ses nuances grâce à la transmission émotionnelle que permet un bon cuir entre le cheval et le cavalier. Et de manière plus terre à terre, il doit aussi assurer le confort du cheval, et la sécurité du cavalier.

C’est en travaillant sur son sourcing qu’il constate une perte notable de savoir-faire en sellerie, avec une foule de petits ateliers ayant chacun de grosses difficultés financières. Son objectif devient alors similaire à celui de nombreuses DNVB actuelles (mais 20 ans plus tôt): remettre en état de marche ces ateliers, en les équipant notamment de machines plus modernes. C’est ce qui lui permettra de s’approvisionner correctement en selles, brides et licols.

a Les exigences techniques

Guibert Paris est extrêmement exigeant sur le cuir, et sur le traitement qu’il subit du fait de l’équitation: pour les mouvements et l’adhérence du cavalier, mais aussi pour le confort du cheval, un cuir naturel est indispensable chez un sellier digne de ce nom.

Deux axes sont mis en avant: la qualité de la matière et de la fabrication. Tout est ici fonctionnel et il n’y a pas de place pour du superflu.

Sur les finitions, le point sellier est un excellent exemple de ce savoir-faire: il est réalisé avec deux aiguilles à la main, ce qui consolide chaque couture grâce à un point en vis-à-vis.

Autre exemple: les boucles et autres pièces métalliques en laiton nickelé, conçues pour résister aux forces impressionnantes d’une course ou d’un saut d’obstacle. On revient là-dessus pour en détails dans le test du sac.

b Matière spécifiques

Les matières en équitation sont très spécifiques, et on y perd un peu ses repères quand on est plus habitué par exemple à la chaussure.
Pas question ici de cuirs de tanneries comme Du Puy ou Annonay dont la spécialité est le box calf: des cuirs plus nerveux dont la spécificité est de reprendre leur forme rapidement.

Vous avez devant vous l’ensemble des cuirs disponibles chez Guibert Paris qu’il présente dans sa cuirothèque, je vous invite vivement à y jeter un coup d’oeil car tout y est très bien présenté. Il s’agit d’un excellent contenu pour approfondir votre culture générale sur le cuir.

Guibert Paris va travailler uniquement des cuirs de sellerie de luxe, utilisés aussi en maroquinerie, provenant de tanneries françaises.

On retrouve là le gotha: les tanneries Haas et Degermann, spécialistes mondiales du veau naturel (toutes deux aujourd’hui rachetées par Chanel), la légendaire tannerie Gal, seule au monde à maitriser le tannage végétal extra-lent, enfin la référence du taurillon, la tannerie Carriat, dont nous reparlerons plus loin.

Ces matières sont les seules à pouvoir combiner deux qualités antagonistes, solidité & souplesse, indispensables en équitation et recherchées en maroquinerie de luxe.

c Le passage au digital: légitimité et rapport qualité/prix

Les lignes ci-dessous sont très orientées business, vous pouvez passer à la partie suivante si ça ne vous intéresse pas. Je vous recommande tout de même de les lire car elles vous aideront à mieux appréhender la qualité de l’offre de la marque.

Avant ce passage en distribution directe, le sac Fontes était à 1120 euros et le porte-feuilles à 260 euros. Et c’était déjà très compétitif par rapport à ce qui se fait chez les autres marques de sellier-maroquiniers.

Pierre Guibert remarque cependant un changement progressif de l’attitude des consommateurs: ceux-ci accordaient auparavant de l’importance à l’univers d’une boutique et un bon merchandising pouvait permettre de vendre plus.
Aujourd’hui, on achète beaucoup plus en direct et en ligne ce dont on a directement besoin. C’est notamment ce changement de comportement qui explique la faillite de nombreux multi-marques (dont certains étaient des distributeurs de Guibert).

De ce fait, la marge des distributeurs n’a plus vraiment de sens et il devient nécessaire de maîtriser toute la chaîne, de la création à la distribution.

Il prend ainsi la décision en septembre 2019 de ne vendre en boutique et sur le site plus que des produits Guibert, dont il maîtrise l’intégralité du processus.

Cette analyse montre que Pierre Guibert est à la fois conscient de ce qui est en train de se passer dans le circuit de distribution classique, mais qu’il s’est aussi digitalisé en tenant compte de l’offre du même genre qui existait déjà: les fameuses DNVB, de manière à rester compétitif par rapport à elles.

Le grand avantage de Guibert Paris, c’est que le rapport qualité/prix AVANT le passage au digital était déjà avéré: à matières et finitions égales, le sac Fontes et le portefeuilles étaient déjà vendus au bas mot 50% moins cher que chez les autres marques de luxe (je vous invite à jeter un coup d’oeil à ce qui se fait en taurillon, les prix sont hallucinants).

Et on aurait en effet aucun mal à imaginer un sac de cette dimension, avec une matière aussi luxueuse et ce niveau de finitions, d’un sellier maroquinier pas très loin des Champs Elysées facilement à 2000 euros. C’est en tout cas ce à quoi la plupart des marques avec ce niveau de savoir-faire, et pignon sur rue, nous ont habitué.

Bref, on est loin de la DNVB toute nouvellement crée qui annonce un produit 50% moins cher que dans le « commerce traditionnel » (évidemment, celles dont on vous parle sur le blog sont toutes fiables de ce côté là).

Le parcours client classique depuis Septembre est d’ailleurs assez révélateur: les 25-40 ans découvrent la marque via l’e-commerce. Ils viennent ensuite en boutique se rassurer et acheter (car forcément, il est assez difficile de faire ressentir ce genre de qualité extrêmement pointue dans une expérience en ligne ).

Le digital répond également bien aux problématiques des marchés étrangers: alors que Guibert Paris s’appuyait auparavant sur de prestigieux multi-marques notamment américains et japonais, la marque parvient à rester proche de ces audiences à travers son site.

L’ADN sellier et le perfectionnisme derrière chaque produit séduit en particulier de nombreux clients japonais.

Bref, j’insiste beaucoup sur cet aspect business car, pour avoir rencontré énormément d’entrepreneurs, il est TRES rare d’avoir quelqu’un avec autant de légitimité et de savoir-faire sur un secteur aussi pointu (et il faut le dire aussi, un peu perçu par le grand public comme vieillot et élitiste) qui ait en même temps un regard aussi lucide et informé sur le digital.

II Test et finitions Sac Fontes

Nous avons tout d’abord choisi de tester le sac Fontes, un sac inspiré des sacs de sport des années 70-80 au format intermédiaire entre le 24H et le 48H.

La matière: le cuir taurillon

Sur ces deux produits, le cuir utilisé est un taurillon Pessoa, de la prestigieuse tannerie basque Rémy Carriat, d’Espelette (comme le piment, difficile de faire plus basque que ça), crée en 1927 et devenue rapidement référence mondiale du taurillon.

Elle travaille avec plusieurs maisons de luxe, dont les créations se chiffrent à plusieurs milliers d’euros.

Un argument fréquemment utilisé vous me direz, à la différence que les cuirs utilisés par Guibert s’achètent entre 60 et 140 euros le mètre, alors que ceux utilisés chez les marques de luxe sont entre 50 et 60 euros.

Le taurillon Pessoa est fouloné (une finition qui assouplit la peau et lui donne un aspect plus texturé), satiné mat et avec un grain très fin. Il est extrêmement souple et riche au touché.

Les teintes disponibles chez Guibert Paris sont très particulières, et ce n’est pas un hasard si vous ne les aviez jamais vues avant: elles sont d’une part exclusive à la marque (grâce à ses relations très privilégiées avec la tannerie), et elles demandent d’autre part une maîtrise avancée de la teinture pour atteindre une telle richesse et une telle profondeur.

Le travail de la couleur est ici assez impressionnant: il s’agit d’un bleu saphir avec où l’on a inséré beaucoup de violet (qui évidemment ne se voit pas de prime abord).

Vieillissement et entretien

Le tannage semi-aniline de chez Carriat lui permet de bien résister aux tracas ordinaires: pour rappel, un bon tannage permet au cuir d’avoir une couche protectrice, qui se ressent en particulier quand le cuir a un touché gras.

Les instructions de la marque par rapport à l’entretien et au vieillissement du cuir sont assez limpides

Le travail du cuir pour le sac Fontes

L’exigence en terme de matière pour ce genre de sac est très particulière: il doit être fin pour rester léger, mais ferme pour garder sa forme (et ne pas s’écraser mollement) et son maintien.

Sur une peau, toute la peau ne s’utilise pas, surtout quand on choisit les cuirs avec le degré d’exigence propre à l’équitation: Guibert Paris n’utilise que le demi-dosset. Il s’agit de la partie de la peau la plus dense, issue de la zone du corps la plus musclée: le dos.

On se rend bien compte au vu de ce schéma que ça ne fait pas une grande partie de la peau

Beaucoup d’autres marques utiliseront aussi les autres parties de la peau (par exemple le flanc et les pattes, des parties où le cuir est bien plus fin) mais en cacheront les défauts, ce qui réserve de bien mauvaises surprises après quelques mois d’usage, souvent sur des sacs payés des centaines d’euros.

Même sur une très belle peau, la peau est très fine au niveau des extrémités et la durabilité n’y est pas bien meilleure que celle d’une vulgaire croûte de cuir.

Ainsi Guibert Paris ne conserve que 40% des peaux..

Finitions

La fermeture zippée en maille polie

Ce qu’on recherche chez un zip à l’achat, c’est sa résistance. Puis à l’usage, on se rend compte ou non s’il est confortable ou pas. On peut même parfois s’irriter voire se blesser légèrement par inadvertance et on devient ensuite plus vigilant en sortant et en rentrant ses affaires (ce qui est un peu dommage pour un sac censé être utilisé au quotidien).

Ce n’est pas du tout le cas ici car il s’agit d’une maille polie extrêmement confortable (je n’aurais jamais pensé utiliser cet adjectif pour parler d’une fermeture zippée) d’un fabricant italien confidentiel, qui coûte pour vous donner un ordre d’idée trois fois plus cher que les fermetures YKK haut de gamme

La boucle étrivière

La boucle étrivière est utilisée en sellerie pour faire le lien entre l’étrier et la selle: il s’agit donc d’une boucle extrêmement technique faite pour tenir dans des conditions exigeantes.

C’est par exemple une boucle qui ne doit pas lâcher lors d’une réception en saut d’obstacle, avec toute l’inertie et la puissance que suppose un saut de 1 mètre 50 appliqué au poids moyen d’un cavalier.

L’intérieur velours

On ne peut pas tricher sur la qualité du cuir lorsqu’on propose un intérieur non doublé: elle est flagrante ici et l’intérieur suédé est doux et velouté. Le sac possède par ailleurs un autre compartiment zippé utile pour les objets du quotidien (porte-feuille, téléphone etc)

Le fond renforcé

Tout est un travail d’équilibre dans ce sac, et le fond ne fait pas exception: il s’agit de trouver un fond ni trop rigide ni trop souple.

Imaginez le sac vide: avec un fond trop rigide les parois vont s’avachir dessus et il va s’écraser. Et avec un fond trop souple il n’aura aucune structure et ne tiendra pas du tout.
L’inconvénient de ce genre de sac est que, vide, il n’est esthétiquement pas très beau si on le pose sur une table et qu’on le regarde s’écraser et devenir un tas informe.

L’exercice est donc délicat: on a donc ici un fond renforcé par une plaque en cuir, avec 4 clous de fond en métal.

Fil, points d’arrêt et coutures

Il s’agit ici d’un fil technique de chez Amann, la Roll’s des fils qui équipe les marques de luxe. Encore une fois, il est extrêmement résistant du fait des exigences de maroquinier-sellier de Guibert: ils réalisés grâce à un tressage dense de 26 fils.
Point bonus: ils prennent bien la lumière, ce qui met d’autant plus en valeur le point sellier.

On trouve des points d’arrêt faits main pour consolider les poignées.

Conseils de style

Ce qui est intéressant avec le taurillon, c’est que c’est un cuir extrêmement polyvalent: assez texturé pour accompagner une tenue décontractée sans faire trop lisse, et pour autant avec un grain assez fin pour ne pas trop sortir des rangs au boulot.

La couleur bleu saphir est exactement dans la même logique: il s’agit au premier abord d’un bleu pétrole qui peut passer parfaitement en week-end, mais ses nuances de violet lui donnent une élégance qui lui accorde toute sa place dans un milieu plus formel.

Le sac Fontes est disponible ici à 495 euros

III Test et finitions du porte-feuilles fin

L’idée derrière ce porte-feuille est de proposer un objet élégant qu’on puisse facilement porter dans une veste ou un pantalon de costume sans déformer les poches.

Comme on vous l’a déjà dit dans de multiples articles de conseils, on ne peut donc pas tout prendre avec soit: ce porte-feuille permet tout de même de transporter six cartes, ainsi que la carte nationale d’identité et le permis de conduire.

On ne reviendra pas sur la matière ou les fils qui sont les mêmes que sur le sac Fontes.

Teinture en tranche

Ultime finition, faite à la main, elle signe la beauté de toute pièce en cuir. Elle peut représenter dans le luxe jusqu’à 30% du temps de fabrication et exige une réelle dextérité. Les bords sont d’abord abat carrés (arrondis, sans arête vive, comme en équitation), poncés manuellement pour pouvoir accueillir une première couche de vernis qui permettra de fixer la teinture de tranche.

Une fois, le vernis sec, on applique une première couche de teinture de tranche, que l’on va ensuite très légèrement poncée à la main. Cette opération va être renouvelée quatre fois, afin d’avoir une tranche lisse, parfaitement couvrante. A l’issue du quatrième passage, la teinture de tranche va être légèrement chauffée pour être satinée et cirée.

Doublure intérieure synthétique

Comme je vous l’ai dit plus haut, Pierre Guibert ne jure que par les matières naturelles: il a néanmoins fait une concession sur la doublure afin de proposer le porte-feuille le plus fin possible. Elle est en synthétique, ce qui fait beaucoup gagner en finesse et en facilité d’utilisation par rapport à un cuir non doublé.

Le porte-feuille slim est disponible ici à 130 euros.

Conclusion

Vous l’aviez sûrement déjà compris, mais j’ai eu un vrai coup de coeur pour Guibert Paris qui offre toute la qualité d’une enseigne d’équitation avec un savoir-faire pointu et 20 ans d’expérience mais sans pour autant jouer sur l’image et en adoptant une stratégie de DNVB lucide et pertinente (avec infiniment plus de légitimité qu’une nouvelle jeune marque de diplômé d’école de commerce).

Je ne saurais trop vous recommander d’aller faire un tour sur le site, et si vous avez la chance d’habiter ou de passer à Paris d’aller voir directement les produits en boutique.

Valery

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires