Ce qu’il faut savoir avant de choisir une veste en demi-mesure : Test de la marque Blandin&Delloye
Savoir ce qu’on veut…
Ce n’est jamais facile et c’est une des premières difficultés à laquelle on peut se retrouver confrontés lorsqu’on rentre dans le domaine du sur mesure: on est souvent dépassés par le champ des possibles, autant en terme de tissus, de proportions et de finitions.
Du coup, on arrive souvent pas assez préparés et surtout sans une idée précise de ce qu’on veut vraiment, et de tout ce qui va avec: dans quel contexte on va le porter, avec quels type de vêtement, sous quelle température etc.
Je vous présente du coup tout le raisonnement que j’ai pu effectuer pour choisir ma première veste en demi-mesure, en décortiquant tous les choix que j’ai pu effectuer aussi bien sur le tissu, que sur les finitions et les proportions.
I PRESENTATION DE LA MARQUE BLANDIN&DELLOYE
1 L’histoire
J’avais déjà testé cette marque en Septembre 2015 chez nos confrères de BonneGueule (peut être aviez-vous déjà lu l’article d’ailleurs). Si vous découvrez l’enseigne: elle a été fondée par Cédric et Charles en 2011, qui avaient commencé à faire des costumes pour leurs amis au fur et à mesure d’aller-retours en Chine.
Ils ont décidé d’en faire leur métier en suivant une vraie formation à la mesure.
La première boutique, rue de Palestro, ouvre en 2014 et les vêtements sont alors confectionnés en Roumanie, dans une usine que je ne mentionnerai pas mais que certains d’entre vous connaissent déjà bien vu le nombre de marques pour laquelle elle produit. (mais c’est plutôt un bon point ici, le rapport qualité/prix est imbattable et elle permet d’accéder à de nombreux tissus, en particulier chez Vitale Barberis).
L’enseigne s’est depuis bien développée et a ouvert une seconde boutique au 12 rue de Tocqueville (j’ai d’ailleurs rencontré plusieurs d’entre vous au moment de son inauguration).
J’avais déjà fait chez eux un costume croisé formel dont j’étais très content: j’ai accepté avec joie la proposition de tester une pièce plus casual, afin de voir plus en détails ce que pouvait me proposer l’enseigne.
2 L’enjeu de ce test: une pièce casual pour sortir du costume business et du costume de mariage
Un des gros soucis que je constate avec la demi-mesure et le sur mesure en général, c’est qu’il n’est utilisé par la plupart des hommes que pour les costumes de mariage, et parfois pour les costumes business (auquel cas on reste dans d’éternels costumes deux boutons bleu ou gris).
Peu d’hommes ont pour le moment prit l’habitude de le faire aussi pour les pantalons et les vestes alors que cette option permet justement une coupe parfaite, une vraie qualité de confection et un plus large choix de tissu. C’était encore inenvisageable il y a quelques années mais des enseignes comme permettent justement à budget équivalent d’avoir une pièce en demi-mesure d’une qualité au moins similaire à ce qu’on peut trouver en prêt à porter.
Il reste ensuite à bien cibler ses besoins pour faire fabriquer des pièces qui s’intégreront bien dans notre garde-robe, qui permettront de nouvelles tenues et qu’on pourra porter plusieurs années.
Dans mon cas, je n’avais pas encore de veste d’été. Et je ne voulais pas me contenter que d’une simple veste d’été portable seulement quand il fait chaud, mais d’une veste plus polyvalente dont le port peut se prolonger à la mi-saison, de la mi-mars à fin Octobre.
On a pour ça commencé à se pencher sur le tissu.
II BIEN CHOISIR UNE VESTE EN DEMI-MESURE
1 Choix du tissu: à propos de Dormeuil
Je vous avais déjà parlé de Dormeuil dans l’un des guides du costume de l’année dernière: il s’agit probablement d’une des maisons les plus intégrées qui soit étant donné qu’elle gère tout du filage jusqu’à la confection et la distribution. (elle ne gère par contre pas les élevages, dont la diversité est tout de même assez impressionnante).
La création de Dormeuil remonte en fait à Jules Dormeuil, dont l’idée est simplement d’importer des tissus anglais en France: la marque se développe à l’International jusqu’à atteindre l’Asie en 1905, se lancer dans le sponsoring et développer notamment la lisière parlante, un système de référence utilisé à présent pour tous les rouleaux de tissus.
Le prêt à porter (avec une réputation de nos jours un peu vieillote) est quant à lui lancé en 1957 avec le nom Guy Dormeuil, qui deviendra ensuite Dormeuil (avec 4 boutiques à Paris).
Au fil et à mesure des années, la marque a continué d’innover avec le lancement de plusieurs tissus originaux comme Vanquish, le tissu le plus cher du monde disponible seulement ans 300 coupes, Exel, une pure laine avec 20% d’élasticité mais sans élasthane, ou encore Jade, un mélange entre laine et jade.
Si les filatures italiennes comme Cerruti ou Vitale Barberis filent la laine dans les eaux ultra pures de Biella, les tissus de Dormeuil sont travaillés quant à eux à Huddersfield et profitent de la pureté des eaux de Pennine pour le lavage de leurs tissus: laine, soie, cachemire, voire parfois vigogne.
Les gamme de prix sont généralement bien supérieures à celles de filatures plus répandues comme Vitale Barberis Canonico: ce qui fait la différence, c’est surtout le finissage. Il dure plus longtemps chez Dormeuil et permet d’avoir une matière plus résistante, soyeuse et qui prend mieux la lumière. Un finissage plus court donnera une matière plus sèche et rigide. (c’est au final très comparable au tannage d’un cuir: plus il est long et effectué avec des matières de qualité, plus résistant sera le cuir car il sera plus gras et mieux nourrit).
Mon choix: un tissu -presque- toutes saisons avec une jolie texture
J’ai choisi un mélange 60% lin, 30% laine et 10% soie 220g avec pour objectif de faire une veste de mi-saison (et donc pas seulement d’été, malgré qu’elle soit en lin): je voulais quelque chose assez léger pour se porter l’été (à 30 degrés maximum) mais aussi assez lourde pour avoir assez de consistance dans une tenue de mi-saison, en dessous un manteau d’hiver ou par dessus un gilet en tweed (ça n’aurait pas été possible sans une matière un minimum texturée).
Bref, c’était un bon compromis pour avoir une matière avec du caractère, mais qui ne soit pas de la laine (car de la laine texturée est généralement beaucoup plus lourde).
2 Présentation de la veste
Le brief était simple: une veste casual à porter l’été et la mi-saison. Une fois la bonne matière choisie, on va se concentrer sur les finitions à retenir pour être dans le bon registre.
Avant
Les revers: on est dans un registre habillé mais décontracté. J’ai du coup opté pour des revers à pointes (que je vous suggère d’éviter pour des costumes très formels, ils sont normalement signe d’autorité et réservés aux positions seniors d’une entreprise).
La largeur est très légèrement oversize: des revers bien proportionnés devraient normalement se finir à la moitié de la ligne d’épaule. On va ici très légèrement au-delà, mais sans aller non plus dans les extrêmes qu’on peut voir au Pitti Uomo, qui seront importables d’ici quelques années. (si mes souvenirs sont bons, on est ici à 8 cm de largeur de revers).
La seule faute de goût à éviter et que je vois très souvent sur les costumes, même en demi-mesure, ce sont les revers trop fins.
Epaules
Même si le rendu de la matière peut le laisser penser, on est pas du tout sur une veste d’été légère et non doublée: la matière est un peu lourde et la veste est complètement entoilée. Le tout donne un résultat assez structuré, d’où un léger padding à l’épaule et une cigarette discrète.
Dos
Le dos n’est pas spécialement près du corps : l’idée n’est pas forcément de porter la veste seulement par dessus une chemise, mais aussi par dessus un gilet ou une maille fine). On a du coup prévu un peu d’aisance. C’était aussi nécessaire pour que cette veste assez lourde reste bien portable l’été.
Intérieur
A condition de respecter certains critères, on peut se permettre plus de libertés pour une veste casual, surtout pour les finitions intérieures. Je voulais quelque chose d’original, mais sans que le résultat final soit trop chargé.
Charles a bien comprit ma démarche et a été d’excellent conseils pour arriver à un résultat équilibré.
Les passepoils des poches sont du coup dans un motif Paisley bien fort et affirmé: la doublure est du coup plus calme et joue plus sur la subtilité de la couleur (un gris très clair) et sur la matière. Il ne s’agit pas d’une viscose mais d’une popeline de coton, qui permet un sacré confort. (mais qui est par contre un peu plus lourde et avec un tissage légèrement plus serré).
Autres finitions
Qui dit veste casual dit forcément poches plates (qui sont en général plutôt larges, comme c’est le cas ici). Les boutons vont aussi dans la même démarche: j’ai ici choisi des boutons en corne marrons très clair, une couleur bien complémentaire au vert du tissu.
Si vous n’êtes pas habitués à trouver ce genre d’association, n’hésitez pas à consulter mon article sur le choix des couleurs et le site colordb.com: c’est quasi mathématique.
La silhouette
L’entoilage complet permet un une veste bien structurée et surtout un superbe roulé de revers. Le semi-entoilé aurait au final pu convenir aussi mais je voulais une veste un peu plus lourde et avec un tombé marqué pour la mi-saison.
Il fallait une tenue sobre pour garder un équilibre et mettre en valeur la matière et la structure de la veste: la chemise (de chez Première Manche) joue simplement sur un motif à petits carreaux discret, la ceinture en lin joue sur la matière et le mélange de couleurs et le pantalon Soran (en popeline de coton, ce qui explique pourquoi il froisse si facilement) est plus neutre et permet ici davantage de la légèreté.
Conclusion
La veste aura coûté 665 euros (400 euros de montage et 265 euros de tissu) pour un très bon niveau de confection et un tissu qualitatif et original, avec une personnalisation qui va tout de même assez loin. Le prix moyen des vestes chez Blandin&Delloye est généralement de 350 à 450 euros.
III TEST DE LA CHEMISE BLANDIN&DELLOYE
Cette chemise est bien plus classique et avait été réalisée en Juillet 2015, un peu après le costume. Le cahier des charges était un peu plus classique: il me fallait une chemise formelle, portable aussi sans cravate et aussi portable au Cambodge (je faisais encore pas mal d’aller retour à l’époque).
Pour le tissu j’ai du coup choisi une référence avec un titrage assez élevé, et donc des fils plus fin et un tissu au final plus léger: il s’agissait (dans mes souvenirs) d’un 150/2.
Positionnement et rapport qualité/prix
Il est ultra correct puisque les chemises sont proposées entre 80 et 120 euros, avec le tissu comme seule variable. Et inutile de vous dire qu’à 120 euros, vous avez une chemise avec un tissu bien meilleur que beaucoup de modèles à prix équivalents dans le prêt à porter.
Bilan après un an: malgré un titrage élevé, elle a plutôt bien tenue le choc. Je l’ai en effet beaucoup portée au Cambodge et en Corée au début de l’année où je lui ai fait subir pas mal de lavages. Il n’y a pas de points d’usures notables à relever.
Seul hic: les boutonnières au niveau des manches ont moins bien tenu le coup. Ce n’est pas vraiment étonnant car je retrousse sans cesse mes manches, et qu’en plus ce tissu est effectivement plus fragile qu’un 100/2 ou un 120/2 plus classique. C’est un problème au final assez récurrent et peu de marques y échappent, à moins que l’atelier fasse un effort particulier pour faire une boutonnière increvable (auquel cas, ça se voit dès le début et ça donne une chemise où mettre les boutons devient une épreuve de force).
Epaules
Etant donné qu’on est sur de la demi-mesure, les épaules sont bien nettes et arrivent pile au niveau de l’os. La continuité des motifs est bien entre les manches et le corps de la chemise.
Arrière
L’idée était évidemment d’avoir une chemise proche du corps, mais en conservant tout de même un minimum d’espace (surtout si elle devait être portée au Cambodge). Elle est assez ajustée pour dessiner un beau V dans le dos. J’ai aussi choisi de ne pas y mettre de pinces de serrage (qui auraient pu permettre d’éliminer le léger surplus de tissu en bas de la chemise).
Col
J’ai ici opté pour un petit col italien, qui me permet d’avoir un écart intermédiaire idéal pour un port sans cravate: le col français est un peu trop resserré et rigide (et donne un rendu beaucoup trop formel dans une tenue casual) et le col cutaway est trop écarté et ne convient pas à la forme de mon visage.
Les proportions sont ici impeccables et on voit bien le soin apporté aux coutures.
Finitions
On retrouve aux manches une patte capucin avec des points resserrés et bien alignés et un renfort discret et bien fini.
Une belle patte capucin bien renforcée
Les boutons
Il s’agit de boutons en nacre avec un simple boutonnage en croix. Rien à signaler sur les boutonnières avant de la chemise qui ont très bien tenu jusqu’à présent.
Conseils de style
J’avais justement commandé cette chemise pour la porter dans une tenue formelle, et notamment avec le costume croisé que j’avais fait faire: cette combinaison rayures sur rayures est possible grâce aux dimensions très différentes des deux motifs.
On peut ensuite adjoindre à ce mélange très strict un peu ce qu’on veut en terme de cravate en jouant sur la couleur, la texture ou les motifs.
Voici par exemple quelques exemples avec des cravates en laine rayées, des cravates en grenadine de soie ou des cravates en tricot. Le mélange rayures sur rayures étant assez sérieux, sobre et formel, il permet justement de se laisser aller à pas mal d’excentricités sur les accessoires comme la cravate.
CONCLUSION
Blandin&Delloye est probablement l’un des meilleurs rapports qualité/prix du marché en terme de confection, de tissus disponibles mais aussi de conseils (je ne serai sûrement pas allé aussi loin dans la personnalisation de la veste sans les suggestions de Charles, en particulier sur la doublure et sur les passepoils contrastants).
N’hésitez pas en tout cas à prendre le temps de bien réfléchir sur ce que vous voulez avant d’y aller et à apporter par exemple quelques inspirations, c’est ce qui vous permettra de bien optimiser votre séance et d’avoir un résultat vraiment personnel.
Toutes les informations sont sur le site de Blandin&Delloye
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Bonjour,
Je suis un grand amateur du travail de B&D mais j’ai quelques réticences sur la prise de mesures:
– S’agissant du blazer, les manches ne sont-elles pas trop courtes ? Ou bien les plis que l’on voit au niveau du biceps ont provoqué une remontée des manches ?
– S’agissant de la chemise, les plis au niveau du torse sont tout de même disgracieux… Avez-vous une explication ? Parce que pour moi le travail n’a pas été correctement executé
Cordialement
Anthony
Bonjour Anthony,
C’est moi qui avait demandé à ce que les manches soient encore un peu plus courtes, mais ce n’est pas vraiment choquant ici.
La chemise est une Première Manche en prêt à porter donc et pas une Blandin&Delloye.
Merci en tout cas de ton commentaire et bonne journée,
Valéry