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Test&Avis Umòja MMEA: enfin une sneaker éthique qui innove

Si vous lisez JamaisVulgaire depuis longtemps, vous savez que je ne parle jamais d’une marque uniquement parce qu’elle est éthique: si c’est une condition qui est forcément un minimum nécessaire, ce n’est en revanche pas une condition suffisante.
Il est également nécessaire qu’elle apporte une vraie valeur ajoutée au marché au niveau esthétique, ou au niveau de la construction, du confort, ou plus généralement du rapport qualité/prix.

La question est d’autant plus compliquée sur le marché des sneakers où il y a beaucoup de concurrence, et où on ne compte plus toutes les sneakers avec motifs ethniques sur le marché, plus ou moins réussies et pas forcément faciles à porter, ou alors des éternelles sneakers blanches repompées de Stan Smith ou de Common Project.

C’est ce que proposait auparavant la marque Umòja,, une marque de sneakers éthique dont je n’aurais pas forcément parlée à ses débuts mais qui a su vraiment innover sur le marché avec une nouvelle sneaker: le modèle MMEA dont on va vous parler dans ce test.

I Umòja: une prise de risque rare au service d’une sneaker vraiment innovante

1 Un lancement qui sort de l’ordinaire

Dieuveil et Lancine, co-fondateurs de la marque, se rencontrent sur les bancs de la fac et, en après un voyage d’un an de Dieuveil en 2017, décident de quitter leur vie professionnelle: Dieuveil est alors en dernière année de master et Lancine commence à peine sa carrière parisienne dans les assurances.

On note d’abord que le timing et le contexte général de ces débuts sortent de l’ordinaire (et c’est tant mieux). Les jeunes marques similaires sont plutôt crées:
– soit après quelques années d’expérience professionnelle en finance/audit/cabinet d’avocat etc, le temps d’avoir des économies et de pouvoir investir un minimum dans son projet, sans forcément se payer tout de suite (et aussi d’être assez installé dans un domaine pour éventuellement pouvoir y retravailler quelques années plus tard si la marque échoue)
– soit en tant que projet d’école de commerce, auprès d’un réseau existant et bien établi, et donc dans un cadre beaucoup plus confortable et moins risqué.

Je n’ai encore jamais vu de créateurs tout arrêter en toute fin de scolarité d’université et en tout début de carrière: une sacrée prise de risques qui en dit long sur leur engagement.

2 LA NAISSANCE DU CONCEPT


L’idée de base d’Umòja (« unité » en Swahili) est très simple: des produits qui rémunèrent bien les artisans et qui mettent en valeur leur savoir-faire, avec un impact environnemental maîtrisé. Dans un cadre plus global, l’aider est aussi de les aider à faire face à la concurrence des fabricants d’Asie bon marché.

Dieuveil et Lancine partent ainsi en Afrique de l’Ouest pour y découvrir l’artisanat régional et acquérir une connaissance fine de toute la filière et pouvoir ainsi proposer une chaîne de production la plus juste et transparente possible qui commence dès la récolte des cotons.

La partie Histoire de leur site est très complète à ce sujet et ils ne manquent pas d’évoquer les défis auxquels ils ont dû faire face, par exemple le prix très variable du coton bio au kg. Les plantations de coton bio sont en effet saisonnières, avec des rendements à chaque fois impossibles à anticiper et donc des salaires très variables pour les agriculteurs.

Après avoir traversé le Burkina Faso, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Congo et l’Ouganda, c’est finalement la filière textile du Burkina Faso qui est retenue pour ces nouvelles sneakers, en particulier car elle est la plus transparente de la région.

C’est un choix effectué en connaissance de cause puisque les tissus des toutes premières sneakers d’Umòja étaient quant à eux produits au Burkina-Faso, en Côte d’Ivoire, au Mali, en Ouganda et au Sénégal (en fonction du motif réalisé).

UNE REPARTITION COHERENTE DES SAVOIR-FAIRE



Même si l’identité de la marque reste très liée à l’Afrique de l’Ouest, Umòja a choisi une répartition logique des savoir-faire en confiant la fabrication à un pays expert de la sneaker: le Portugal.

Outre son artisanat avancé sur les souliers, le Portugal est également choisit car il répond plus efficacement à la logique de circuit court de la marque. Il est au carrefour du circuit d’approvisionnement de tous les éléments qui peuvent former la chaussure:
– une tige et semelle de propreté en coton biologique burkinabè
– Colle, semelle extérieure, et rembourrage languettes issus des forêts tropicales
– Lin (pour la toile de lin, les lacets, le galon) et chanvres (contrefort et renfort de bout) français

Je vous l’ai dit auparavant, je n’aurais pas forcément évoqué la première collection de la marque, car je trouve les motifs ethniques pas toujours faciles à porter, et qu’il y a énormément de produits sur ce marché.
Le parti pris de la marque était de ne pas utiliser les cuirs animales, ni les teintures artificielles.

A ce stade-là: la collection et l’engagement de la marque sont très louables, mais ne sont pas uniques et une concurrence existe.

Dieuveil et Lancine ont très probablement eut cette exacte réflexion puisqu’après le succès de la première collection (plus de 500 paires vendues en quelques mois), ceux-ci se lancent directement dans une R&D de trois ans (de 2018 à 2021) pour pouvoir proposer une chaussure 100% traçable (du lacet jusqu’aux oeillets) et 100% végétale et sans plastique (l’ensemble des composants sont biodégradables)



Il faut encore une fois s’arrêter un moment et se dire que ce genre de démarche n’existe au final pas vraiment dans la sneaker équitable: il aurait été très facile pour Umòja, avec son succès initial, de simplement développer l’offre avec plus de motifs ethniques, et de rechercher plus de revendeurs.
Bref, quelques simples variations esthétiques, sans vrais changements dans le produit, mais au final dont beaucoup de marques se contentent sur le marché.

Umòja a ainsi largement favorisé sa R&D au détriment du développement commercial afin de proposer un produit qui sorte du lot et de se différencier de la plupart des marques éthiques existantes.
Cela peut paraître un peu exagéré de parler de R&D sur des sneakers, mais le terme est adapté et Umòja n’a pas fait le travail à moitié puisque la marque est maintenant labellisée Frenchtech et est également soutenue par ADC (le label Au-delà du cuir, qui soutient à la fois des marques de cuir de luxe, ainsi que des alternatives au cuir)

II Test des sneakers MMEA

MMEA veut dire « plante » en swahili: un nom plutôt adapté à la première sneaker réalisée à partir d’éléments 100% végétaux..

Difficile d’être plus complet et transparent sur la composition d’une sneaker, un exemple qui serait fort apprécié dans l’industrie du soulier formel


Si les sneakers MMEA m’ont tapé dans l’oeil, c’est surtout grâce à ce mélange de matières que je n’avais encore jamais vu sur une sneaker, voici de quoi elles se composent exactement:
– coton brut biologique sans blanchissement: on a donc une tige crème/blanc cassé et non pas d’un blanc artificiel


une teinture naturelle à partir de feuilles et de plante: comme toutes les teintures naturelles, elles ont le mérite de d’avoir une couleur riche, originale et avec des nuances très différentes en fonction de la lumière

La fibre de chanvre est utilisée pour la semelle intermédiaire, ainsi que le bout dur et les contreforts.

Une semelle extérieure en lait d’hévéa: c’est la première sneaker que je possède avec ce genre de semelle. Elle est extrêmement confortable et sa gomme orangée légèrement translucide contraste bien avec le mélange coton brut/lin plus rugueux.
Cette semelle est réalisée par l’entreprise française Reltex: chaque semelle prend 7 jours de production moulage, cuisson au bain-marie, démoulage, séchage…

Les moules qui se remplissent doucement de lait d’hévéa, c’en est presque appétissant

Le lin brut pour le fil d’assemblage, les lacets, les passants et les galons (qui viennent d’ailleurs de chez Emmanuel Lang: le lin est européen mais toute la confection de ces empiècements est française.
Ces empiècements en lin gris apportent en tout cas une belle valeur ajoutée: ils ressortent bien par rapport au blanc cassé et calment les empiècements plus colorés. Ils ne sont pas sans me rappeler les empiècements en cuir suédé gris clair des German Army Trainer.

La forme

S’il fallait vraiment faire un reproche à ces sneakers, ça serait une forme qui pourrait être un peu plus fine. Voici une petite comparaison avec les sneakers Leo&Violette (qui sont à présent les plus fines que j’ai jamais eues):

J’avais même un peu peur du rendu une fois portée avec un pantalon avec une ouverture à la cheville étroite (17,5 cm) mais finalement elles s’intègrent plutôt bien, sans que ça soit particulièrement choquant: c’est ce qu’on va voir dans les conseils de style.

III Conseils de style: bien porter des sneakers de caractère

Je porte les sneakers MMEA de chez Umòja avec:
une chemise à col boutonné en seersucker blanches à rayures marron de chez RIVES: le seersucker colle bien au registre brut des matières de la sneaker
un pantalon habillé en coton de chez Maison Pen: on pourrait croire qu’il s’agit d’un chino, mais il s’agit ici plutôt d’un pantalon habillé dans une belle gabardine de coton Dugdale avec des pattes de serrage latérales et coutures a pistolato. On en reparlera dans un prochain article.
des chaussettes en lin Mes Chaussettes Rouges verte claires qui permettent une bonne transition entre le chino olive et les sneakers


– des lunettes de soleil Atelier Particulier
– une montre BND Watches

Voici quelques erreurs courantes à éviter:
porter ces sneakers avec un pantalon trop habillé et formel: on évitera donc les gurkhas avec un tissu trop fluide et avec beaucoup de mouvement comme la laine froide ou tropicale
éviter une chemise en popeline de coton, qui sera encore une fois trop formelle
évidemment, pas de tenue costume + sneaker du présentateur TV: l’exercice pourrait s’envisager avec certaines sneakers mais la texture très affirmée du coton brut et du lin ne s’y prête pas du tout ici. On pourrait sinon envisager un costume en lin, ou en seersucker mais le tout serait assez risqué.

IV Conclusion sur les sneakers MMEA d’Umòja

De l’histoire de la marque jusqu’au produit final, c’est extrêmement agréable de voir une initiative qui se différencie de ce que fait la concurrence et d’avoir prit le temps d’un vrai développement produit pour un résultat concret qui dépasse largement les promesses green-washed de beaucoup de concurrents.

En plus d’une promesse produit forte (une sneaker 100% transparente et végétale), on s’y retrouve bien esthétiquement grâce à des contrastes de couleurs et de matières bien choisis retranscris sur un patronage simple (qui me rappelle un peu les GAT)
Le confort n’est pas délaissé avec une semelle lactae hévéa ultra souple. La forme enfin s’intègre facilement dans une tenue décontractée classique (je les aurais préféré un poil plus fines et allongée mais c’est tout à fait personnel).

Vous l’aurez compris, ce n’est pas seulement en tant que sneaker éthique que je recommande la MMEA, mais en tant que sneaker tout court. La sneaker MMEA Embe est disponible ici à 240€.

Valery
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