Une des raisons principales pour lesquelles je parle d’une marque ou pas ?
Il faut qu’elle apporte quelque chose de neuf sur le marché, que ça soit à travers son produit, ses méthodes de distribution ou dans certains cas son identité.
Si vous lisez le blog depuis longtemps, vous savez que les DNVB françaises ont une offre extrêmement variée et déjà très qualitative au niveau des écharpes, surtout quand on parle d’écharpes en soie fabriquées au lac de Côme.
Mes attentes ont donc elles aussi bien évolué, et il n’est plus suffisant de vendre une belle écharpe en soie faite autour du lac de Côme au bon prix pour que je vous parle d’une marque. Il faut vraiment une pièce qui se démarque, et qui n’existe pas parmi les marques les plus courantes que vous connaissez déjà.
Ce n’est parfois pas flagrant du premier coup d’oeil, et il faut un peu fouiller dans l’offre pour trouver son bonheur. Et c’est ce qui m’est arrivé lorsque la marque Elizabetta m’a contactée.
Sommaire
I Elizabetta: histoire d’une marque qui se concentre sur le produit
La marque est fondée en 2004 par Elizabeth Perkins (d’où le nom de marque Elizabetta, son surnom italien), à l’origine décoratrice d’intérieur, à la suite d’une visite au lac de Côme.
Elle y découvre la spécialité de la région: le travail de la soie et toutes les pièces qui en découlent, notamment les écharpes et cravates en soie. Elle s’associe aussi à un petit italien spécialiste du cuir pour une offre de sacs à main femme.
Une petite structure qui se concentre sur l’essentiel
La marque Elizabetta est une marque familiale composée de trois personnes: c’est la fondatrice qui conçoit elle même les motifs de la marque, qui lui sont exclusifs. Il s’agit d’une toute petite structure, qui produit en petite quantité et qui marge peu.
Rien qu’au nom, on voit donc bien que la marque est restée très simple sur son marketing et son univers de marque : pas de vidéo exhubérante ni de page de vente à rallonge.
Tout l’effort est consacré à des designs exclusifs réalisés sur des produits qualitatifs, et vendus au bon prix: une belle base de départ.
Des basiques bien fait et un début de communication pertinent
La marque était restée assez discrète jusque là: elle commence à peine à communiquer mais le fait de manière sélective et pertinente.
Les cravates en grenadine de soie Garza Fina, mises en avant par l’influenceur @dapperclassic (dont on vous partage souvent les photos sur notre compte Instagram) en sont un bon exemple.
Ca fait toujours plaisir de voir des marques confidentiels s’associer à des influenceurs émergents passionnés par le sartorial comme @dapperclassic. Un travail de communication pertinent et bien pensé.
Bien que qualitatives, ces cravates ne sont pas l’objet de ce test. Voici en quelques lignes leurs caractéristiques:
– découpe main
– triplure en laine
– doublure en soie rayée
Pour rappel, les cravates en grenadine de soie ne se trouvent que chez deux ateliers du lac de Côme, équipés de métiers à tisser du début du 20è siècle. Il s’agit ici de grenadine Garza Fina que j’apprécie pour leur belle largeur ainsi que pour cette doublure en soie à motifs.
Bref, s’il s’agit de très belles cravates en grenadine de soie, bien executées et au bon rapport qualité/prix, ce n’est pas non plus le type de pièces assez différenciante que j’attends pour parler d’une marque.
Bref, jusque là, une marque très louable mais qui ne se différencie pas vraiment des autres DNVB qui fabriquent au lac de Côme et qui sont maintenant légions sur le marché français.
Ce qu’apporte Elizabetta sur le marché français ?
Il s’agit des écharpes reversibles, avec un côté soie et un côté en twill de laine: un produit qui n’existe pas en France et avec un vrai intérêt pour la fin d’hiver et la mi-saison.
Les écharpes 100% twill de soie peuvent en effet être un peu trop précieuses de par leur luminosité, et ne pas avoir de tombé forcément satisfaisant: grâce au côté en twill de laine, et à un traitement spécifique de la soie, Elizabetta résout ces deux problèmes.
Des combinaisons couleurs/motifs bien pensées, qui apportent une vraie nouveauté en terme de chaleur et de tombé
Sur les écharpes 100% laine, il est d’un autre côté beaucoup plus difficile de trouver une pièce avec des motifs raffinés, et qui restitue les couleurs avec autant d’intensité.
Nous avions précédemment testé des écharpes en mélange de laine et soie. Elizabetta propose de son côté un système reversible qui est également plutôt ingénieux.
C’est l’objet de ce test 🙂
II TEST DES ECHARPES REVERSIBLES EN SOIE ET LAINE
Comme vous le savez, la soie et la laine sont tous deux des matières thermorégulatrices: même si le côté laine est plus lourd et permet à l’écharpe de tenir plus chaud, on peut au final la porter même quand il fait plus chaud.
1 Côté soie
Premier bon point pour une écharpe masculine, on applique à la soie plusieurs lavages, ce qui lui donne un aspect mat, plus doux et qui ne brille pas (l’eau du lavage est ensuite filtrée puis réutilisée pour les lavages suivants).
Cela permet de mieux mettre le motif en valeur et de moins dénaturer les couleurs, et aussi d’avoir un rendu global moins précieux et donc plus masculin.
Comme pour la plupart des soies imprimées, il s’agit d’un twill de soie d’une finesse de 14 momme (pour vous donner une idée, une bonne cravate en twill de soie comme celles qu’on trouve chez Gentlemenclover sont à 24 momme). On reviendra plus tard sur les motifs
2 Côté laine
Il s’agit ici d’un twill de laine peignée qui est étonnamment léger et qui apporte surtout juste ce qu’il faut de tombé sans pour autant épaissir trop l’écharpe générale. Etonnamment, au vu de son poids et de son épaisseur, il permet à l’écharpe de se porter quand il fait assez froid (pas moins de 5 degrés tout de même) et de se porter jusqu’aux 20 degrés grâce à la nature thermorégulatrice de la soie et de la laine.
3 Les dimensions
L’idée était aussi d’innover sur les dimensions des écharpes sur le marché classique: l’offre homme se limite plus souvent à des longueurs assez réduites type 160cm: ça restreint pas mal les possibilités en termes de styles de noeud, et ce n’est pas idéal pour faire de jolis noeuds.
Il s’agit ici d’une longueur 180 cm, qui permet un meilleur tombé et des noeuds plus élaborés. La largeur est quant à elle de 32cm, c’est un peu plus étroit que sur certaines écharpes mais ça reste adapté à ce genre de modèles réversibles.
4 La confection
Il ne s’agit pas d’une écharpe dont les deux côtés seraient cousus l’un à l’autre sur toute la surface: ça ne serait probablement pas vraiment gérable au niveau des motifs. Ca aurait également nécessité un thermocollant qui aurait rigidifié la pièce.
Le côté laine et le côté soie sont en fait cousus sur les bords: je ne m’en suis pas aperçu lors du shooting donc voici quelques photos de téléphone simples pour vous montrer ça.
On a donc également un peu d’air qui peut circuler entre ces deux couches thermorégulantes, ce qui permet une meilleur isolation globale de la pièce.
5 Les motifs des modèles testés
Outre ce concept réversibles, ce sont évidemment les motifs qui m’ont séduit sur ces écharpes avec l’inspiration typiquement sprezzatura que je vous présente d’habitude: on trouve aussi bien des motifs Paisley imposants que des micro motifs un peu plus discrets qui contrastent bien.
Le modèle Paisley / Bronze
Ce modèle paisley généreux s’appuie sur un mélange de couleurs entre turquoise et bronze (Il n’est pas sans me rappeler une cravate Madder de chez Gentlemenclover). L’assortiment de ce bronze et de celui du twill de laine est plutôt subtil et permet un rappel intéressant.
Le modèle Medallion / Navy
D’un côté un motif médaillon avec une bordure fleurie bien pensée qui rajoute du contraste et de la variété en termes de motifs.
Il est parfois compliqué de trouver un motif un peu recherché (plus que par exemple de simples pois) qui ne soit pas un motif géant (comme le Paisley précédent) et qui donne un effet de faux-uni de loin (pour qu’il reste facile à porter)
De l’autre le côté twill de laine bleu marine: c’est un bleu marine dans le plus pur sens du terme, qui ressemble en fait beaucoup à du noir à la lumière du jour.
Ce genre de bleu marine ultra profond est souvent utilisé pour les smokings car il est ressemble beaucoup plus à du noir qu’un noir classique.
Evidemment, ces deux motifs se potent dans des tenues aux registres bien différents: c’est ce que nous allons voir à travers nos conseils de style.
III Conseils de style
L’écharpe Paisley: la plus sartoriale et sprezzatura
C’est l’écharpe la plus affirmée en terme de motifs et de couleurs: on peut facilement l »intégrer à une tenue travaillée tant qu’on veille à un équilibre sur ces deux aspects.
Attention donc à ne pas la porter avec d’autres motifs voyants ou couleurs vives: dans cette tenue, vous trouverez des couleurs relativement neutres comme du vert forêt, du bleu marine et du bordeaux. Seul le pantalon de costume Clotilde Ranno en Prince de Galles rouge et bleu sort un peu du lot.
En revanche, on peut jouer sur le reste de la tenue sur la construction, la texture et les matières.
La construction et les finitions
On travaille sur la construction ici à travers:
– la Jungle Jacket Yeossal et ses poches à plis creux
– le col roulé Paris Yorker, qui est bien adapté pour accueillir le foulard
– la double pince du pantalon de costume Clotilde Ranno
– la construction balmorale et la couture col de cygne des richelieu CNES (qui les rendent assez polyvalentes pour bien s’intégrer à la tenue.
Les textures et matières
Avec la soie et le twill de laine de l’écharpe, on est assez libres sur le reste des matières:
– la Jungle Jacket Yeossal apporte un côté un peu plus rustique avec son donegal, qui permet de compenser le côté précieux de la soie
– le Prince de Galles du pantalon a quant à lui une texture bouclée pour rajouter un peu de consistance au bas, pou qu’il ne soit pas trop lisse par rapport au haut
– enfin, la patine bordeau des CNES rajoute un joli côté habillé
Je porte ici l’écharpe avec:
– un pull col roulé Paris Yorker
– la Jungle Jacket Yeossal
– pantalon de costume napolitain Clotilde Ranno
– richelieu cousu trépointe CNES
L’écharpe médaillon/twill: la plus formelle, avec un twist bienvenu
Comme je vous l’expliquais précédemment: le motif médaillon est assez imposant pour être un peu travaillé (plus que par exemple des pois basiques) mais tout en ayant un rendu pas si éloigné des faux unis).
Varier les motifs
On peut donc se faire plaisir sur les motifs sur le reste de la tenue, tant que les couleurs varient un peu. C’est ce que j’ai fait ici avec:
– le motif Prince de Galles du manteau Maison Lener
– le motif floral de la cravate Gentlemanclover
– le Prince de Galles bouclé du costume Clotilde Ranno
L’important ici est d’avoir des couleurs bien distinctes, ainsi que des motifs de dimensions distinctes.
La tenue est ici plus formelle, et joue sur des couleurs simples: blanc, gris, bleu marine. Le bleu plus lumineux de l’écharpe donne une bonne touche d’éclat à l’ensemble tout en restant dans un registre formel.
Je porte ici l’écharpe avec:
– un manteau Maison Lener
– un costume Clotilde Ranno
– une chemise Claude CCF
– une cravate Gentlemenclover
– les richelieu cousu trépointe CNES
Conclusion sur les écharpes Elizabetta
Ces écharpes réversibles homme sont proposées à 165€: un prix un peu plus élevé que ce qu’on trouve en général chez les DNVB françaises mais qui se démarque par une construction originale, qui n’existe pas ailleurs. Avec également des dimensions plus généreuses que sur la plupart des écharpes du commerce (180cm vs 160cm).
Celle-ci rend la pièce:
– polyvalente: l’alliance de deux matières thermorégulatrices relativement fines permet une écharpe qui peut se porter de 5 à 20 degrés
– un meilleur tombé grâce au poids du twill de laine
Dernier atout: même s’il s’agit de motifs très sartoriaux, qui commencent à nous êtres familiers grâce notamment aux cravates, ils n’en restent pas moins complètement unisexes et pourraient ainsi faire d’excellents cadeaux de Saint-Valentin.