Dans notre perpétuelle chasse au meilleur rapport qualité/prix, et au meilleur concept, vous vous imaginez bien qu’on tourne parfois en rond.
On a même parfois l’impression d’avoir fait le tour du sujet, que tout a déjà été fait et qu’il n’y a plus grand chose à apporter dans chaque secteur: comment faire mieux en terme de rapport qualité/prix qu’un Suitsupply en costume ou un Meermin en chaussures ?
Et c’est là qu’une nouvelle marque vient nous bousculer, et redistribuer les cartes: on l’a vu il y a quelques jours jours avec la marque polonaise Poszetka qui n’a pas grand chose à envier à SuitSupply.
Pure coïncidence, mais c’est aujourd’hui d’une autre marque polonaise dont on va vous parler: Patine, qui pourrait bousculer notamment Meermin sur le terrain du rapport qualité/prix, et bien d’autres marques avec un travail assez exemplaire de la forme.
Sommaire
I Patine: un développement cohérent, executé avec patience
Comme beaucoup de marques, Patine est au départ un distributeur de marques de chaussures depuis une dizaine d’années: une bonne solution pour connaître une industrie sur le bout des doigts et se faire une clientèle et un réseau en minimisant les risques.
Déjà, la sélection en dit long sur les standards des créateurs, avec notamment Yanko et TLB Mallorca (et sa branche haut-de-gamme Artista): d’excellentes expériences en termes de chaussures espagnoles, des marques plutôt pointues et confidentielles, avec un excellent rapport qualité/prix.
Cette sélection a donné une bonne idée aux fondateurs de la notion d’excellence. Ceux-ci ont donc forcément été intransigeants sur la qualité de leur propre ligne: Patine commence à travailler sur leur ligne en propre depuis 2013 et distribue ses premiers modèles en 2015.
La ligne fonctionne bien, mais les fondateurs ne sont pas encore tout à fait satisfaits de la qualité. La collection est donc bradée, et l’enseigne repart de zéro en changeant de lieu de production.
Direction cette fois-ci l’Espagne chez une usine experte en Goodyear qu’on ne nommera pas.
Résultat: un beau Goodyear sous gravure, distribué sous les 300 euros.
Pour que cette excellente fabrication aille dans la bonne direction, Patine s’entoure d’un expert polonais pour s’attaquer à la question: le Maestro Tadeusz Januszkiewicz, le plus illustre bottier polonais, bientôt âgé de 100 ans.
La ligne spéciale aux formes TJ
Il s’agit de la ligne dont le numéro de forme commence par TJ: ces formes ont été conçues par Tadeusz Januszkiewicz,
Agé de bientôt 100 ans (il naît en 1927): il commence son apprentissage à 16 ans.
On est en 1943 et la Pologne est occupée, pas spécialement facile donc d’être bottier et de continuer à fabriquer des chaussures à la main, dans règles de l’art. Encore plus sous la Pologne communiste
Difficile de continuer à appliquer, et encore plus à transmettre un art aussi noble dans des temps si troubles: il ne reste donc que peu de très bons bottiers polonais dans les rues de Varsovie et Tadeusz Januszkiewicz est l’un d’entre eux. Il se situe dans la même rue que Jan Kielman (un autre bottier polonais assez connu, que vous avez peut-être déjà vu passer sur Instagram).
C’est en travaillant à ses côtés que Patine développe les formes de ses premières lignes. On en parle plus en détails dans le test à proprement parler.
Une collection de bon goût
Au premier abord, c’est une collection classique et sans fioritures qu’on observe: oxfords, derbys, wholecut etc. Au-delà de la finesse des formes TJ, chacun de ce type de chaussures est interprété sans fautes, avec même quelques originalités.
On voit par exemple ici que la fermeture des double boucles n’est pas droite mais en biais, ce qui selon moi affine considérablement la ligne.
Une forme très affinée et des perforations bien nettes sur ces brogues en nubuck 77028.
Enfin, mention spéciale pour les derby 2 oeillets 77004 qui ne sont pas sans rappeler les Arca de Pierre Corthay, avec une très belle forme bien allongée.
Un site e-commerce facile d’emploi
Ca peut nous paraître évident (vu qu’on passe nos journées à vous chercher des bons plans sur ce genre de site) mais le site apparaît d’abord en polonais si vous allez sur patine.pl.
Il faut utiliser l’URL patine.shoes pour accéder au site directement en anglais.
II Test des brogues 77020 TJ Ina G Cambridge
L’idée derrière ce choix: avoir une paire habillée (donc des richelieux), mais qui puisse également bien se porter avec une tenue dépareillée, sans avoir l’air trop formel ou trop insipide: d’où le choix d’une couleur bordeaux et des perforations.
Etant donné que je les voulais polyvalentes, j’ai aussi opté pour une semelle en gomme.
Voici l’URL:
https://patine.shoes/brogues-77020-2096.html
Usure et confort
Je m’attendais comme avec toute paire Goodyear qui se respecte à un port un peu pénible sur les premiers jours, durant lesquels je ne les ai évidemment portées qu’en intérieur.
Elles se sont à ma grande surprise très vite assouplies (étonnant sur cette gamme de prix, où les cuirs rigides au départ sont légions) , et ce sans que le cuir ne marque particulièrement (ce qui montre que le cuir est d’excellente qualité).
Evidemment, la semelle en gomme aide beaucoup. En revanche, j’ai eu début cru à la mauvaise pointure car il y avait beaucoup d’espace au dessus de mes pieds. Je m’y suis au final senti à l’aise après quelques ports, et ça n’a pas du tout impacté le marquage du cuir (des plis prononcés sont le premier indicateur d’une taille au dessus).
Bien entendu, je n’ai pas eu l’occasion de tester la résistance de la semelle en gomme dans des circonstances vraiment difficiles. Gardons toutefois en tête qu’elles ont été développées pour résister à un Automne-Hiver polonais et à ses sols enneigés ou au mieux gelés: je suis donc très confiant sur leur résistance et leur accroche dans des conditions parisiennes plus classiques.
Les cuirs utilisés
Patine travaille avec les tanneries d’Annonay (parfaite pour le box calf) et Du Puy, et d’autres tanneries pour le nubuck (mais je soupçonne Stead).
Je vous en reparlerai dans le test, mais le premier critère à prendre en compte pour moi, dans cette gamme de prix, est la rigidité du cuir.
Comme on vous l’avait déjà expliqué, on ne peut pas avoir un cuir qualitatif, durable, pas cher ET confortable rapidement (tout comme dans la vie, on ne peut pas avoir bien, rapide et pas cher).
C’est pourquoi j’ai été assez surpris ici par la souplesse du cuir, qui pour l’instant n’a par ailleurs que peu marqué après quelques semaines de port.
La forme TJ: un travail poussé sur le confort grâce à l’expertise orthopédique de Tadeusz Januszkiewicz
Si la semelle gomme ne le montre pas forcément, la forme de la chaussure est très réussie avec une voûte bien marquée. Le tout reste bien élancé.
Quelle différence sur les formes TJ et les formes classiques ?
Elle repose surtout sur le confort: à travers toute son expérience dans le bespoke, Tadeusz Januszkiewicz est une véritable encyclopédie sur l’anatomie du pied et l’orthpédie. Et donc sur toutes les subtiles nuances qui influencent le confort d’une chaussure.
Evidemment, il est impossible de garantir une chaussure en prêt-à-chausser qui soit confortable pour tout le monde: l’idée est ici d’avoir un résultat le plus confortable possible.
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Conclusion
Tout comme beaucoup de DNVB Patine investit sur le long terme: difficile pour la marque d’être rentable pour l’instant avec cette qualité de fabrication et de cuirs utilisés. Patine parie sur la fidélisation de ses clients à travers un produit d’excellente qualité.
Après un test technique approfondi, je pense que cette stratégie a toutes ses chances au vu de la qualité, et aussi de la valeur ajoutée apportée par les formes. Je suis pour ma part conquis et je lorgne déjà sur une autre paire (surtout ces superbes double boucle).
Les richelieu TJ Ina G Cambridge 77020 sont disponibles ici à 266 euros.