J’ai voulu changer un peu de ce qu’on fait d’habitude aujourd’hui.
Comme pendant toutes les pauses estivales, j’en profite pour évoquer des sujets moins classiques que le reste de l’année. Dans cet article, je voudrais donc vous faire découvrir Merci Nuage, une marque qui réinterpréte la montre pour en faire un bel objet, mais dont l’esthétique ultra-minimaliste la rend complètement inclassable parmi ce qui existe dans le paysage horloger actuel.
Sommaire
I MERCI NUAGE, LA MARQUE-ATELIER
1/ Histoire et concept
On vous avait déjà parlé de marques qui assuraient absolument tout: du traitement des matières premières jusqu’à la distribution, en passant par les finitions et l’assemblage. C’était par exemple le cas de laperruque, dont l’atelier à Malmö fabrique des pièces de maroquinerie avec des coutures en point sellier à partir de cuir baranil.
Et c’est aussi justement le cas de Merci Nuage: tout est travaillé par Adrian et Vivien, les deux créateurs et notamment le laiton et le cuir. Seuls les composants qui demandent un savoir-faire spécifique et poussé ne sont pas faits maison, à savoir notamment les aiguilles, les verres et évidemment le mécanisme.
Merci Nuage ne se définit pas seulement comme une marque de montres, mais aussi comme une marque d’objets (elle propose notamment aussi des ceintures) et un atelier de création dont le but est de pouvoir travailler de manière la plus autonome possible sur les matières premières, grâce à un savoir-faire poussé en terme de travail du métal et du cuir et à de vraies connaissances, diplômes et équipements d’artisans.
2/ Savoir-faire
Le modèle économique
J’ai été assez surpris quand Adrian m’a expliqué que tout faire soit-même, qui plus est en France permettait au final d’avoir un meilleur rapport qualité/prix qu’en déléguant la conception et l’assemblage. Le coût du travail est à l’échelle de la marque plus bas que déléguer l’assemblage et la confection des composants.
Si l’approche du tout fait main en France par les créateurs eux-même, celle-ci a aussi des limites évidentes: pour l’instant, seuls quelques dizaines de modèles peuvent être produits chaque mois.
Si le coût du travail est en soit plus faible avec cette méthode, le coût d’opportunité est par contre conséquent et il est beaucoup plus compliqué de se consacrer à la croissance de la marque et à l’acquisition de nouveaux clients lorsqu’on doit passer ses journées à produire soit-même les produits.
Le mécanisme
Le mécanisme en photo (utilisé sur la 1922 et la 1972) est un mécanisme à quartz Suisse ETA, fiable et avec une pile d’une durée de vie de deux années. A part pour les grandes maisons horlogères (comme Jaeger-Lecoultre notamment, qui revendique le plus grand nombre de mécanismes crées), le mécanisme est rarement quelque chose de fait maison par les marques. D’autant plus qu’il s’agit généralement d’un composant plutôt bon marché, disponible entre les 30 et 40 euros: ce n’est du coup pas vraiment là que la création de valeur se fait dans une montre de cette gamme de prix.
Pour les puristes, Merci Nuage propose aussi une montre automatique, la 1889, une montre squelette à mécanisme apparent.
Les bracelets
En cuir
Ils sont faits maison à partir de cuirs sélectionnés par les créateurs: tout est donc fait main, de la coupe des cuirs jusqu’au perçage des trous et la pose de la cire sur les bords francs. Les cuirs sont issus de tanneries lyonnaises.
Le travail du laiton
C’est probablement ce qui m’a le plus impressionné dans toute la démarche, tant j’imaginais mal qu’on puisse travailler un matériau aussi dur dans son sous-sol.
Il faut aussi savoir qu’avant d’utiliser de l’acier inoxydable chromé, c’est justement du laiton dont on se servait pour produire les montres. Le laiton n’est à présent utilisé que pour produire certains composants des mouvements, mais sûrement pas pour en faire tout un boîtier comme c’est le cas ici, un beau clin d’oeil historique donc.
Grâce aux compétences d’artisans des fondateurs, la marque gère l’usinage de ce métal de A à Z. A partir des procédés classiques de tournage et de fraisage, ils parviennent à façonner un bloc de laiton pour en faire différents modèles.
De manière plus accessoire, des gravures personnalisées sont aussi possibles au dos des montres via machines numériques
Le packaging
Autre point qui m’a pas mal surpris lors de la visite de l’atelier: un packaging assez hors du commun qui s’appuie sur un coffret en chêne. (qui, je dois l’avouer change pas mal des traditionnels étuis en cuir synthétique et donne bien plus une impression de qualité et d’authenticité au produit).
Comme pour la plupart des composants des montres, l’étui est là encore sculpté et creusé par les fondateurs eux-même. Le tout est fourni avec une chamoisine en cuir véritable et une fiole de liquide à polir.
Voici probablement la seule marque à proposer un packaging dans ce genre de matières, en plus fait maison.
Le style
C’est là où ça devient plus délicat: le style des montres est beaucoup plus affirmé que ce qu’on a l’habitude de voir, en particulier du fait de l’épaisseur des boîtiers en laiton.
Autre point plus sensible: la couleur doré du laiton (en fait sa couleur naturelle) donne tout de suite un côté très précieux voire féminin à l’ensemble. Ne vous laissez cependant pas décourager par cet aspect: le laiton se patine naturellement avec le temps, comme un cuir tannage végétal il va devenir plus foncé jusqu’à atteindre une couleur bronze, ce qui est beaucoup plus masculin.
3/ Collection
La collection complète:
Parmi ces modèles, le 1869 (second en partant de la gauche) a retenu notre attention: il est un peu moins minimaliste que les modèles de base mais plus facile à porter que les montres squelettes au mécanisme complètement apparent.
Le modèle 1869
Il s’agit du premier modèle développé par Merci Nuage, qui a dû trouver pas mal d’ajustement avant de trouver la proportion idéale entre le cadran et le hublot.
Son nom, 1869, s’inspire de la date de la première publication de 20 000 lieues sous les mers, le premier roman de Jules Vernes. Le hublot qui donne sur le mécanisme est justement une référence au roman.
Conseils de style
Comme expliqué précédemment, on joue avec un bracelet en cuir plus sur un côté précieux, surtout avec le contraste doré/cuir foncé. La tenue de son côté est estivale mais soignée, avec un short sobre et une chemise à motifs micro dobby. On est pile dans le bon registre pour faire écho à cette montre qui, même si elle a un côté précieux, se portera plutôt dans des occasions décontractées.
Le modèle 1869 est disponible ici.
II TEST DU MODELE 1922 ART DECO
Lors de ma visite de l’atelier, Adrian travaillait justement sur une nouvelle pièce grâce à son procédé de gravure numérique avec un cadran un peu plus graphique qu’ à l’accoutumée. Il est très possible qu’on l’inclue dans une tenue dans les mois à venir 🙂
Il s’agit ici d’un premier prototype.
Finitions et composants
Voici en détails la composition de la montre, même si ça reprend en grande partie ce qu’on a déjà vu
Boîtier
Il est en laiton poli, avec un cadran de 35mm de diamètre qui convient à la plupart des poignets. Il n’est en soit pas si épais que ça (5,5mm), c’est en fait surtout l’aspect massif et uniforme du laiton qui donne une impression d’épaisseur (et de bloc)
Verre minéral
Le modèle de base propose un verre minéral plat qu’il est d’ailleurs quasi impossible de distinguer visuellement (on a au premier abord l’impression d’une absence de verre). Il est possible d’opter pour un verre en saphir au lieu du verre minéral classique.
Sur la version définitive, le verre sera bombé avec éventuellement la possibilité d’avoir du saphir en option.
Les aiguilles:
Sur le premier prototype, les aiguilles sont des aiguilles feuilles. Ce prototype a un poil évolué depuis: maintenant il y a une petite seconde placée à 6 heure, la couronne a une perle noir Swarovsky, et les boîtiers seront plaqués Or ou Palladium.
Voici un aperçu:
Conseils de style
Il s’agit ici de la même tenue que pour le précédent modèle: on a ici opté pour un bracelet en cuir clair camel légèrement plus texturé, qui permet ici encore de donner un côté plus casual à la montre.
Le camel est par ailleurs une couleur qui complète bien le bleu clair et le bleu marine de la tenue.
CONCLUSION
D’un point de vue esthétique, le laiton donne l’impression d’une montre assez massive, ce qui peut donner un côté bling-bling avec cette couleur dorée. Cependant, cette esthétique qui échappe aux normes, il serait dommage de ne pas souligner le travail artisanal de pointe qui se cache derrière chacun de ces modèles.
C’est un amour rare du travail bien fait que j’ai pu voir, rendu possible pour l’instant par de petites quantités: à voir par contre si Merci Nuage pourra poursuivre un tel travail en interne (et en maintenant un prix aussi bas) lorsqu’elle devra assurer plus de quantités (et c’est tout le mal qu’on lui souhaite).
C’est justement la limite en quantité de ce procédé de production permet d’avoir des pièces d’exception car rare et fabriquée de manière artisanale, le tout aussi fiable et aussi peu cher qu’une montre industrielle.
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