Vous le savez, j’aime beaucoup dans mes tests analyser l’évolution des marques et leur stratégie marketing pour se différencier de leurs concurrents et apporter de la valeur sur le marché.
Hast est un cas d’école puisqu’elle a commencée il y a dix ans comme une marque typiquement utilitaire, chez qui on va acheter une commodité (une belle chemise pas cher) et est parvenue à se transformer au fur et à mesure des années en marque aspirationnelle, chez qui on se rend pour son univers.
A travers cet article rétrospective sur la collection Hast dix ans, en édition limitée, nous allons voir d’abord comment elle s’y est prise pour se transformer, et ensuite tester quelques pièces de la collection.
Sommaire
I Hast: de la marque mono-produit à la marque aspirationnelle
Hast commence en 2013 avec un concept simple: vendre des chemises business double retors bien coupées et à un prix accessible (54€). Il s’agissait à l’époque de proposer une offre équivalente aux chemisiers anglais de Jermyn Street (Charles Tyrwhitt, TM Lewin etc), ce qui n’existait pas encore en France.
Il faut dire que la chemise est un vêtement qui s’use rapidement, surtout lorsqu’on travaille en bureau tous les jours (le télétravail était encore un rêve abstrait): Hast avait donc trouvé le subtil équilibre pour proposer une chemise business bien coupée, au tissu durable et confortable, portables aussi sans cravates, et à un prix accessible.
En soit, c’était déjà une formule gagnante pour cette jeune DNVB (marque digitale sans intermédiaires).
Il y avait toutefois un piège dans lequel la marque aurait pu tomber si elle était restée simplement sur cette formule: devenir une marque utilitaire, chez qui on va simplement acheter une bonne chemise de bureau pour pas cher.
La diversification
On en avait déjà parlé dans l’article précédent sur Hast (le test du costume en velours côtelé marron), l’arrivée d’autres vêtements s’est faite progressivement et de manière cohérente: d’abord des chinos, puis des pantalons habillés, des vestes et des costumes.
Si ces pièces là pouvaient parfois être assez basiques par rapport à ce qui se faisait déjà sur le marché, elles permettaient à la marque de commencer à se diversifier sans prendre trop de risques avant de s’aventurer dans des pièces plus marquées.
Ce qui est aussi important à observer, c’est que tout ça s’est fait très progressivement, sur 4 à 5 ans: il est donc au fur et à mesure normal de se diriger vers Hast pour autre chose que de la chemise.
De la même manière, elle a progressé simultanément sur les chemises en proposant:
– du casual: au départ des chambrays basiques, on s’est ensuite dirigé vers des mélanges de matières intelligents et des tissus chinés
– des chemises premiums, proposées à présent à 95€ avec un boutonnage Zampa di Gallina et des tissus Thomas Mason (la première marque à les proposer sous les 100€)
D’autres DNVB ont tenté des diversifications dans le prêt-à-porter beaucoup trop hâtives, en allant trop rapidement dans trop de directions différentes et sans vraiment construire de la confiance ni montrer de l’expertise.
La collection 10 ans
La collection Hiver dernière était déjà très aboutie: cette collection 10 ans va encore plus loin avec dix pièces en édition limitée de 100 pièces chacune qui se distinguent soit par des finitions particulières, soit par des matières haut-de-gamme.
Celles-ci sont mises en scène à travers dix tenues faciles à porter, qui balaient tous les registres classiques
Du casual, en passant par le workwear (avec une veste de travail en denim selvedge japonais et une chemise denim) en passant par le plus formel (chemise col financier, chemise blanche et veste croisée) pour finir sur de l’Ivy League (avec la chemise oxford).
J’ai pu tester la chemise col une pièce et la veste croisée. Voici tout de même d’autres pièces qui m’ont interpellé:
la chemise laine mérinos popover: on commence à s’habituer à la laine mérinos sur les chemises, en particulier pour le Printemps du fait de ses formidables propriétés thermorégulatrices. C’est une pièce confortable qu’on prend plaisir à porter dans un cadre détendu. Notons par ailleurs qu’elle est confectionnée au Portugal.
– la chemise oxford: dans le plus pur esprit Ivy League, j’ai beaucoup apprécié les pointes plutôt longues de ces chemises, qui permettent un joli roulé, ainsi que la poche poitrine qui rappelle l’esprit un peu utilitaire d’origine de ces chemises. Elle est confectionnée en Lituanie.
II Test de la chemise col une pièce
Hast vend sa première chemise le 10 Septembre 2012: il s’agissait d’une chemise en popeline blanche (pas très étonnant). Il était donc normal de la réinterpréter avec les honneurs.
La présence du col une pièce dans cette collection témoigne d’une vraie qualité de la marque Hast: elle sait écouter sa communauté. Elle l’avait prouvé en 2022 notamment en sortant sa gamme grand col (dont je porte les chemises très régulièrement).
C’est aussi sûrement une de mes finitions préférées, dont j’adore vous parler ( j’aurais presque pu mettre un #onepiececollar dans mes sujets de prédilection sur Linkedin)
Le col
Venons en plus sérieusement au fait et parlons de ce col une pièce. Il y a en fait différentes manières de faire un col une pièce et de gérer la manière dont il va se rabattre. On peut notamment utiliser:
– une patte de boutonnage: c’est la solution la plus simple, qui va limiter les coûts
– un thermocollant: c’est la solution la plus technique, car tout dépend du type de thermocollant utilisé. Il faut ainsi choisir un thermocollant adapté au tissu (ça ne fonctionne pas avec les tissus trop fins) et évidemment avoir un roulé identique des deux côtés. Il n’y a pas de patte de boutonnage donc ça peut être légèrement plus esthétique quand c’est réussi. Mais ça peut aussi être complètement raté si le thermocollant ne se plie pas correctement.
Ici, l’idée est de proposer une pièce abordable avec un tissu assez fin: c’est donc logiquement la patte de boutonnage qui a été retenue. C’était pour moi le meilleur choix à faire. Pour ce col spécial, la marque a fait appel à un atelier au Portugal.
Enfin, en termes de proportions: Hast a opté pour un col avec des pointes assez longues (ce qui accentue le roulé), mais sans qu’il ne remonte trop et n’avale le cou (comme c’est le cas avec les cols une pièce Yeossal par exemple)
Le tissu: un coton egyptien de chez THomas mason
Hast a été une des premières marques à vendre du Thomas Mason sous les 100€.
Ici, il s’agit d’une popeline de coton Giza double retors 120/2 de chez Thomas Mason: un bon titrage pour avoir de la un tissu fin et soyeux, mais qui permet tout de même d’avoir de la résistance.
Les finitions
Les finitions sont premium, avec tout le minimalisme qu’on attend de ce type de chemise:
– des boutons cousus en Zampa di Gallina
– une gorge discrète, juste doublée pour le maintien mais sans thermocollant
– des coutures anglaises à l’épaule
– une manche avec patte capucin
Pour le prix, c’est en soit cohérent. Sachant qu’on est sur du Thomas Mason et une confection portugaise, c’est au-delà de nos attentes.
La coupe
Pas grand chose à en dire: c’est une coupe semi-ajustée, sans pinces aux dos (celles-ci auraient un peu gâché le minimalisme qu’on recherche ici pour ce type de pièces).
II Test de la veste croisée Princière
Coupe et patronage
Ce qui m’a d’abord interpellé, c’est le patronage particulier de cette veste croisée. La plupart du temps, les revers seront très larges, très arrondis avec des pointes qui remontent trop haut.
Rien à voir ici puisque le cran est plus bas, les revers bien proportionnés (10.5 cm) et surtout plutôt droits pour un côté plus anglais qu’italien.
On remarquera d’ailleurs l’inclinaison du cran et en particulier l’anglaise (la démarcation entre le cran du revers et le début du col) presque horizontale: ça ne m’aurait pas étonné de voir ça sur une veste vintage mais je suis très agréablement surpris de voir ça sur du prêt-à-porter à ce prix
Et pour cause, ce dessin de revers est inspiré des vestes du Prince Philip Mountbatten jeune, avec un style très anglais et des pointes quasi horizontales (il adoptera par la suite un style plus contemporain avec des pointes classiques plus inclinées).
Structure et montage
Heureusement, la veste n’est pas aussi structurée que celle que portait à l’époque le Prince Philip: elle reste assez souple, malgré la présence d’un minimum de padding et d’une cigarette pour bien marquer la silhouette au niveau des épaules, et conserver un rendu net et cohérent avec ce style anglais.
ll s’agit d’un montage semi-entoilé, ce qui est extrêmement honorable vu qu’on parle d’une veste confectionnée au Portugal, avec une matière recherchée et un vrai travail stylistique.
Pour rappel, le semi-entoilé est le meilleur compromis pour une veste durable grâce à la présence d’une toile qui va épouser les formes de votre corps aux endroits les plus importants (épaule et torse notamment).
Enfin, l’intérieur est quant à lui semi-doublé, ce qui permet à cette veste grâce à sa laine nattée au tissage bien aéré (un peu comme un fresco) de pouvoir se porter également quant il fera un peu plus chaud (sans soucis jusqu’au 25 degrés).
Difficile enfin d’évoquer cette veste sans l’ajout personnel du directeur artistique: une lanière de fermeture à l’intérieur de la veste, à la place du traditionnel bouton. Cet ajout original avait été trouvé sur une veste vintage bespoke japonaise.
C’est assez déstabilisant au début, mais je dois dire que je trouve le maintien bien plus agréable comme ça. D’autant plus que les deux boutonnières présentes sur la lanière laissent davantage de flexibilité au porteur.
2 La matière
Sil ne s’agit pas d’un fresco, le tissage aéré de cette laine vierge super 110’s Marzotto le rappelle furieusement, en particulier lorsqu’on regarde au travers du dos non doublé.
Au-delà de ça, on apprécie en particulier le grain natté du tissu, qui fait à la fois penser à une maille, mais aussi un peu à un seersucker plus raffiné du fait de ses vaguelettes. En tout cas, il prend bien la lumière et est bien adapté au registre de ce blazer.
La veste croisée est disponible ici à 310€
Conseils de style
La chemise portée seule
Pour les beaux jours, vous pouvez considérer cette chemise avec un pantalon habillé. Je ne recommande d’habitude pas les chemises blanches en popeline de coton portées seules car trop lisses à mon goût: ici le one piece collar change la donne.
Evidemment, dans cette configuration, je vous recommande de la porter manches retroussées et d’accessoiriser avec montre et bracelets (dans mon cas, les tatouages aident aussi beaucoup).
Je porte avec la chemise col une pièce Hast:
– notre pantalon gurkha en coton Visconti (bientôt disponible en précommande)
– des mocassins en cuir suédé Morjas
– une montre Timex M79
– des bracelets Le Gramme.
Dans une tenue casual
Pour faire echo à ce col une pièce, j’ai choisi d’autres pièces aux finitions marquées: la première est la Jungle Jacket de Yeossal, une pièce à l’héritage militaire dont les poches et le donegal détonnent, et la seconde est un gurkha en coton khaki, encore une fois dans le plus pur héritage militaire de la pièce. Ces deux vêtements permettent aussi de casser le côté très lisse de la popeline blanche.
Je porte avec la chemise col une pièce Hast:
– notre pantalon gurkha en coton Visconti (bientôt disponible en précommande)
– des mocassins en cuir suédé Morjas
– notre cardigan épais en laine/cachemire (en collaboration avec Paris-Yorker)
– une Jungle Jacket Yeossal
Tenue habillée
Cela aurait été dommage de reproduire à l’identique le fameux style preppy blazer bleu marine et pantalon habillé gris que tout le monde connaît. Je l’ai donc un peu détourné avec notre pantalon gurkha khaki héritage (que nous allons bientôt sortir).
Je porte la veste croisée Hast avec:
– la chemise col une pièce Hast
– une cravate vintage
– notre pantalon gurkha héritage khaki (bientôt dispo)
– des Crockett&Jones Boston
Voici une variation, avec une autre cravate (ainsi que le pantalon légèrement retouché):
Et ici sans cravates du tout: on put admirer le roulé du col une pièce. Et aussi s’apercevoir que cette veste croisée se porte aussi bien de manière plus décontractée.
Conclusion
Je l’avais dit dans le dernier article, Hast prend le bon chemin pour devenir une marque de vêtement complète et aspirationelle, c’est à dire c’est qui on va car on aime son univers et qu’elle projette un idéal qui nous correspond.
C’est dire en 10 ans le chemin parcouru depuis la simple marque de chemises business.
Toute cette évolution est au final dûe à une succession incrémentale de nouveaux produits et d’initiatives originales: elles peuvent parfois être indépendamment surprenantes mais permettent d’arriver au résultat que l’on connaît aujourd’hui.
Cette collection capsule en édition limitée pour les 10 ans de la marque en fait partie: elle pose pour moi les bases de nouvelles pièces fortes dans les collections à venir qui promettent de se démarquer encore plus.
J’ai en tout cas été très séduit par la chemise col une pièce: avec cette qualité de confection, ce tissu et ce col, je ne pense pas qu’Hast fasse énormément de marges en la vendant 105€. Il s’agit surtout d’un produit image pour montrer jusqu’où peut aller la marque: le rapport qualité/prix est donc pour moi imbattable et je vous recommande chaudement d’acheter une des dizaines de pièces restantes.
De la même manière, au vu de sa confection portugaise et de son montage semi-entoilé, la veste croisée n’a pas grand chose à prouver en termes de rapport qualité-prix. Elle se distingue encore davantage avec le dessin de son revers original, qu’on ne retrouve pas vraiment d’habitude en prêt-à-porter, par sa laine nattée et enfin par sa lanière de fermeture. Tout ceci en fait une pièce unique à un prix assez dérisoire, et qui montre l’attachement de Hast aux détails pointus.
La chemise col une pièce est disponible ici à 105€
La veste croisée est disponible ici à 310€
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