Voici le troisième article de la série sur les bottes où on aborde enfin les vrais bottes d’homme qui coupent du bois ou élèvent des chèvres: les work boots / combat boots.
Work boots ou combat boots ? C’est un peu une distinction de geek du textile et le terme le plus couramment utilisé en ce moment est davantage combat boots en France.
On va voir rapidement les origines de cette pièce, puis des conseils de style (avec beaucoup de workwear porn ou d’Americana porn). J’ai aussi choisi de vous parler de Red Wing: c’est une marque que vous connaissez déjà mais qui a su habilement tirer son épingle du jeu grâce à quelques modèles simples et de référence.
J’évoque d’autres modèles emblématiques et d’autres marques bon marché dans le guide des bottes et bottines .
Sommaire
I Combat boots: les origines
Porter des chaussures nous semble commun aujourd’hui. Et pourtant, pour la majorité de la population mondiale à travers l’histoire, elles n’étaient portées que pendant les batailles.C’est à partir de l’Antiquité qu’on a réfléchit au meilleur moyen de relier la semelle et la tige. Cet aspect montre son importance par exemple lors de la Guerre d’Indépendance où la cavalerie est équipée de bottes de cowboy inappropriée au combat.
Lors de la Seconde Guerre Mondiale, bien plus de soldats ont été neutralisés du fait de pieds gelés dans la boue des tranchées, qu’à cause des soldats allemands.
Pour empêcher la boue de rentrer, on utilisa donc progressivement une tige de cuir (pour l’étanchéité) et une boucle (pour fermer la chaussure).
Deux exigences subsistent: garantir l’adhérence au sol et la stabilité (notamment en protégeant la cheville).
Deux réponses techniques: les semelles en caoutchouc à crampons pour pouvoir marcher même dans la boue la plus glissante, avec un renfort d’acier à l’avant (un bout coqué) pour garantir la stabilité.
Et, évidemment, une tige montante pour maintenir la cheville plus efficacement.
Ces concepts sont le propre des combat boots, mais sont réexploités pour des usages civil, de loisir, comme la randonnée, la chasse ou la pêche.
Dans la sélection que je vous propose, j’ai tenté de vous proposer un juste compromis entre confort et esthétique. Certaines paires de puristes sont incontournables d’un point de vue confort, qualité et durabilité mais ont un rendu vraiment trop brut qu’il serait difficile d’assumer en ville.
Un modèle polyvalent
Si ces bottes étaient à la base prévues pour des travaux pénibles et négligeaient l’aspect esthétique, on peut à présent viser un équilibre entre apparence et durabilité.
Malgré une simplicité brute, les marques héritage parviennent de plus en plus à insérer des touches bien pensées de sophistication dans leur création.
Si elle remplissent à peu près le même rôle en hiver que des sneakers en toile un peu décontractées, on peut aussi les assortir dans un contexte un peu plus habillé, voir même avec un costume.C’est en particulier plus approprié avec des bottes à bouts fleuris, comme ce modèle de Grenson qui mélange la texture des brogues et les semelles Vibram.
Si la semelle vibram est peu appropriée dans un contexte formel, ces bottes sont assez durables pour pouvoir être resemellées avec une semelle en cuir classique, plus fine.
Comment porter une paire de combat boots ?
Le mariage bottes et pantalons
Bien porter des combat boots, cela passe avant tout par un stacking réussi: c’est à dire la manière dont le jean ou le pantalon fait des plis quand on le rentre dans la botte.
Vous ne pourrez par contre jamais trouver un jean qui a un rendu parfait quelque soit la chaussure portée, ça n’existe pas.
C’est plutôt une association un peu compliquée qui fonctionne surtout par couple. Les règles qui suivent vous guideront un peu dans cette notion brumeuse, mais vous devrez procéder par vous même à quelques ajustements, et probablement aller voir un retoucheur pour avoir un rendu parfait.
Le mieux à faire est d’aller le voir avec un pantalon et la paire de chaussures que vous comptez mettre avec le plus souvent puis de voir avec lui comment resserrer l’ouverture à la cheville jusqu’à obtenir le rendu désiré.
Plus généralement, une ouverture à la cheville qui marche bien avec les combat boots, épaisses et imposantes, c’est le 19-21. L’explication est simple: si vous prenez plus serré vous aurez l’air d’avoir des allumettes à la place des jambes et si vous prenez plus large, vous ne pourrez pas rentrer le jean dans les bottes.
Il faut ensuite faire du cas par cas en fonction du modèle des bottes (de leur finesse, de l’ouverture qui peut être large ou serrée) et aussi de votre pointure (si vous faites du 44-45, ça sera forcément plus vers une ouverture à la cheville d’au moins 19 à 20 cm qu’il faudra vous orienter.
Voici quelques beaux exemples de tombés:
Avec un jean rentré, mais qui ne valorise pas spécialement la languette:
Avec des chinos:
Et la taille ?
Porter des combat boots, c’est aussi une question de taille. Les plus viriles d’entre elles ont par exemple une boucle qui impliquent forcément de rentrer le jean dans la botte Si vous êtes petit, vous devez être vigilant sur la coupe du jean de manière à ce qu’elle ne fasse pas un tas informe.
C’est par contre du pain béni si vous êtes grand et fin car des combat boots rajouteront facilement du volume en bas pour équilibrer votre silhouette
Une marque: Red Wing
Red Wing est une marque du Minnesota de la ville éponyme fondée en 1905 par Charles Beckmannn. La marque se destine à la base aux mineurs, fermiers et bûcherons.
Elle aura sû de manière admirable conserver un savoir-faire et un équipement centenaire qui cohabite de manière cohérente avec des machines plus récentes.
La vision de la marque est exemplaire dans le prêt à porter: la croissance de ses ventes lui permet avant tout de réinvestir dans la qualité de ses points de vente et de ses produits, et non pas dans la quantité et la croissance du chiffre d’affaire.
La marque travaille depuis sa création avec une tannerie: S.B Foot Tannery, rachetée en 1987 par Red Wing. Il s’agit probablement de la plus grosse tannerie des Etats-Unis à la production complèment intégrée: on a des peaux de vache à l’entrée et du cuir à la sortie.
En 2004 Red Wing crée une ligne Lifestyle qui capitalise sur le coeur de métiers de la marque et ses produits phare. Rebaptisée plus tard Héritage, elle trouve son marché le plus large au Japon où la population est friande de ces vêtements empreints d’histoire.
Cette ligne a d’ailleurs étrangement le plus de mal à se vendre aux Etats-Unis, du fait d’une plus forte sensibilité à un prix élevé que la population japonaise. Une tendance qui tend néanmoins à s’inverser grâce à l’attrait du Made in Usa.
Cette marque est d’ailleurs très représentative du phénomène de shoe porn et de workwear porn qu’on voit de plus en plus sur les réseaux sociaux, pinterest et tumblr en tête, et qui est très prisé du public asiatique (après les US, le pays avec le plus de fans FB de la marque est en fait Taiwan). L’Américana et les modèles vintage sont particulièrement mis en avant.
Des bloggeurs comme Scott Schuman, The Sartorialist, ont aussi contribué à ce retour sur le devant de la scène (improbable pour un mec qui photographie 90% de mecs avec des blazers croisés aux boutons dorés et des pochettes).
Quelques modèles emblématiques de combat boots
Voici quelques modèles caractéristiques de la ligne Héritage
Les Iron Ranger
Ces bottes étaient portés par les mineurs du Minnesota au début du 20è siècle. Leur métier était dangereux et pénible et une protection supplémentaire était nécessaire: c’est pourquoi le talon et le bout de la chaussure bénéficiaient d’une double couche de cuir. Celui-ci était également soigneusement ciré et huilé afin d’être complètement imperméable.
La ligne Maine
La ligne Maine cousue main dans un cuir plus léger, souvent en Moc Toe (avec un bout carré et des coutures très apparentes). Celles-ci peuvent se porter au printemps et en été avec de fines chaussettes de laine. Elles sont par contres surtout vendues dans les boutiques japonaises un peu pointues, comme Beams ou United Arrows.
Les collaborations
Red Wing choisit minutieusement ses collaborations, pour ne pas diluer son histoire de marque
Les bottes Munson, avec Nigel Cabourn
Nigel Cabourn rachète des bottes Munson (du nom de l’inventeur de la forme, Edward Munson) portées par les soldats lors de la 1è Guerre Mondiale. Le cuir est impeccablement graissé et huilé pour garantir une imperméabilité maximale.
On a une deux semelles hyper épaisses et cousues, l’une en cuir et l’autre en caoutchouc.
Enfin, la doublure intérieur est en Harris Tweed. Malheureusement, cette belle collaboration date déjà de 2012
Epilogue: des bottes qui durent tout une vie
Si on a affaire à du simple cuir de vache et non pas du cuir cordovan de chez Horween, les bottes de chez Red Wing restent à l’épreuve du temps: une paire peut être resemellée de 3 à 7 fois. L’opération coûte chez Red Wing 95$, et moins d’une centaine d’euros chez un cordonnier classique en France et se fait au pire tous les 3 ans (à moins d’avoir un usage vraiment intensif de vos bottes). Bref, un investissement sacrément rentable et une seconde jeunesse que vous apprécierez forcément après chaque resemelage (c’est comme acheter une paire neuve mais avec le confort d’une paire déjà formée).
Hello Valery,
Je viens de me prendre une paire de RW chukka. Niveau taille c’est plutôt bon, hormis le fait que ça me fait un peu mal aux orteils quand je marche. Tu me conseilles de les renvoyer ou d’attendre que la paire se fasse à mes pieds, ou le contraire …