Vous le savez, la vocation de JamaisVulgaire n’est pas d’aller dans un sartorialisme ultra-pointu et de ne vous parler que de grande mesure.
On souhaite par contre aller toujours plus loin dans le monde de la demi-mesure, et vous présenter toutes les alternatives qui peuvent s’offrir à vous, autant en terme de prise de mesure, que de choix des matières ou de lieux de fabrication.
J’ai dans cette optique été ravi de découvrir l’enseigne Maison Pen, qui propose une demi-mesure de qualité confectionnée à Rome, avec un entoilage intégral (et quel entoilage) et qui dispose de son propre atelier pour la grande mesure.
Sommaire
I PRESENTATION DE MAISON PEN: UN SAVOIR-FAIRE SANS CONCESSIONS
Maison Pen est une maison très traditionnelle de mesure qui propose à la fois de la demi-mesure et de la grande mesure: son gros point fort est d’avoir une équipe de tailleurs en interne pour procéder directement aux modifications une fois le costume livré. (une équipe de tailleurs et de retoucheurs plutôt qualifiée qui travaille pour des enseignes prestigieuses de la rue Saint-Honoré)
En demi-mesure les costumes sont faits en Italie puis retouchés à Paris.
Le processus de commande
On procède d’abord choix du tissu et à la personnalisation du modèle avec Théophile Cormillot, le directeur des ventes de la maison: c’est un vrai expert qui saura vous guider autant sur les différents drapiers que sur les subtilités des finitions. Il m’a même apprit qu’on pouvait faire des double milanaise (une sur chaque revers) sur certains costumes croisés, pour un style à l’itaienne. C’est ensuite lui qui sera votre interlocuteur en terme de suivi de la commande et de service client, s’il après quelques ports vous jugez qu’il y a des retouches à effectuer.
Les mesures sont prises par Assane Pene, le fondateur de Maison Pen (qui s’appelait auparavant Couture Pasquier, et qui avait déjà à l’époque la réputation d’être le meilleur retoucheur de Paris).
Avant Couture Pasquier, celui-ci avait une autre boutique à Montparnasse où il travaillait déjà pour de grandes maisons comme Cifonelli, Camps de Luca ou encore Smalto.
Les plus grandes maisons lui ont fait confiance grâce à ses 25 années d’expérience: il débute à Dakkar dès 14 ans et rejoint ensuite, après quelques années d’expérience, Paris en 2003.
La demi mesure
Elle est confectionnée à 1H de Rome: le patronage et les finitions sont faits mains. Cela permet plus de flexibilité et par exemple de choisir des revers plus larges.
Parmi les tissus disponibles, on trouve notamment de la flanelle Fox Brothers (le vrai inventeur de la flannelle), Drapers, Scabal et les plus classiques Vitale Barberis Canonico et Loro Piana.
L’entrée de gamme en demi-mesure est à 980 euros avec une sélection de tissus ciblée (mais ultra qualitative) avec notamment du Holland&Sherry: pour cette offre la milanaise est faite main mais pas les boutonnières.
On trouve à partir de 1300 euros des tissus Scabal, Loro Piana et Drapers.: pour cette offre toutes les boutonnières et les rabattements sont faits à la main à Paris par l’équipe de Maison Pen.
L’atelier
C’est du coup un des rares tailleurs en demi-mesure de Paris qui dispose de son propre atelier pour la retouche, et aussi pour la confection de A à Z des costumes en grande mesure.
La construction
Maison Pen a un parti prit fort très traditionnel: tous les costumes ne sont disponibles qu’en entoilage intégral, afin de garder le lien avec la grande mesure où un costume est toujours entoilé intégralement pour des questions de durabilité. (et où le semi-entoilé est toujours plus synonyme de moyen de gamme). N’hésitez pas à consulter notre article sur l’entoilage pour en savoir plus.
L’idée est aussi d’avoir une offre clairement positionnée haut de gamme, surtout chez cette enseigne où des clients viennent faire retoucher des pièces de marques prestigieuses comme Arnys.
La maison Pen collabore également avec l’industrie du cinéma et plusieurs acteurs sont des clients réguliers comme Lambert Wilson, Fabrice Lucchini ou encore Manu Payet.
(Crédits: @maisonpen)
L’essayage se fait en plusieurs étapes:
– un premier essayage a lieu sans boutonnière avec le fil de bâti
– un deuxième essayage avec ou sans boutonnière (selon le déroulement du premier essayage)
Un suivi et des retouches sont possibles même quelques mois plus tard.
La grande mesure comporte quant à elle trois voire quatre essayages. Dans le cas de la grande mesure, qui n’est pas l’objet de ce test, tout est fait 100% à la main.
L’offre jean
Maison Pen travaille aussi sur une offre jean en toile japonaise Kurabo.
Il faut dire que la spécialité d’Assane Penne est un vestiaire plus sport: de nombreux clients viennent se faire confectionner des jeans, des vestes sahariennes, ou des vestes avec empiècements en cuir. Il travaille aussi beaucoup en grande mesure dans le vestiaire sport et casual.
La qualité des toiles utilisés par Maison Pen la place sans problèmes au sein de notre guide ultime sur le jean.
II LE PROCESSUS DE LA DEMI-MESURE EN DEUX ESSAYAGES
Le premier essayage
N’ayant jamais fait de costume en grande mesure, ça me fait tout drôle de faire plusieurs essayages: et c’est ainsi la première fois que j’essaie une première version de costume sans boutons ni boutonnières.
Il s’agit de se faire une première idée du tombé du costume, voir quelles sont les retouches à effectuer, et surtout déterminer de la manière la plus précise la position idéale des boutons.
Ainsi, lors de l’essayage, Assane dessine plusieurs points de repère qui seront utilisés par l’atelier pour placer les boutons du double boutonnage.
Ca permet vraiment d’avoir un tombé optimal. D’autant plus que dans la demi-mesure classique, c’est rarement quelque chose qu’on peut facilement retoucher une fois que le costume est prêt (et ça nécessite souvent le cas échéant un renvoi à l’atelier)
Une retouche mineure a été effectuée au niveau du cintrage de la veste:
On en profite au passage pour ajuster légèrement la taille.
Je ne me souviens plus exactement du rôle de cette croix: peut-être un dernier ajustement au niveau de l’épaule et de la position des bras (j’ai une position naturelle des bras très en avant, comme la plupart des gens qui travaillent sur ordinateur).
Cet essayage permet une énorme différence en terme de qualité du fit par rapport à de la demi-mesure classique: le processus de travail est beaucoup plus logique puisque les ajustements se font avant la pose des boutons et des boutonnières (ce qui est plus simple que d’ajuster sur une veste où les boutons et boutonnières sont déjà en place).
Le deuxième essayage
Le costume est prêt: il s’agit de l’essayer avec les boutonnières et les boutons. Lorsque tout va bien (la plupart du temps donc), c’est l’essayage final et on peut repartir avec le costume.
Une fois le tombé, la coupe et les différentes longueur validées, on peut se dire que l’essayage est concluant !
TEST DU COSTUME MAISON PEN
Le tissu: une laine Fresco de chez Hardy Minnis
On pourrait s’attendre à ce que le Fresco soit un tissu italien, d’une part car fresco veut dire frais en italien, et d’autres part car ça serait plutôt cohérent avec le climat. Le Fresco vient en fait de Grande-Bretagne et est une invention brevetée en 1907 par la société J&J Minnis (devenue Hardy Minnis, le drappier qu’on a donc choisit pour ce costume, qui appartient à Huddersfield).
Le fresco est tissé à partir de plusieurs types de fils de laine torsadé avec un tissage uni: ce tissage torsadé donne à la fois un tissu dense et lourd, mais aussi un tissage ouvert et aéré qui laisse bien circuler l’air et qui vous laissera apprécier la moindre brise estivale. C’est sûrement le seul tissu estival à concilier respirabilité et durabilité.
Du fait d’un tissage ouvert, le tissu fresco est peu opaque, et dans ses versions les plus légères presque transparent si on le regarde sous le soleil. Afin de cacher cette transparence, on confectionne donc peu de frescos unis, mais plutôt des tissus à motifs. Les version unies sont réservées aux frescos les plus lourds.
Le gros avantage de ce tissu est un vrai tombé qui lui donne beaucoup plus de consistance que la plupart des autres tissus d’été. Attention par contre, quelle que soit la densité du tissu, son tissage très ouvert ne le rends pas portable en dehors de la saison Printemps/Ete. (surtout si vous le portez non doublé, vous sentirez le moindre courant d’air).
Attention aussi au touché légèrement rêche de ce genre de tissu très texturé.
Hardy Minnis propose à la fois du Fresco Lite de seulement 9 oz, avec un touché plus doux, mais aussi le Fresco Original (10 oz), un mélange de Fresco mohair et un Fresco triple torsade à 15 oz.
A propos de Hardy Minnis
Hardy Minnis est le résultat de la fusion de deux célèbres drapiers britanniques: John G Hardy et J&J Minnis, ayant toutes deux fait leur preuves et étant ultra reconnues.
John G Hardy se lance en 1890 en chinant les petits fabricants locaux à la recherche des meilleurs tissus Tweed et Country: il fut le premier drappier à visiter les Highlands et les Hébrides et à ainsi introduire le Shetland et le tissu Harris Tweed aux tailleurs du monde entier. Ce sont des tissus très spécifique comme le Alsport (une variation de tweed) qui l’ont fait connaître par la famille royale: ilu habilla d’abord les brigades de Georges VI et devint ensuite fournisseur officiel de la famille royale (le prestigieux Official Warrant
J&J Minnis est fondé de son côté en 1874 par les frères James et John Minnis: il s’agit d’un des plus anciens drapiers dans le monde, qui s’est installé à Savile Row dès 1902. L’enseigne se fait surtout une réputation pour des tissus de luxe et des motifs travaillés. C’est aussi le premier drapier à avoir exporté des tissus britanniques sur le marché japonais.
Bref, je ne connaissais pas bien Hardy Minnis, qui est tout de même le résultat de la fusion d’un drapier qui a faît connaître le tweed avec un drapier qui a breveté le Fresco. Pas une mince affaire donc.
Les finitions
Revers et milanaise
Avec ce genre de rayures craies prononcées et très espacées sur un costume croisé, le style est forcément affirmé et les revers doivent suivre: j’ai choisi une largeur de 9,5 cm. Assez pour rester cohérent, mais pas oversize non plus.
Boutonnières
C’est le gros avantage de Maison Pen: non seulement elles sont placées exactement où il faut grâce au premier essayage. Et en plus elles sont confectionnées à la main à Paris, selon les mêmes standards que pour la grande mesure.
C’est du coup le costume de ma garde-robe avec les plus belles boutonnières.
Taille
De jolies pattes de serrage, avec des coutures renforcées mais discrètes.
Doublure
On a été très sages sur la doublure: il s’agit avant tout d’un costume formel d’été sur lequel on veut mettre en avant la matière en restant sobre sur tout le reste.
A l’intérieur de la veste se trouvent une poche intérieur de chaque côté au niveau de la poitrine, ainsi qu’une poche ticket et une poche smartphone (pour une fois relativement grande) sur la gauche.
Conseils de style
Je vais être franc: j’ai tenté un vague cosplay Kingsman sur ce test (certain d’entre vous ont déjà peut être reconnu les rayures blanches et rouge sur fond bleu du film) et ça n’a pas été un franc succès. Pourquoi ? Car je portais tout simplement une cravate un peu trop étroite par rapport aux revers (et sur laquelle je n’ai d’ailleurs pas réussi à faire de goutte correcte). J’ai opté pour des double boucle Carlos Santos assez classiques.
CONCLUSION
Si vous êtes habitué à de la demi-mesure classique (dans des budgets de 500 à 800 euros), alors vous allez être surpris du bond en avant qualitatif que propose Maison Pen avec cette demi-mesure faite à Rome.
Pour un prix de départ de 980 euros, la formule est plutôt compétitive si on prend en compte le fait qu’on a par défaut un costume entoilé complet (avec d’ailleurs le meilleur entoilage parmi tous les costumes que j’ai pu essayer jusqu’à présent) et des finitions d’une qualité impressionnante.
La formule à 1300 euros donne accès à des tissus plus pointus, et aussi à tous le savoir-faire de la Maison Pen pour les finitions, avec en particulier des boutonnières et une milanaise faites mains, qui sont elles aussi de loin les plus belles de ma garde-robe actuelle. C’est sûrement une des formules à Paris qui se rapproche le plus de la grande mesure, en terme de fit et de qualité des finitions.
Bref, si vous voulez un très beau costume et que vous avez un budget entre 980 et 1500 euros, je vous recommande chaudement d’y aller.
Merci à Léa Chamboncel pour toutes les photographies de cet article.