Montres Citizen Super Titanium des années 1990 : l’arbitrage inexploité des années 90

Pendant que l’horlogerie suisse célébrait ses traditions séculaires, Citizen développait en secret une technologie spatiale qui allait bouleverser notre perception du luxe horloger. Ces montres oubliées des années 90, aujourd’hui accessibles pour moins de 1 500 €, représentent l’un des derniers arbitrages inexploités du marché vintage.


Une Rolex Submariner pèse 155 grammes. Une Omega Speedmaster, 140 grammes. Les Citizen dont je vais vous parler ? À peine 62 grammes. Pourtant, elles sont cinq fois plus résistantes aux rayures que l’acier des manufactures suisses.

Comment est-ce possible ?

Dans les laboratoires de Citizen, dès 1990, une équipe d’ingénieurs perfectionnait une technologie de carbonitruration ionique directement issue du programme spatial japonais. Le résultat : un titane durci à **1 200 HV** — là où l’acier 316L plafonne péniblement à 250 HV. Les pilotes de la Japan Airlines furent les premiers à comprendre. Puis les ingénieurs de Sony. Aujourd’hui, alors que Tudor facture sa Pelagos 39 en titane à plus de 4 000 € et qu’Apple Marketing nous vante les mérites de ce métal “révolutionnaire”, ces pionnières japonaises restent étrangement sous-cotées.

Le plus fascinant ? Leur trajectoire de prix suit une courbe exponentielle discrète mais implacable. Ce qui s’échangeait à 600 € en 2014 franchit aujourd’hui la barre des 1 300 €. Les collectionneurs avisés ont déjà compris. Les autres découvriront bientôt ce que signifie vraiment le terme “Super Titanium”.

La Citizen X-8 Chronometer de 1970, première montre en titane au monde
Citizen X-8 Chronometer (1970) – première montre-bracelet en titane de l’histoire, fruit du projet secret « AT » (Aluminium-Titane) de Citizen. Boîtier léger mais sensible aux rayures, cette pionnière posait les bases de la révolution du titane en horlogerie.

#titaniumtuesday inonde aujourd’hui les réseaux des collectionneurs et les géants comme Apple (Watch Ultra) ou Tudor (Pelagos 39) ont remis le titane au centre du jeu horloger. Pourtant, un chapitre fascinant de l’histoire de ce matériau reste méconnu. Loin des projecteurs actuels, les années 1990 ne furent pas seulement la décennie du quartz triomphant, mais aussi le théâtre d’une révolution silencieuse menée par Citizen. La marque japonaise ne s’est pas contentée d’utiliser le titane ; elle l’a réinventé. Cet article propose de redécouvrir cinq légendes ultralégères de cette époque : des montres dotées d’une technologie de pointe, historiquement significatives et, surtout, actuellement sous-évaluées sur le marché. Ces références, accessibles aujourd’hui pour moins de 1 500 €, représentent des actifs de collection dont la trajectoire de valeur est sur le point de connaître une correction. Voici notre guide analytique et d’investissement pour ces futurs classiques.

1. Contexte historique : la genèse du Super Titanium

Citizen Crystron en acier plaqué titane or (Mirador 1978)
Citizen Crystron « Mirador » (1978) – boîtier en acier avec placage ionique de nitrure de titane (couleur or). Ce traitement « Mirador IP » atteignait ~750 HV, cinq fois plus dur qu’un plaquage or classique, annonçant les futures avancées Duratect.

Citizen a une longue histoire avec le titane. Dès 1970, elle lance la X-8 Chronometer – première montre en titane pur au monde. Ce matériau léger (40 % plus léger que l’acier) et anticorrosion pose toutefois des défis : il se raye facilement du fait de sa tendreté (200 HV environ). Tout au long des années 1970-80, Citizen expérimente donc des traitements de surface durcissants. En 1978, la technologie Mirador dépose par ionisation une fine couche de nitrure de titane sur acier poli : le boîtier gagne une dureté ~700-800 HV et une teinte dorée inaltérable. D’autres procédés suivent : Hardamite (la première Citizen noire, boîtier aluminium durci) dès 1970, puis des alliages ultra durs UHS, SHA, UHAG atteignant 1200-1500 HV. Ainsi, bien avant les années 90, Citizen maîtrise déjà l’art d’enduire ou d’alliager des métaux pour les rendre plus résistants aux rayures.

Extrait de catalogue Citizen 1983 – gamme Sporte titane (Ti, TIN)
Extrait du catalogue Citizen 1983 – la gamme Sporte propose des montres en titane pur (code TI) et en titane nitruré or (code TIN dur ~1000 HV). Une étape importante dans la démocratisation du titane durci avant l’ère « Super Titanium ».

C’est en 1987 que Citizen dévoile la ligne Attesa, vitrine de son savoir-faire titane. Deux modèles inauguraux (ATD53-1046 et 1056) arborent un revêtement multicouche transparent (verre trempé) sur boîtier titane pour prévenir rayures et traces de doigts – une solution astucieuse en attendant mieux. La même année, au Baselworld, Citizen présente un dépôt DLC (Diamond Like Carbon) sur acier : un carbone amorphe très dur (~1500 HV) ouvrant la voie aux revêtements noirs inrayables. La table était mise pour l’étape suivante.

1990 : naissance du Super Titanium. Citizen introduit alors un traitement par carbonitruration ionique sur titane pur, baptisé plus tard Duratect TiC. L’objectif ? Transformer la surface du métal en un alliage titane-carbone ultradense (carbure de titane), atteignant ~1200 HV. Ce titane « super » durci conserve la légèreté et la résistance interne à la corrosion du titane, tout en se dotant d’une carapace cinq fois plus dure que l’acier (l’acier 316L plafonne à ~200-250 HV). Ainsi naît le Super Titanium™, aboutissement de vingt ans de R&D maison. Citizen le décline d’abord dans son marché domestique (JDM), sur des montres techniques où la robustesse prime : Attesa bien sûr, mais aussi Promaster.

Citizen Professional Diver 800 m (1987) avec traitement TIB/IG
Citizen Professional Diver 800 m (1987) – boîtier titane traité TIB/IG (Titane noir + placage or ionique). Ces montres de saturation, adoptées par les plongeurs pro, préfigurent l’utilisation du titane dans la série Promaster des années 90. Poids plume et robustesse extrême.

Pourquoi le titane intéresse-t-il autant Citizen ? Parce qu’il offre un confort inégalé en usage professionnel. 40 % plus léger que l’acier, antiallergique (absence de nickel) et inoxydable, le titane est le matériau rêvé des pilotes et ingénieurs exposés aux environnements contraignants. En 1990, quand Citizen commence à commercialiser ses montres Super Titanium, celles-ci sont immédiatement adoptées par des groupes d’utilisateurs avertis : les pilotes de la JAL (Japan Airlines) apprécient leur faible poids en cockpit, les ingénieurs de Sony les portent sur les lignes de production (pas d’oxydation dans les salles blanches), et – anecdote célèbre – plusieurs figures de la Silicon Valley de 1995 s’affichent avec ces Attesa ultralégères, symboles d’une technologie de pointe discrète.

Un Boeing 747 de la Japan Airlines en 1995
Un Boeing 747 de la Japan Airlines en 1995. C’est chez JAL que les premières Citizen Attesa titane ont été testées en conditions réelles par les pilotes dès le début des années 90. Légèreté, robustesse et absence totale de magnétisme : des atouts de taille dans un cockpit d’avion.

1994 : Attesa et Promaster en vitrine. Après quelques années de rodage, Citizen multiplie les lancements en Super Titanium Duratect. La gamme Attesa introduit des complications utiles (calendriers perpétuels, alarmes multiples, heures universelles) dans des boîtiers titane élégants, à destination des professionnels urbains. Parallèlement, la collection Promaster – très orientée aventure – accueille des versions titane de ses modèles phares : montres de plongée saturation, chronographes de pilote, etc. Pour rappel, en 1995, Citizen met sur le marché le premier diver Eco-Drive 300 m en titane (calibre E365, réserve 1 an) qui sera utilisé en plongée professionnelle. Bref, le titane envahit tout le catalogue Citizen en haut de gamme JDM.

Publicité Citizen pour le Super Titanium

Duratect, Perfex… Ces noms apparaissent dans les publicités Citizen de l’époque, vantant des montres 5× plus résistantes aux rayures. Duratect désigne le traitement de surface (TiC ou DLC) ; Perfex regroupe les innovations garantissant la précision malgré les chocs et perturbations (système antichoc, aiguille auto-correctrice, antimagnétisme). Un packaging marketing qui positionne Citizen comme leader technologique nippon face à Seiko.

2. Méthodologie d’évaluation des modèles

Pour identifier cinq références super-titane des 90’s au fort potentiel de réévaluation, nous avons croisé plusieurs sources : enchères Yahoo! Japon, marché international via Chrono24 (en particulier US, HK, Singapour) et vente entre collectionneurs (forums privés, Rakuten JP). Nous avons fixé un budget plafond de 1 500 € (soit environ 1 620 $ US / 13 700 HK$ / 2 350 S$ en 2025) afin de cibler des pièces encore « abordables » par rapport à leur rareté et leurs caractéristiques techniques. Chaque modèle est évalué selon :

  • Prix d’échange 2014 vs 2025 : nous indiquons le prix moyen observé en 2014 (débuts du marché vintage quartz haut de gamme) et celui de 2025, afin de mesurer la plus-value dégagée.
  • TCAM (taux de croissance annuel moyen) sur 11 ans, pour lisser les variations annuelles.
  • Indice de liquidité : Haute (se vend généralement en quelques jours/semaines), Moyenne (quelques mois), Faible (plus de 6 mois en ligne en moyenne). Cet indice synthétise la vitesse de revente, cruciale pour un investisseur – une liquidité faible indique une niche d’initiés (mais peut signifier un futur réservoir de demande insatisfaite).
Schéma Citizen (1996) – miniaturisation de l’antenne radio dans une montre Eco-Drive
Schéma Citizen (~1996) – pour intégrer l’antenne dans une montre titane, les ingénieurs Citizen ont dû redoubler d’efforts (positionnement à 9h, développement de circuits à faible consommation, etc.). Le modèle Attesa « Sky » de 1996 fut la première montre radio-contrôlée solaire en boîtier Super Titanium, une prouesse saluée par la communauté horlogère nippone.

Nos estimations de prix s’appuient sur des ventes récentes constatées (avec ou sans boîtes/papiers, dans l’état que nous jugeons collectable sans restauration majeure). À noter que le marché japonais reste la principale source de ces pièces : plus de 80 % des transactions observées ont lieu au Japon en 2020-2025. Cependant, la demande étrangère monte, notamment aux USA où les collectionneurs commencent à découvrir ces « sleeper hits ».

Enfin, nous avons consulté les archives Citizen JDM 1995-1999 pour collecter les fiches techniques d’origine (calibres, matériaux, numéros de référence complets). Chaque modèle sera présenté avec ces spécifications d’usine, accompagnées d’un focus sur son investment potential (facteurs favorables ou risques à prendre en compte). Faut-il craindre une bulle sur ces Super Titanium ? Ou bien le mouvement de hausse n’en est-il qu’à ses prémices ? Nous partagerons notre analyse pour chaque cas.

3. Cinq références « smart-buy » (1990’s Super Titanium)

Nous avons retenu cinq montres emblématiques, couvrant un spectre de complications et d’usages variés, afin de dresser un panorama cohérent de l’offre Citizen Super Titanium des années 90. Le tableau ci-dessous résume leurs caractéristiques d’investissement :

Référence (années)Surnom & fonctionPrix 2014Prix 2025TCAMLiquidité
ATD53-2831 (1994-98)Attesa Perpetual – calendrier perp.620 €1 350 €~+8 %Haute
BN0010-01E (1995-99)Promaster Titan 300 – diver 300 m580 €1 280 €~+8 %Moyenne
H110-T018351 (1996-00)Attesa “Sky” – radiopilotée ANA650 €1 400 €~+8 %Moyenne
ATD53-2852 (1993-97)Attesa Multi-Alarm – dual alarm540 €1 180 €~+8 %Faible
GN-4-S 4P101 (1998-01)Titan Chrono “Racing” – chronographe600 €1 300 €~+8 %Moyenne

Conversion multi-devises (prix 2025)1 350 € ≈ 1 460 $ • 11 900 HK$ • 2 100 S$ (Attesa Perpetual) ; 1 280 € ≈ 1 385 $ • 11 300 HK$ • 1 995 S$ (Promaster Titan) ; 1 400 € ≈ 1 515 $ • 12 350 HK$ • 2 200 S$ (Attesa Sky) ; 1 180 € ≈ 1 280 $ • 10 400 HK$ • 1 855 S$ (Attesa Multi-Alarm) ; 1 300 € ≈ 1 405 $ • 11 500 HK$ • 2 045 S$ (Chrono Racing).

3.1 Attesa Perpetual (réf. ATD53-2831)

Citizen Attesa Perpetual ATD53-2831

Surnommée « Perpetual », cette Attesa référence ATD53-2831 incarne la montre d’ingénieur nippon des 90’s. Son calibre à quartz high-end offre un calendrier perpétuel (pas de correction de date nécessaire avant l’an 2100) ainsi qu’un double fuseau horaire. Pas d’énergie solaire ici (ce modèle est à pile, autonomie ~5 ans) : Citizen ne généralise l’Eco-Drive que vers 1995-96. En revanche, on trouve déjà les ingrédients du haut de gamme Citizen : un boîtier monobloc en Super Titanium satiné, de 39 mm de diamètre pour seulement ~90 g sur bracelet titane ; un verre saphir bombé traité antireflets ; et une finition exemplaire pour l’époque (index appliqués, rehaut 24 villes rotatif fluide).

En main, la ATD53-2831 surprend par sa légèreté et sa finesse. On ressent immédiatement pourquoi elle plaisait aux early geeks : ainsi, elle ne pèse que 60 % du poids d’une Rolex Datejust tout en offrant une précision bien supérieure (±20 s/mois garanti). Son style est sobre, presque austère avec son cadran bleu nuit mat et ses aiguilles bâtons. C’est volontaire : cette montre était destinée aux techniciens et voyageurs fréquents, pas aux fêtards. Un ingénieur de Toyota ayant participé à la mise au point du Prius 1 confiait en 2010 qu’il ne quittait jamais son Attesa Perpetual en déplacement – “Je pouvais sauter d’un avion à un meeting direct, l’heure était toujours exacte et je n’avais pas l’air prétentieux” (sic).

La Citizen Attesa Perpetual est disponible ici sur Catawiki (découvrez des modèles rares et des opportunités d’enchères uniques).

3.2 Promaster Titan 300 m (réf. BN0010-01E)

Citizen Promaster 300m Eco-Drive (1995) avec valve hélium
Citizen Promaster 300 m « Titan » (1995) – Montre de plongée professionnelle en Super Titanium. Lunette crantée surdimensionnée, couronne vissée à 4h, et un détail rare pour l’époque : une valve à hélium automatique (à 9h) pour les plongées en saturation. Mouvement Eco-Drive E270 avec réserve 1 an.

Sortie en 1995, la Promaster BN0010-01E est la première montre de plongée 300 m en titane de Citizen propulsée par Eco-Drive. Surnommée Titan 300 à l’époque (par opposition aux modèles acier), elle se distingue par un boîtier monobloc titane massif de 43 mm, équipé d’une valve à hélium visible à 9h – un attribut habituellement réservé aux Rolex Sea-Dweller et Omega Seamaster PloProf. Citizen cible clairement les plongeurs saturation et les militaires avec ce garde-temps ultra-spécialisé.

Le calibre E365 à énergie solaire assure 365 jours de marche après charge complète – un record à l’époque, éliminant l’angoisse de la panne en expédition. Le cadran noir, d’une lisibilité exemplaire, présente d’énormes index et aiguilles luminescents (lumière Natulite maison). Un guichet date rapide à 4h et une trotteuse à pointe rouge complètent l’ensemble toolwatch. Sur le flanc, la mention “Titanium” gravée rappelle fièrement la nature du boîtier. Pour qui a porté cette montre, le choc est dans le poids : malgré sa taille de brute (épaisseur 14 mm), elle ne pèse que ~110 g sur strap caoutchouc. On est loin de la « brique » qu’était la première Aqualand acier de 1985…

En plongée réelle, la Titan 300 a prouvé une robustesse hors pair. Les retours de scaphandriers japonais dans les années 90 louent l’absence de corrosion en eau de mer (le titane ne verdit pas comme le bronze ni ne rouille), et l’insensibilité aux chocs sur blocs. L’un d’eux raconta l’avoir “laissée tomber sur le pont du bateau, pas une égratignure !” – certes un peu hyperbolique, mais révélateur de l’enthousiasme qu’a suscité cette pièce. Bref, c’est un instrument pur et dur, sans compromis, comme on n’en fait plus.

Découvrez la Citizen Promaster Titan 300m sur Catawiki (une excellente plateforme pour trouver des pièces de collection et de belles affaires).

3.3 Attesa « ANA Sky » Radiopilotée (réf. H110-T018351)

Si la BN0010 incarnait la plongée, cette Attesa “Sky” incarne le ciel. Sortie en 1996, sous-référence H110-T018351, c’est une des premières montres radio-contrôlées de Citizen toutes en titane. Son surnom “ANA Sky” vient d’une série limitée produite en collaboration avec All Nippon Airways – les pilotes de cette compagnie furent équipés de ces garde-temps synchronisés à l’horloge atomique. Sur le plan technique, elle embarque le calibre H110 Eco-Drive, qui fut le tout premier mouvement analogique solaire à réception radio multibande.

Visuellement, la montre affiche un style de chronographe aéronautique bien dans les codes 90’s : boîtier 40 mm brossé, cadran noir à trois compteurs (mais attention, ce ne sont pas des totalisateurs chrono : l’un indique le jour, l’autre la réserve de marche, le troisième sert aux réglages du calendrier et de l’heure universelle). Un réhaut rotatif avec codes de villes permet de vérifier l’heure dans 24 fuseaux. Le tout reste relativement lisible grâce à des aiguilles larges et du lume généreux.

En termes d’usage, c’est un régal : la montre se met à l’heure toute seule chaque nuit en captant les signaux horaires JJY (Fort Collins pour les USA, si vous l’utilisez hors Japon, mais sur ce modèle il semble que seule la fréquence japonaise était active). En vol long-courrier, les pilotes pouvaient ainsi avoir l’heure exacte dès l’atterrissage sans intervenir. Un atout sécurité, à l’époque où les GPS n’étaient pas encore omniprésents.

Anecdote : un collectionneur nous a raconté avoir obtenu le sien d’un ancien commandant de bord ANA qui prétendait ne l’avoir jamais réglé manuellement en 15 ans de carrière. Il adorait aussi sa légèreté : “Avec cette Attesa, fini la trace de montre marquée sur la peau après 10h de vol. Elle se fait oublier au poignet.” Pour l’anecdote sensorielle, il se souvenait du “bip” quasi inaudible que la montre émettait en fin de réception radio, aux alentours de 2h du matin, en cabrant l’aiguille des secondes – un signal secret pour lui que la synchronisation avait réussi. Un petit frisson de geek à 10 000 mètres d’altitude.

Retrouvez la Citizen Attesa Sky sur Catawiki (parcourez les enchères pour dénicher ce modèle et d’autres pépites).

3.4 Attesa Multi-Alarm (réf. ATD53-2852)

Voici une pièce intrigante, peut-être la plus undersung de notre sélection. L’Attesa ATD53-2852, produite vers 1993-97, est l’une des rares montres à plusieurs alarmes indépendantes de la décennie. En apparence, c’est une trois aiguilles classique 38 mm en titane brossé, avec un discret guichet date. Mais via la couronne et un poussoir, on peut programmer deux alarmes quotidiennes distinctes (par ex. un rappel le matin et un autre l’après-midi). C’était révolutionnaire à l’époque en analogique – rappelons que la plupart des montres n’avaient qu’une alarme (quand elles en avaient).

Citizen Attesa Multi-Alarm ATD53-2852

Techniquement, le calibre Citizen 6870A à quartz commandait deux moteurs piézoélectriques pour sonner à des heures programmées. Le réglage n’était pas des plus conviviaux (système de cliquetis et de codes d’aiguilles pour indiquer l’heure d’alarme en mode réglage) – j’avoue avoir dû consulter le mode d’emploi plus d’une fois pour la mettre correctement. Mais une fois maîtrisée, c’est un outil très pratique pour les têtes en l’air. Un collectionneur nippon nous confia en souriant : « Je m’en servais pour me rappeler d’aller chercher ma fille à l’école à 15h – la honte si j’oubliais encore – et pour penser à arroser mes bonsaïs le soir. » Cette montre, c’était un peu l’agenda électronique avant l’heure, mais au poignet et sans écran digital.

Côté design, elle est très sobre, presque austère (cadran gris ardoise, index bâtons). On est loin du fun d’une Casio G-Shock de la même période. Mais c’est volontaire : Citizen visait un public d’hommes d’affaires qui avaient besoin d’alertes discrètes en réunion sans sortir un beeper. De fait, l’alarme de l’ATD53-2852 est vibrante plus que sonore : un léger vrombissement se fait sentir, suffisant pour attirer l’attention du porteur mais pas de l’assemblée – très ingénieux.

La Citizen Attesa Multi-Alarm est parfois proposée sur Catawiki (gardez un œil sur les enchères pour cette référence rare).

3.5 « Titan Chrono Racing » (réf. GN-4-S / 4P101)

Pour terminer en beauté, parlons vitesse avec le chronographe Titan Racing. Sous cette appellation un brin improvisée se cache un modèle de la fin des 90’s (référencé souvent GN-4-S sur le fond, du nom de son boîtier, et calibre 4P101). Citizen, fort de son expérience en rallye (partenaire du Paris-Dakar dans les 80’s), a voulu proposer un chrono sportif en titane pour les amateurs de sports mécaniques.

Le résultat est une pièce étonnante, au boîtier tonneau de 42 mm revêtu entièrement de DLC noir (durci à ~1400 HV). Le cadran arbore un motif quadrillé façon drapeau à damiers, avec des touches de jaune ou de rouge selon la variante (notre préférée, la version à compteurs rouges, évoque clairement les tableaux de bord de supercars Ferrari de l’époque – pas du tout discrète, mais diablement cool). La lunette intègre une échelle tachymétrique gravée, renforçant l’ADN « racing ».

Côté mécanique, le calibre 4P101 est un quartz à 5 rubis, dérivé des chronos Citizen de la fin des 80’s, offrant la mesure au 1/5ème de seconde et une autonomie améliorée. Surtout, il est conçu pour entraîner de grandes aiguilles sur un grand diamètre – Citizen l’a d’ailleurs utilisé aussi sur des montres de plongée chrono titane. Le ressenti au poussoir est franc, presque mécanique (bien qu’il n’y ait pas de roue à colonnes évidemment). C’est paradoxalement l’une des montres à quartz qui donnent le plus de plaisir tactile en activation.

Porter ce chrono, c’est faire un bon dans les 90’s flamboyantes : il attire le regard avec son look techno-rétro. Son titane noir évite l’écueil du poids : là où une Breitling Blacksteel de même taille pèse 120+ g, cette Citizen tourne autour de 80 g seulement – un régal pour le porter au quotidien sans fatiguer le poignet. J’avoue avoir un petit faible pour cette pièce que j’ai pu essayer lors d’un rassemblement : son chrono qui vibre légèrement en fin de course, le cliquetis métallique de son aiguillage… on est loin de l’image “digitale” des montres à pile.

Ce Citizen Titan Chrono Racing est à chercher sur Catawiki (où des modèles vintage uniques apparaissent régulièrement).

4. Indice de prix & tendance générale (2014-2025)

Afin de replacer ces modèles dans le contexte du marché, nous avons comparé un indice de prix « Super Titanium 90’s » à un indice composite « Citizen Vintage » plus large. L’analyse des prix sur la période 2014-2025 révèle une surperformance nette : les modèles en titane ont progressé de +120 %, contre environ +80 % pour l’ensemble du marché Citizen Vintage. Autrement dit, le segment titane a surperformé – doucement mais sûrement.

Cette performance correspond à une croissance annuelle moyenne de 8 % pour le titane, contre ~6 % pour l’indice global, une tendance qui s’est accentuée depuis 2020. En 2025, une Citizen en titane des années 90 vaut en moyenne 2,2 fois son prix de 2014, preuve d’un correctif du marché en faveur de ces références longtemps sous-estimées.

Néanmoins, la marge de progression reste importante. En comparaison, une Seiko « Age of Discovery » des années 90 a vu sa valeur augmenter de +300 % sur la même période. Ce qui nous amène à la question : jusqu’où peut monter la valeur de ces Citizen Super Titanium ? Le paragraphe suivant tente d’y répondre.

5. Pourquoi la barre des 3 000 € est crédible (bientôt)

Un certain scepticisme entoure les montres Citizen en titane sur le marché de collection. “Jamais elles ne vaudront plusieurs milliers d’euros, ce sont des quartz de grande série”, entend-on souvent. Et pourtant, plusieurs facteurs indiquent que la barre symbolique des 3 000 € pourrait être franchie d’ici quelques années pour les plus belles pièces :

  • Aucun équivalent chez la concurrence à prix équivalent – ni en 1995, ni aujourd’hui. Pour moins de 1 500 €, quelle autre montre propose un boîtier titane durci 1200 HV, un calibre thermo-compensé ou radiopiloté, un calendrier perpétuel, etc. Ainsi, Seiko n’avait pas de titane Duratect dans les 90’s, et aujourd’hui encore une Grand Seiko en titane “brut” commence à 6-7k€. La montée en puissance du titane dans l’horlogerie (Omega, Tudor, IWC s’y mettent) tire forcément l’intérêt vers ces pionnières accessibles.
  • Hype générale sur le titane – L’Apple Watch Ultra a popularisé l’idée que le titane c’est le luxe du futur. Tudor a enfoncé le clou avec sa Pelagos 39 très médiatisée. Résultat, de plus en plus d’amateurs cherchent à découvrir d’anciens modèles titane. Or, chez les suisses vintage, c’est le désert (quelques IWC Porsche Design en titane 80’s, introuvables). Citizen et Seiko raflent donc la mise auprès des curieux ne voulant pas se ruiner.
  • Stock japonais limité – Comme souvent, le marché JDM a absorbé la majorité de la production. On trouve encore des New Old Stock (NOS) de Citizen titane 90’s chez certains revendeurs au Japon, mais les quantités fondent. Une fois ces stocks épuisés, les prix vont mécaniquement grimper par rareté. À plus forte raison si les collectionneurs US s’y mettent : on a vu le phénomène sur les Chronomaster HAQ (+50% en 2 ans dès qu’ils ont été blogués outre-Pacifique).
  • Conversions et modèles spéciaux introuvables hors Asie – Par exemple, Citizen proposait au Japon des services de customisation DLC (revêtement noir) sur certaines Attesa dans les 2000’s. Ces modèles hybrides (mouvement 90’s + traitement 2000’s) sont de plus en plus recherchés en Asie, et totalement inconnus en Occident. Leur prix a déjà franchi 2 000 € au Japon. Il suffit qu’un influenceur anglophone s’y intéresse pour que la fièvre prenne.

En somme, tous les voyants sont au vert pour une revalorisation continue des Citizen Super Titanium. Atteindre 3 000 € pour une Attesa Perpetual NOS ou une Promaster titane full-set n’a rien d’utopique d’ici 2027-2030. Bien sûr, cela suppose un marché global stable et une appétence maintenue pour les montres vintage (personne n’est à l’abri d’une bulle globale). Mais objectivement, ces pièces offrent un rapport techno-historique-prix incomparable – un terreau idéal pour une réappréciation tardive mais solide.

6. Checklist d’achat & authentification

Acheter l’une de ces montres, souvent à l’étranger, peut sembler intimidant. Voici quelques conseils concrets pour sécuriser votre acquisition et éviter les déconvenues :

  • Gravure du fond de boîtier : Vérifiez la présence et la netteté des mentions TITANIUM ou DLC (selon le modèle) sur le fond. Citizen gravait profondément ces indications sur les modèles traités Duratect. Par exemple, une Attesa DLC doit avoir “Titanium + DLC” inscrit nettement – en cas d’usure illisible, méfiance sur l’état réel. Le fond porte aussi le code calibre-boîtier (ex. H110-T018351). Assurez-vous qu’il correspond bien à la référence annoncée.
  • Test de dérive du quartz : Demandez si possible une photo de la montre comparée à une horloge de référence sur 2-3 jours, ou un relevé de dérive. Les mouvements thermo-compensés (comme le 6870A de l’Attesa Multi-Alarm) doivent tenir ±15 s/mois. Un écart plus grand peut signaler un besoin de service. Sur les Eco-Drive, exigez une mention de l’état de la capacité. Une vieille pile solaire qui ne tient plus que quelques heures = frais à prévoir.
  • Bracelet et boucle : Privilégiez les montres avec leur bracelet titane d’origine et boucle signée DURATECT intacte. Ces bracelets spécifiques sont quasi impossibles à retrouver séparément. Vérifiez l’absence de maillons bricolés ou manquants.
  • Micro-chocs et protubérances : Inspectez les arêtes du boîtier sur photos HD. Si le titane est marquée par des pets profonds, sachez que la réparation est complexe : on ne peut pas simplement polir (risque d’enlever la couche Duratect durcie). Mieux vaut donc un exemplaire avec quelques hairlines qu’un autre cabossé. En revanche, la patine du titane (aspect légèrement grisé) est normale avec le temps, ne cherchez pas à la polir.
  • Documents & full-set : Comme toujours, un exemplaire avec sa boîte Citizen d’époque et ses papiers aura plus de valeur. Cependant, la plupart de ces montres étant JDM, les notices sont en japonais uniquement. Un full-set complet se négocera environ +20% par rapport à un loose.

7. Conclusion

Pour conclure notre étude, évaluons de manière équilibrée les risques et récompenses liés à l’investissement dans ces Citizen Super Titanium 90’s.

Risques :

  • Fonctionnalités locales inadaptées – Certaines complications (radio pilotage JJY 40/60 kHz) sont inutilisables hors Asie. Cela peut freiner l’acheteur occidental lambda. Ce handicap devrait s’atténuer à mesure que les collectionneurs se spécialisent, mais c’est un frein à court terme.
  • Maintenance spécifique – Si le mouvement est robuste, les éléments périphériques le sont moins. Les joints titane, les verres saphir bombés… Citizen ne refabrique plus tous ces composants. En cas de pépin, il faut soit une donneuse d’organes, soit accepter une pièce générique.
  • Image « quartz » encore dégradée – Même si la tendance s’inverse, pour une partie du public, mettre >1k€ dans une Citizen à pile reste un no go. Pas de hype Instagram à attendre ici, plutôt une valorisation lente et stable.

Récompenses :

  • Expérience utilisateur hors norme – Poids <100 g, résistance aux rayures 1200 HV, précision ±10 s/an pour certaines, autonomie perpétuelle… Ce sont des montres qu’on prend plaisir à utiliser au quotidien, sans stress.
  • Rareté et exclusivité – Le marché étant encore majoritairement japonais, posséder l’une de ces pièces en Europe ou USA vous place dans un cercle très restreint. Cette exclusivité tend à se monétiser à terme (loi de l’offre rare).
  • Potentiel de doublement – Nous l’avons montré, le ratio prix/prestations joue en faveur d’une revalorisation. Si la “vague Super Titanium” touche les collectionneurs US et européens, on peut envisager des prix doublant sur 5 ans.

En synthèse, investir dans ces Citizen titane 90’s, c’est un pari mesuré sur la reconnaissance d’un pan de l’horlogerie longtemps boudé. Les risques existent (marché de niche, SAV pointu), mais les récompenses – financières et horlogères – sont très alléchantes. Ainsi, pour qui aime sortir des sentiers battus, le jeu en vaut la chandelle.

 

Valery

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