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Le sur-mesure en Asie: Ma chemise haut-de-gamme à 75 dollars.

Si vous lisez ces lignes depuis la France, le prix ne vous choquera pas vraiment. Vous pourriez même penser que pour 75$ je n’aurai qu’une demi-mesure de mauvaise facture.

Et pourtant, même chez les expatriés, 75$ représente une petite fortune pour une chemise sur-mesure, que la plupart des tailleurs qui ont pignon sur rue proposent pour une dizaine de dollars.

Le genre de tailleurs classiques avec NOM DE FAMILLE + TAILOR en guise d’enseigne, ou bien avec des noms français comme MON TAILLEUR COUPEUR RENOMME.

L’inconvénient de ces tailleurs ? Des coupes approximatives, des tissus cheap et des finitions qui s’effilochent au bout de quelques lavages seulement. Bref, des chemises jetables (un peu comme les chaussures du dernier article, au final).

Pour les chemises, mon objectif n’est pas de m’en faire une pile à 10 dollars mais plutôt 3 ou 4 de qualités que je pourrai ramener en France et porter plusieurs années.

Première mission: trouver la tailleuse

Cela n’a pas été facile et ça s’est fait en glanant de précieux renseignements en soirée d’expats auprès d’un Français amateur de qualité et présent depuis plusieurs années.

On ne peut en fait la rencontrer qu’une fois par semaine, dans le hall d’un hotel de luxe de Riverside, le quai ultra touristique de Phnom Penh.
J’y suis allé et, pas de chance, elle était malade ce jour là mais une autre française m’a donné son numéro.

Le rendez-vous est pris ensuite directement dans son atelier dans un quartier résidentiel à l’américaine où on peut avoir un aperçu de ses créations en matière de robe : elle s’appelle Sophie et parle parfaitement français. Un argument de plus pour être certain d’avoir exactement ce qu’on veut.

Ma demande

La méthodologie est la même que pour les chaussures : j’ai amené une chemise Melinda Gloss qui me va parfaitement avec un col cutaway que je voulais voir reproduit. Je réessaie devant elle cette chemise et on fait quelques ajustements.

Cette chemise Melinda Gloss est formelle et je veux une chemise à carreaux: on enlève donc quelques centimètres au tour de poitrine histoire que la chemise soit bien ajustée sans avoir besoin de la rentrer dans le pantalon. Et on enlève aussi une dizaine de centimètres en bas.

Pour les matières, j’ai aussi ramené mon propre tissu : un large carré de coton de 2m² avec un beau contraste de couleurs. Il a été acheté sur l’Ile de la Soie (à environ une demi heure de Phnom Penh) pour seulement 5 dollars.

Enfin, je demande à Sophie des boutons en bois qu’elle me rajoute sans augmenter la facture : une bonne surprise.

Un premier aperçu: l’essayage.

Fast forward d’une semaine jusqu’au premier essayage : le résultat en photo à travers une interview illustrée de la tailleuse.

L’interview de Sophie, tailleuse Franco-cambodgienne qui opère à Phnom Penh depuis un an et demi.

Quelles sont à ton avis les indices de qualité d’une chemise ?

D’abord la qualité du tissage : il faut chercher d’éventuelles irrégularités dans les motifs et vérifier la densité de la couture. Un tissu cousu de manière grossière ne sera pas résistant : cela se constate facilement en essayant d’écarter de part et d’autre un tissu.

On veut aussi évidemment un tissu agréable au toucher, qui n’irritera pas quand on le porte à même la peau.

Au Cambodge, la production de coton fût importante pendant les années 80 90. Il n’est ainsi pas rare de retrouver ces tissus, âgés de plus de 20 ans, vendus de nos jours pour une bouchée de pain.

Ils ont cependant été conservés pour la plupart dans de mauvaises conditions et se sont dégradés au fil du temps, les rendant aujourd’hui particulièrement fragiles.

Il est conseillé, avant de les travailler, de les laver entre 2 et 3 fois pour apprécier leur résistance.
A titre d’exemple, un coton de bonne qualité peut se trouver à partir de 8 euros le mètre.

As-tu des astuces pour détecter le synthétique ?

Le synthétique est souvent un peu brillant, pas forcément des deux côtés. Il faut donc être prudent sur les deux faces.
C’est cependant un problème qui existe moins au Cambodge où l’on trouve du coton de bonne qualité à bon marché.

Qu’est ce qui vous différencie du tailleur de rue classique ? Comment justifier ce prix de 75 dollars ?

Ce prix inclut le patronage et la modélisation de la pièce : c’est à dire sa forme générale et la manière dont on va agencer les coutures, poches, col et emmanchures.Il comprend aussi le choix de tissus et de matériaux (boutons, coutures) de qualité et bien sûr un savoir-faire.

Et le petit tailleur à 10 dollars, comment fait-il ?

Chez un tailleur classique, ils ne font pas eux-même le patronage à partir de vos mesures mais en récupèrent un déjà existant qui ne répondra pas forcément aux exigences de votre morphologie. Un client étroit d’épaules mais avec du ventre se retrouvera par exemple avec un patron qui lui correspondra au niveau du torse mais avec une mesure proportionnelle aux épaules, et donc trop grande dans ce cas de figure.

Voilà pourquoi on peut se retrouver avec une chemise qui ne convient pas, même en la faisant faire « sur-mesure ».

Plusieurs problèmes se posent au niveau du tissu : soit ils sont de mauvaise qualité à la base, soit il va être mal utilisé, ou alors on va chercher à en faire des économies.
Le résultat ? Des vêtements qui s’usent plus vite du fait d’un stress plus important sur le tissu à certains endroits (par exemple aux épaules)

C’est criant sur les bobines de fil : on trouve en Asie des machines qui permettent de séparer le fil pour obtenir par exemple 3 bobines à une torsade à partir d’une bobine de bon fil à trois torsades. On a forcément un résultat fragilisé.

La confection révèle aussi de sévères lacunes techniques : on peut s’en apercevoir sur les emmanchures qui sont faites à plat au lieu d’être faites en tubulaire. Je m’explique : pour réaliser proprement la liaison entre la manche et la base de l’épaule et opérer la rencontre des deux tissus, on fait des pliures en forme de pont. Cela évite de trop stresser le tissu.

A plat, au contraire, on tire le tissu au maximum dans une logique d’économie et par manque de temps et de savoir-faire : cela donne une couture non uniforme et fragile.

On dirait même parfois des vêtements de poupée 10 fois plus grands, qui n’auraient pas été conçus pour des proportions vraiment humaines.

Quel est ton parcours ?

 

Après une formation à l’école de stylisme-modélisme Marie Curie de Marseille, j’ai pu me lancer en France où on m’a rapidement confié la direction d’ateliers.

J’ai acquis une reconnaissance qui me permet de facturer en France mes chemises à 300 euros et mes costumes à 3500 euros. Pour une question de pouvoir d’achat et de barème général des prix, je ne peux par contre pas pratiquer ces prix-là au Cambodge, pour le moment en tout cas.

Mon expérience dans le prêt à porter m’a vraiment déplut : surtout lorsque début 2000 j’ai eu la possibilité de louer une usine au Cambodge de plusieurs centaines de personnes pour une bouchée de pain. Cela venait malheureusement avec le travail des enfants, ce à quoi je ne pouvais me résoudre. J’ai donc choisi de revenir à ce qui me plaît le plus : une confection artisanale, sur laquelle je met l’accent sur la qualité.

Je ne fais pas de communication : je ne fonctionne que par le bouche à oreilles. La qualité de ma prestation parle d’elle même et m’a permit de me constituer une solide clientèle d’expatriés et de khmers fortunés.

 

Au prochain article de la série : une comparaison de la coupe entre la chemise originale et la chemise de la tailleuse, toutes les deux portées.
Et aussi une comparaison point par point entre les finitions de cette chemise à carreaux et celles d’une chemise d’un tailleur classique.

N’hésitez pas si vous avez des idées, questions ou suggestions.

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Valery

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