Zonkey Boot, la chaussure en cuir pour homme qui sort des codes formels
Disclaimer: Je laisse aujourd’hui la parole à Florent, de chez Sartorialworld, qui va vous parler d’une de ses marques fétiches, et qui sort un peu des sentiers battus: Zonkey Boot.
Le marché de la chaussure pour homme est particulièrement vaste. Même dans les chaussures traditionnelles cousues, l’offre explose, de nombreux nouveaux acteurs viennent régulièrement s’attaquer aux marques historiques (avec pour certains un succès impressionnant).
Pourtant c’est un secteur compliqué, il y a peu d’évolutions possibles, que ce soit en terme de construction (les montages Goodyear et Blake sont rois) ou en terme de patronage (les patronages qui marchent bien sont devenus des classiques chez tous les acteurs), sans compter que le cuir est dans 90% des cas marron ou noir. Que reste-t-il alors pour se différencier ? Comment se créer une place au panthéon de la chaussure ? On peut bien sûr jouer sur le rapport qualité/prix, en proposant des basiques durables à un tarif agressif.
Ou alors on peut s’inspirer de la tendance actuelle à la décontraction des tenues (qu’on appelle souvent « sprezzatura ») pour imaginer comment « Twister » les grands classiques.
Aujourd’hui j’aimerais vous présenter une marque autrichienne, créée par Alexandra Diaconu et Michael Rollig, Zonkey Boot.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas, Michael Rollig est le fondateur de la marque Saint Crispin’s, qui a comme leitmotiv de proposer des souliers de qualité, entièrement réalisés à la main. C’est donc une offre de souliers avec un style classique, qui vient concurrencer des marques comme Edward Green ou John Lobb. Avec Zonkey Boot, le concept est très différent.
L’idée est de proposer des modèles plus abordables, et surtout beaucoup moins formels, tout en conservant deux priorités : la qualité de fabrication, et le confort.
I ZONKEY BOOT : CARACTERISTIQUES
1 Un style affirmé
Lorsqu’on parle de style, 3 points entrent majoritairement en compte dans un soulier: la forme, la couleur et dans une moindre mesure le patronage. Si on enlève l’impact qu’elle a sur le chaussant (qui reste le plus important), la forme donne à la chaussure son allure. Une forme massive (comme celles sur lesquelles sont montés les budapester hongrois) sera plus « adaptée » à des chaussures de bonhomme faites pour trainer dans la boue, alors qu’une forme plus fine, sera nettement plus à son aise pour un soulier habillé.
De la même façon, jouer sur les couleurs va complètement changer l’utilisation d’un soulier. L’immense majorité des chaussures vendues aujourd’hui sont noires ou marron (foncé), couleur très versatile qui s’adapte à presque tout. Les plus audacieux tenteront le bleu foncé, le rouge/bordeaux. Ces dernières années, l’arrivée des possibilités de patines sur les souliers a permis aux clients amateurs de compléter leurs collections avec des couleurs beaucoup plus originales. Il n’y a aucune limite avec la patine, le vert, le violet, l’orange deviennent accessibles, là où une boutique ne prendrait pas le risque de commander toute une série qu’elle ne vendrait pas.
Enfin, le patronage joue aussi un rôle même si, selon moi, il est assez limité. Avec la disparition quasi-complète des souliers en cuir dans la garde-robe masculine, et le désintérêt des hommes pour l’élégance il y a quelques années, une chaussure, quel que soit son patronage est devenue « habillée ». Alors bien sûr, un soulier full-brogue avec un smoking, ça le fait moyen. Mais dans la majorité des cas, on peut tout se permettre, que ce soit un richelieu one-cut marron avec un jean, ou une paire de double-boucles avec un costume. Pour le commun des mortels, vous serez déjà sur votre 31.
Alors comment Zonkey Boot arrive à se définir un style si particulier ?
Commençons par les formes, la marque en propose plusieurs, avec comme caractéristique d’être un peu plus large que la moyenne (pour le confort), on y trouve des bouts plutôt arrondis, des formes plus ou moins effilées, une offre assez classique dans sa composition en somme. Pareillement, pour les patronages, on retrouve beaucoup des classiques du genre : richelieu à plastron, Chelsea Boot, Jodhpur, one-cut…
Là où Zonkey Boot frappe fort, c’est dans les couleurs, et plus généralement les matières utilisées : cuir au tannage végétal de toutes les couleurs (violet, vert…), laine, poil de poulain, veau-velours glacé… la tige se remarque de loin. On est loin des couleurs conventionnelles proposées généralement.
Bien sûr, un certain nombre de modèles n’est pas portable dans un cadre « formel » (au bureau, si on est cadre dans certains domaines par exemple), mais en dehors de ça, ce sont de formidables souliers pour sortir du commun et faire de la chaussure la pièce centrale de votre tenue.
2 Une fabrication sans concessions
Lorsqu’on achète un produit qui sort des classiques, on a tendance à rester prudent en se dirigeant vers des modèles moins onéreux. De la même façon que notre premier costume sur mesure sera souvent un gris ou un bleu marine uni, et la veste en seersucker rose un PAP pas trop cher, on sera beaucoup plus enclin à investir dans une paire classique, sobre, et la plus versatile possible. C’est pourquoi les marques prêtes à proposer des modèles très originaux, vont avoir tendance à ne pas les vendre trop cher, ce qui risque de se traduite par une baisse de qualité des matières premières, et de la fabrication.
Ici, c’est hors de question ! On reste avec une belle chaussure, les peausseries (ou autres) sont choisies avec une extrême minutie. De même, la qualité de fabrication atteint des exigences que peu de marques ont. Les souliers sont fabriqués dans une usine italienne. Une des exigences de Michael Rollig était que la couture Goodyear soit réalisée à la main pour assurer un meilleur confort. En dignes cousines des souliers Saint Crispin’s, il arrive que d’autres coutures sur la tige soient réalisées à la main. L’industriel laisse donc sa place à l’artisanat et à un savoir-faire de plus en plus rare et peu demandé. On est donc en présence d’une vraie chaussure haut-de-gamme dont le prix est en grande partie justifié par la qualité du produit.
3 Le confort avant tout
La première fois que j’ai essayé une paire de Zonkey boot en boutique, ce n’était pas forcément frappant, la chaussure était bien serrée comme toute chaussure en cuir neuve. En revanche, lorsque je les ai ramenées chez moi et que j’ai voulu commencer à les faire, je me suis rapidement rendu compte que les chaussures devenaient de vrais chaussons, tout en gardant un bon maintien du pied.
Dès le départ la condition d’un confort maximal a été primordiale dans le développement de la marque. Il fallait sortir de la caricature de la chaussure traditionnelle qu’il faut porter plusieurs semaines (ou mois) chez soi par périodes d’une heure pour l’assouplir. Ici, on peut presque immédiatement faire une journée avec une paire neuve. Avec des journées qui deviennent de plus en plus souvent à rallonges, sans compter les heures passées dans les transports en commun, une chaussure confortable est un graal.
II RETOUR D’EXPERIENCE: TEST DES MODELES ZONKEY BOOT
Je suis actuellement possesseur de quatre paires de Zonkey Boot, elles ont entre deux et quatre ans. Il est donc assez intéressant de pouvoir se rendre compte de l’évolution de ces souliers dans le temps.
1 Derby en cuir lisse vert
C’est la première paire qui m’a frappé dans le catalogue de la marque. Mon idée était simple, trouver un soulier casual, à porter avec un jean ou un chino l’été, mais qui soit différent d’une paire classique qu’on pourrait considérer comme casual (mocassin, derby grainé…). Le coup de foudre pour cette paire a été immédiat. Il y a quatre ans, le vert n’était pas aussi répandu qu’actuellement. Cette paire résumait tout ce que je cherchais. Le patronage est simple, c’est un derby à bout droit rapporté on ne peut plus classique. Mais c’est sûrement la seule chose de classique sur cette chaussure. Le cuir, en plus d’être vert, a fait l’objet d’un tannage végétal, et non au chrome, et la couture Goodyear est réalisée à la main. De quoi ravir les plus férus de détails techniques en tout genre.
Evidemment, ce n’est pas la paire que je mets le plus souvent, mais je la porte régulièrement en particulier lorsque les beaux jours arrivent.
La paire vieillit bien, et le confort a été immédiat, ce qui est pour moi la qualité principale de ces souliers. La couleur a tendance à virer un peu vers le marron selon les crémages, la patine commence à se créer.
2 Derby en veau velours bleu
Après un premier achat plus que satisfaisant, j’ai souhaité renouveler l’expérience Zonkey Boot. La raison était simple, impressionné par le confort que je ressentais, j’ai voulu ajouter une paire un peu plus simple à porter au quotidien. C’est donc très logiquement que je me suis tourné vers un autre derby, bleu marine cette fois-ci (le bleu, ainsi que le gris sont des couleurs intéressantes, qui peuvent fort bien remplacer le noir ou le marron, en étant un peu plus originales) en veau velours.
Le patronage est encore plus épuré, sans le bout droit et avec moins d’œillets. On reste quand même sur une forme peu formelle (on est loin d’un derby Arca de chez Corthay dans l’usage…). Un autre des signes caractéristiques de la maison, est le glaçage du veau-velours sur le bout, les contreforts et les garants.
C’est une technique utilisée en général pour donner une deuxième vie à un veau-velours usé, Zonkey Boot en fait un usage beaucoup plus esthétique, qui ne plaît pas à tout le monde. Le veau-velours, grâce à sa souplesse amplifie le sentiment de confort. Ici aussi, la couture petit point est faite main.
J’ai porté cette paire un nombre incalculable de fois. C’est une des rares paires que je peux mettre le matin en partant travailler, et même après une journée complète de travail et une soirée qui peut s’éterniser, je n’ai pas envie de les enlever immédiatement en rentrant chez moi. Ayant la chance d’avoir une activité professionnelle où le dress-code est presque inexistant, j’ai pu intégrer cette paire à toutes les situations, même dans le cadre d’un entretien à Bruxelles, m’imposant un déplacement d’une journée. Certes, ce n’est pas le soulier le plus adapté à un entretien, mais c’est sans aucun doute le plus adapté à un aller-retour en train et plusieurs heures de transports en commun dans une même journée.
Comme toutes les paires en veau-velours que je possède, les plis ont tendance à blanchir un peu. C’est assez inesthétique, mais je ne compte pas me priver des modèles qui me plaisent (en tout cas pas totalement), et la grande mesure en matière de souliers reste inaccessible pour l’instant (je suis prêt à sacrifier ma Rolex avant mes 50 ans s’il faut).
Ici encore, je suis entièrement satisfait de ce que m’a permis la paire de souliers, elle m’a permis de twister légèrement ma garde-robe, avec un modèle finalement assez versatile.
3 Bottines en veau velours
L’idée de mon troisième achat était de rester sur une paire assez tout-terrain. J’ai donc choisi un derby montant (ou une bottine basse, comme on veut). En restant toujours sur la même forme je m’assurais que le confort resterait optimal. Le modèle proposé par Zonkey Boot reste assez classique. Le veau-velours couleur sable s’adapte bien à toutes les situations casual.
On trouve sur cette paire deux petites particularités. Tout d’abord, on remarque qu’une partie de la semelle est orange. Ce n’est pas juste esthétique, le matériau utilisé permet une plus grande isolation du froid, pratique pour l’hiver et les pays du nord. Deuxième détail, purement esthétique cette fois, la surpiqure bicolore (réalisée à la main évidemment). Elle amène un twist discret à la chaussure.
4 Jodhpur en poils de poulain
Ma dernière acquisition chez Zonkey Boot, n’est pas très rationnelle. C’est d’ailleurs sûrement une des paires que je mets le moins, car elle sort beaucoup de mon style habituel. Et c’est ce qui en fait tout l’intérêt. Comme pour les trois modèles précédents, le modèle est un classique de la botterie, une bottine Jodhpur, c’est à dire un modèle où la fermeture se fait grâce à une lanière en cuir qui tourne autour de la cheville. La forme à monter reste la Sailor, rien de particulier à ce niveau là non plus. Pour ce qui est de la matière, c’est du poil de poulain qui est utilisé. En général, lorsqu’il s’agit de chaussures pour homme, on utilise le cordovan qui vient du cheval.
Le poil de poulain, est beaucoup plus rare. Il faut dire qu’il n’est pas discret. Le poil, coupé très court reste présent et visible. En photo, le modèle impressionne, ça n’est pas très discret. Étonnement, lorsque j’ai vu la paire la première fois, c’était aux pieds d’une personne qui les essayait. Le gros avantage, est que la couleur bleu nuit est très discrète, du coup au pieds, on voit une chaussure foncée, c’est tout. La lanière en cuir au tannage végétal est de couleur chocolat, ce qui s’associe parfaitement avec le bleu nuit et reste discret (cette partie du soulier étant de toute façon cachée par le pantalon).
Après plusieurs mois voire années de port, il est intéressant de noter que selon le modèle, mes souliers Zonkey Boot ont tous trouvé une utilisation assez précise.
La caractéristique commune à toutes ces paires est leur confort. J’insiste énormément là-dessus, mais c’est primordial. D’une part j’ai pu très vite les porter une journée entière sans aucune période de rodage (on est loin du soulier rustique qu’il faut porter par périodes de plus en plus longue chez soit pour le « casser »), d’autre part ce sont des chaussures que je peux porter sur des périodes plus longues (une journée de travail qui se poursuit dans un bar par exemple).
Le derby bleu est devenu ma chaussure préférée pour ce genre de journée, comme la bottine en veau-velours, un peu moins formelle, est souvent la paire que je prends pour un weekend voire un déplacement de 72h (oui, j’ai beau être passionné de chaussures, il est hors de question que je m’encombre pour une durée aussi courte, sauf bien sûr si un évènement impose une paire plus formelle). Le derby vert joue le même rôle pendant les périodes plus ensoleillées où je les porte fréquemment. J’aime aussi casser le sérieux d’un costume gris pas trop foncé avec.
La bottine en poulain « choque » finalement moins que le vert, et est assez passe-partout. En plus, elle n’exige que très peu d’entretien, un coup de brosse et c’est réglé ! Toutes les paires ont très bien évolué dans le temps. Le seul petit point négatif est le veau-velours bleu qui a tendance à blanchir un peu sur les plis, c’est malheureusement très classique, et dépend du pied de chacun. J’ai ce problème avec toutes mes paires en veau-velours quelle que soit la marque, donc je dois vivre avec.
CONCLUSION
Il y a un point que je n’ai pas encore abordé, et qui est pourtant crucial : le prix. Les souliers Zonkey Boot font partie du haut de gamme tarifaire de la chaussure, avec des prix ayant considérablement augmenté ces dernières années, comme pour la plupart des acteurs du marché. Ces prix très élevés pousseront à réfléchir longuement avant la dépense. Il faudra un vrai coup de cœur pour se lancer. N’oubliez pas que la plupart des modèles Zonkey Boot sont très affirmés, il faut être sûr que le modèle pour lequel vous avez craqué s’intègre dans votre style et s’accorde aux autres pièces de votre garde-robe.
Si c’est le cas, et que le prix n’est pas un frein (ou que votre banquier est calcéophile) alors faites-vous plaisir, ce sera une pièce forte de votre garde-robe qui risque de faire des envieux.
La dernière chose à prendre en compte est la distribution. Comme un certain nombre de marques intéressantes dédiées aux passionnés, il est assez difficile de pouvoir les essayer, ce qui reste important pour des chaussures en cuir (à une époque certains modèles étaient chez Colette). Si vous avez la chance de connaître votre pointure, alors la marque a son propre e-shop avec une sélection en général assez large de produits. Il ne vous reste plus qu’à vous faire plaisir !