La vie des marques n’est pas un long fleuve tranquille.
Si vous lisez JamaisVulgaire depuis un certain temps, vous savez que j’aime particulièrement analyser ce qui se passe dans les coulisses de la vie d’une marque, et qu’il est toujours utile de s’y intéresser pour mieux comprendre les lancements de de produits, et mieux appréhender leur qualité.
Paris-Yorker est justement un excellent exemple d’actualité: fondée et gérée depuis 2010 par Alexandre Ignatoff, la marque a cette année changée de mains et a été reprise par Jean-Marie et Emmanuelle. Un renouveau intéressant pour fêter les dix ans de la marque.
Vous connaissiez Paris-Yorker comme une DNVB (marque purement digitale) qui cassait les prix et proposait probablement le meilleur rapport qualité/prix du marché sur les mailles à moins de 100€. Il était donc intéressant de vérifier pour vous si cette promesse était toujours au rendez-vous.
Sommaire
I PARIS YORKER 2020: MAINTIEN DE LA QUALITE ET DIVERSIFICATION
Après 8 ans passés à analyser des marques, on peut devient facilement méfiant lorsqu’une marque lève des fonds, ou alors se fait racheter.
En particulier des marques avec un volume important et une rentabilité relativement faible: c’est souvent à ce moment là qu’on cherche à améliorer ses marges en rognant sur la qualité.
Et Paris-Yorker aurait été un terrain particulièrement fertile pour cette opération, au vu de la réputation de la marque, et de la base importante de clients acquise au fur et à mesure des années.
Il me renait donc à coeur de discuter avec les fondateurs, et de tester la nouvelle gamme de produits. Spoiler alert: ce n’est heureusement pas la stratégie qui a été choisie.
1 Le retour à un pricing normal et à un fonctionnement sur stock
Souvenez-vous de l’année 2019: il s’agissait de la toute dernière année d’Alexandre à la tête de Paris-Yorker. La stratégie de prix était donc extrêmement aggressive avec de multiples last call et des ventes en pré-commandes.
On avait tôt fait d’oublier ce contexte très particulier et de s’habituer à ces prix, qui n’avaient en fait rien de normaux. Effectivement, le rapport qualité/prix était phénoménal, mais il ne s’agissait pas de prix qui permettent à une boîte d’être rentable et de se développer.
Bref, j’ai inévitablement été un peu surpris en retrouvant la marque et les prix qu’elle pratique d’habitude, et je m’épanche un peu sur le sujet car ça a sûrement été le cas pour nombre d’entre vous.
Outre un fonctionnement classique, gardez également à l’esprit qu’il ne s’agit pas ici de pré-commande: tout est en stock et est immédiatement expédié, ce qui vous épargne plusieurs semaines d’attente pour à peine plus d’une dizaine d’euros supplémentaires.
Même avec ces prix plus standard, on reste grâce à la distribution directe encore sur le meilleur rapport qualité/prix du marché sur ce positionnement en termes de finitions, de coupes, de texture et même tout bêtement de poids de laine par pièce.
Bref, le credo « Le luxe à prix d’atelier » est toujours respecté.
2 Le choix de se diversifier
Comme toute entreprise, Pairs-Yorker souhaite se développer et améliorer sa rentabilité: des repreneurs peu scrupuleux auraient pu choisir de le faire en baissant la qualité du produit.
Jean-Marie et Emmanuelle ont choisi une stratégie plus vertueuse: celle de la diversification. Et qui permet aussi d’optimiser la rentabilité en vendant davantage de produits sans forcément avoir besoin d’acquérir plus de clients, et en permettant un panier moyen supérieur.
Deux axes logiques ont été suivis, qui respectent bien le savoir-faire historique de la marque:
– 10 modèles d’écharpes: pour le travail de la matière et le savoir-faire lié à la laine
– 15 modèles de chemises: pour le travail de la coupe et la qualité du sourcing en Europe de l’Est
Une dizaine de ceintures en cuir sont également prévues dans les prochains jours.
Nous allons dans ce test notamment nous intéresser également aux écharpes
3 Rappels sur le savoir-faire Paris-Yorker
Après cette parenthèse business, voici un bref rappel pour ceux qui ne connaissent pas déjà la marque:
Les matières
La laine de mérinos est sourcée chez Filivivi: il s’agit de laine avec l’appellation laine extrafine (dont le diamètre est deux à trois fois plus fin qu’une laine classique) et dotées du label Woolmark, certifiant les bonnes conditions de la tonte, réalisée sur des animaux vivant et en bonne santé
Le cachemire et la laine cardée sont italiens et proviennent de chez Papi Fabio, un filateur italien expert en activité depuis 1890.
Depuis la reprise, Paris-Yorker mets également beaucoup en avant le coton bio, filé en Italie par Olcese Ferrari.
Chacune de ses filatures propose un savoir-faire pointu et reconnu. Pour preuve, ils comptent parmi leurs clients des maisons du luxe comme Hermès, Chloé, Céline, Prada, Fendi ou encore Balmain.
Le savoir-faire
Paris-Yorker fait toujours produire ses pulls dans le même atelier spécialiste de la maille en Bulgarie. Chaque pull nécessite environ 2H30 de travail.
Les pulls sont tricotés en diminué, c’est aussi ce qu’on appelle le fully fashioned: pas de découpe inutile et des coutures plus discrètes.
Des mailles très serrées
C’est Alexandre qui m’avait expliqué il y a 5 ans de ça que la douceur était un faux ami, et qu’une maille douce était dans 90% des cas plus lâche et donc moins durable.
Dans le cas de Paris Yorker, les mailles sont très serrées, ce qui explique le poids significatif des pulls (en moyenne 270g par mètre carré). A matière équivalente, ils pourront donc être un peu moins doux au départ que la concurrence.
Pour conserver un touché doux, Paris Yorker utilise de plus en plus de laine cardée et de cachemire.
II TEST DE LA NOUVELLE COLLECTION PARIS YORKER
Afin d’avoir une vue globale sur la qualité des pièces, Paris -Yorker m’a fait parvenir un échantillon représentatif de 3 pulls de la nouvelle collection.
1 Le pull col cheminée
C’est une pièce que j’avais beaucoup appréciée l’année dernière et sur laquelle ce maillage serré prend tout son sens: il permet une excellente tenue du col, en particulier par dessus une chemise
a Le col cheminée
Le col cheminée est un intermédiaire qui divise les amateurs qui lui préfèrent parfois le col rond ou le col roulé. Pour moi, il s’agit au contraire d’un bon compromis: il a plus de caractère qu’un col rond grâce à son encolure plus large, et il convient à plus de morphologies qu’un col roulé. Il permet également d’avoir une tenue plus travaillée en laissant apparaître la chemise.
b La coupe
Le pull est coupé près du corps, ce qui convient bien à cette maille serrée.
c La matière
Il s’agit ici d’un mérinos peigné 2 fils 330gr: un tissage simple mais avec du caractère grâce à son effet chiné qu’on voit bien sur les photos. Les nuances de bleu facilement perceptibles lui donnent beaucoup de consistance.
Conseils de style
L’association col cheminée + col boutonné en oxford rayé est pour moi une valeur sûre facile à porter et plus originale que l’éternel col rond. Il faut en tout cas une chemise un minimum texturée pour bien faire echo à l’aspect très légèrement chiné de cette maille resserrée.
Cette couleur bleu denim est extrêmement lumineuse: je vous recommande donc de la porter avec une couleur plus effacée. Le pantalon en velours côtelée couleur taupe est parfait pour équilibrer, tout en apportant un jeu de texture et une construction intéressante à l’ensemble.
La maille est également assez fine pour se rentrer dans le pantalon si vous souhaitez mettre la ceinture en avant (en revanche, avec un pantalon taille haute, ça fait forcément un tout petit torse).
Enfin, j’ai choisi les bottines Astoria de chez Malfroid qui font bien echo au côté habillé du pantalon. Tout en ayant assez de caractère pour se porter avec du velours côtelé et un pull col cheminée.
Enfin, j’ai opté pour une parka Travis camo de chez Nobis, étant donné que la tenue laissait de la marge pour une pièce forte en termes de motifs:
Je porte le pull col cheminée avec:
– une chemise oxford rayée Octobre Editions
– un pantalon habillé en velours côtelé coton et cachemire Abensia
– les bottines balmoral Astoria de chez Malfroid
Conclusion sur le pull col cheminée
Le pull col cheminée Paris-Yorker est disponible ici à 85 euros
2 Le pull col marin interlock
a Le tricot: qu’est ce qu’un jersey interlock ?
C’est assez déstabilisant de toucher et d’essayer ce pull au premier abord tant il rappelle un sweat-shirt. Le touché fait ainsi beaucoup penser à du jersey.
Ce n’est ici pas du jersey mais de l’interlock: avant de vous expliquer la différence, il est utile de bien savoir distinguer jersey et maille.
Au final, c’est plutôt simple: les jerseys sont des tissus tricotés avec des fils fins, tandis que deux tricotés avec des fils plus épais sont des mailles.
L’interlock est un type de jersey particulier: si le tricot du jersey classique est réalisé à partir d’un seul fil, le jersey interlock est tricoté avec deux fils. On a deux épaisseurs de jersey qui sont intriquées l’une dans l’autre.
Concrètement, on obtient les propriétés suivantes:
– une épaisseur conséquente par rapport à un jersey simple, ce qui explique le poids de 600 grammes par mètre carré
– un pull pas forcément très épais mais très chaud
– un tissu naturellement extensible, même sans matière synthétique (type élasthane)
b Le col marin
J’aime beaucoup les cols resserrés, avec une encolure large et peu élastiques (d’où mon amour profond du col cheminée): ce n’est pas du tout le cas ici.
Ce n’est pas un jugement de valeur qualitatif: le col est simplement plus lâche, et avec une ouverture plus importante que sur les autres modèles (col rond y compris). Vous le verrez dans les conseils de style, il n’est pas fait pour se porter par dessus une chemise.
En revanche, il pourra bien se porter tel quel si votre morphologie le permet (ce n’est pas mon cas, car j’ai un long cou et une grosse tête).
Le résultat est plus concluant pour une morphologie standard:
Les finitions sont très qualitatives, avec des boutons ancre en finition laiton vieilli:
Les finitions
Les bords côtes au niveau de la taille et du poignet font beaucoup penser à un sweat-shirt: ils sont à la fois élastiques mais reviennent plus facilement à leur forme d’origine que le col.
Conseils de style
J’ai porté le col avec une chemise oxford, avec un col un peu lâche. Je ne suis pas vraiment convaincu par le rendu, mais le résultat porté ras de cou n’est pas convaincant sur moi (avec ma morphologie)
J’aurais du coup apprécié une encolure plus large, et un col plus serré pour que ça se porte bien par dessus une chemise.
J’ai joué à fond sur le style marin en portant avec le caban Cygogne Armor Lux. Enfin, ce vert est parfait pour se porter avec le tweed orangé car il rentre parfaitement dans le registre Gentleman Farmer. Les bottines Malfroid complètent encore bien le tout.
Je porte le pull col marin avec:
– un caban Armor Lux
– une chemise oxford rayée Octobre Editions
– un pantalon gurkha en tweed Abensia
– les bottines balmoral Astoria de chez Malfroid
Conclusion sur le pull col marin
Le pull col marin Paris-Yorker est disponible ici à 120 euros
3 Le pull col roulé
a Le col roulé
Il est bien proportionné, pas trop épais et peut se porter aussi bien sous un blouson que sous une veste habillée un peu texturée (comme une flanelle).
b Les finitions
Sur le mélange laine cardée/cachemire, les bords côtes sont construits un peu différemment et sont beaucoup plus élastiques: on sent une tension supplémentaire qui les fait revenir très vite à leur forme normale.
b Le mélange laine cardé et cachemire
Le mélange 90% laine cardé et 10% cachemire est une bonne alternative au 100% cachemire: avec un rendu très proche et des coûts réduits. Ici aussi, la maille est serrée, mais le mélange laine cardée et cachemire rend l’ensemble très doux.
Le pull est là aussi assez lourd: 340gr pour un tissage 4 fils.
c La coupe
La coupe est assez droite, et ça se voit au niveau des épaules et est très légèrement cintrée à la taille. Cette coupe, combinée à la matière plus épaisse et texturée donne des épaules un peu moins marquées que sur les autres modèles.
Conseils de style
J’ai ici un peu pris un risque en terme de contraste en portant ce gris avec la flanelle marron rayée du costume Scavini.
Je craignais un manque de contraste, mais je trouve qu’il est tout de même bien amené à travers les rayures marron clair du costume, ainsi que la pochette en twill de soie, qui prend bien la lumière.
Je porte le pull col roulé Paris-Yorker avec
– le costume Scavini en flanelle rayée
– les richelieu double boucle Eugénie par George&Georges
Conclusion sur le pull col roulé
Il s’agit d’un modèle parfait pour goûter au confort du mélange laine cardée/cachemire, avec une coupe un peu moins près du corps que celle du pull col cheminée. On apprécie la polyvalence de la matière et du col roulé: assez de caractère pour se porter avec une tenue décontractée, mais assez sobre pour se porter avec un costume en flanelle.
Le pull col roulé Paris-Yorker est disponible ici à 110 euros
L’écharpe en laine superfine
Cette écharpe est à l’image de la nouvelle gamme de Paris-Yorker: je croyais au premier abord le tissu un peu trop formel, mais il est ici bien détourné. La laine est fluide, douce et agréable.
Il s’agit d’une offre tout à fait compétitive par rapport aux autres DNVB qui proposent le même genre de produit, avec des parti pris stylistiques intéressants.
Elle peut se porter dans une tenue formelle simple, et aussi bien dans une tenue plus décontractée.
L’écharpe en laine à rayures est disponible ici à 65€