S’il y a bien une marque pour laquelle il serait injuste de ne parler que du produit et du rapport qualité/prix, c’est bien Butticé.
Pour apprécier à leur juste valeur les chemises et les cravates que je vais vous présenter, il faut avant tout comprendre l’amour de son fondateur, Stéphane Butticé, pour un artisanat sans compromis qu’il transmet depuis presque une dizaine d’années sur son blog Gentleman Chemistry.
Sommaire
I Butticé Paris: l’aboutissement logique d’une passion de longue date
Stéphane crée Gentleman Chemistry pratiquement en même temps que j’ai crée JamaisVulgaire: ce blog accompagne de manière cohérente son parcours dans la mode avec un passage entre autres chez Zegna, Six&Sept puis Holland&Sherry. de 2016 à 2019.
Le meilleur de l’artisanat aux quatre coins du monde
Gentleman Chemistry lui permet de proposer à la fois des contenus écrits, audio et vidéo. Mention spéciale notamment pour les production vidéos réalisées pour:
– Cifonelli:
– Sartoria Ripense:
– Dimitri Gomez
On retrouve au final sur le site de Stéphane un contenu qui rassemble ce qui se fait de mieux en artisanat, à la fois en Italie, en France et en Grande-Bretagne. Une expertise qu’il va largement consolider lors de son expérience de commercial chez Holland&Sherry.
Un amour du (vrai) vintage
Stéphane a une passion tangible pour les belles pièces vintage, autant sur l’horlogerie (il a d’ailleurs rédigé plusieurs articles sur les montres vintage à Paris) que sur le workwear US. Il fréquente régulièrement la boutique AW Cooper sur laquelle il a d’ailleurs réalisé un reportage vidéo:
S’il se passionne pour des pièces vintage rares, avec une vraie histoire, Stéphane est en revanche agacé par la seconde main plus mainstream de type Vinted: une plate-forme sur laquelle les vraies belles pièces artisanales ne sont souvent pas respectées à leur juste valeur (contrairement à des sites plus spécialisés comme Vulpilist).
Si Stéphane avait une mission, elle serait probablement de défendre l’artisanat et la création, mais pas n’importe laquelle.
Une réflexion sur le produit, le marché et le style enrichie continuellement
Dernier volet de son media: le podcast Gentleman Chemistry. C’est à travers cette production que j’ai découvert à quel point Stéphane était une force de travail qui allait au bout des choses. Il propose ainsi en moyenne tous les 10 jours un nouvel épisode du podcast pouvant parfois aller jusqu’à à 4h où il interview des personnalités du monde de la mode qui vous apporteront un éclairage nouveau sur le marché et les produits.
Pêle-mêle, vous trouverez ainsi des:
– réussites entrepreneuriales comme Benoit Wojtenka (BonneGueule) ou Catherine Painvain (Tartine et Chocolat)
– vétérans de la mode masculine comme Norbert Benaim (By Wilman) ou Cyril Arvengas (Maison Gabriel)
– figures du dandysme parisien: les frères Massimiliano et Francesco Mocchia di Coggiola ou encore Alex Rash (Serpent à Plumes)
J’ai aussi eu la chance d’y être interviewé, sur un format long de 4H: je vous y raconte mon parcours, mais aussi ma vision du marché actuel et l’influence du marketing digital: ça se passe ici.
Créer sa marque, mais pas n’importe comment
En créant Butticé Naples, Stéphane ne voulait surtout pas devenir une DNVB comme les autres: parler de rapport qualité/prix en proposant le même produit que d’autres ont déjà fait en mieux à travers une communication lisse et galvaudée avec les inévitables mots-clefs circuit court, sans intermédiaires etc (je n’ai rien contre ces marques tant qu’elles apportent de la valeur sur le marché).
Par contre, il voulait une marque avec des produits à la fois:
-intemporels
– avec un savoir-faire fait main
– et une identité marquée
La recette prends bien et est rapidement reconnue par les connaisseurs les plus avertis: Stéphane compte ainsi dans ses clients Mark Cho (de chez The Armoury) ainsi que Lorenzo Cifonelli.
Une communication originale
Butticé est une des rares jeunes marques que je connaisse à avoir réussi à insuffler avec bon goût de l’audace et de l’impertinence dans sa communication visuelle: poing américain (Stéphane est un passionné de boxe), Gameboy (pour le côté playful et décalé) ou encore rouge à lèvres et vernis à ongles de son amie Lola pour le côté bad boy et séducteur.
Ce parti pris se retrouve également dans tous les petits détails du packaging avec par exemple un Malabar avec votre commande (je n’avais pas dû en mâcher depuis mon adolescence). Ca a l’air ridicule dit comme ça, mais c’est cette somme de détails au premier abord insignifiants qui font le charme d’une marque.
Bref, un positionnement très marqué, pas forcément toujours politiquement correct et qui a le mérite de ne pas laisser indifférent. Et ce qui est intéressant, c’est que cet état d’esprit se retrouve bien dans chacune des pièces de la marque, en plus d’un savoir-faire rare pour le prêt-à-porter que nous allons étudier tout de suite.
Une collection d’inspiration vintage qui sort des sentiers battus
C’est sûrement ce qui m’a marqué en premier: hormis la traditionnelle chemise blanche et bleue clair, il n’y a que des motifs forts, qui sortent de l’ordinaire, dans la collection de chemises.
A travers les styles proposés par Stéphane, l’idée est surtout de montrer que ces motifs qui sortent largement des grands classiques sont au final plus faciles à porter qu’il n’y paraît, avec plus de nonchalance et moins d’a priori.
Pour les cravates, la démarche est la même, avec une forte identité vintage (on va le voir plus bas).
Test de la chemise en coton et lin Capri
Si tout le travail main réalisé sur une chemise en prêt-à-porter force de respect, vous allez aussi voir que ce n’est pas la principale valeur ajoutée de l’offre de chemises Butticé.
Le col
Il est ici rabattu à la main. C’est ce qui permet une souplesse assez remarquable que je n’avais pour le moment pas vu ailleurs: cette souplesse contribue aussi bien à la nonchalance de la chemise portée col ouvert, tout en permettant un rendu impeccable col fermé avec une cravate.
C’est un col dans lequel il serait un crime de mettre des baleines: la contrepartie de cette souplesse est d’être particulièrement vigilant sur le repassage. Soyez en particulier attentif aux pointes et veillez à éviter qu’elles rebiquent, ça serait la pire insulte que vous puissiez faire à ce savoir-faire.
De la confection, il s’agit surtout d’un col italien affirmé, aux pans bien larges et avec une ouverture contenue, qui ne tombe pas dans le piège de extravagance de certains cols extreme cutaway.
Epaule et emmanchure
Encore une fois, il s’agit de finitions rares sur du prêt-à-porter qui jouent pourtant énormément sur le confort. Les chemises Butticé ont ainsi à ce niveau 2 passages main:
– l’emmanchure cousue main décalée: le décalage permet d’éviter un croisement qui rend le tissu plus épais. On a donc plus de confort et d’aisance en mouvement
– le quart d’épaule cousu main: le quart d’épaule est l’empiècement qui relie l’avant, le dos, et les manches de la chemise. Le fait de le coudre à la main permet plus de précision et un meilleur fit.
Le cousu dietropunto consiste à effectuer les coutures par l’envers de la chemise, pour avoir un rendu le plus minimaliste et net à l’endoit. On ne le trouve que sur des chemises très haut de gamme.
Fermetures
Au-delà d’un bon fit, une belle chemise doit aussi durer dans le temps et être pratique à porter: il était donc logique que les autres passages main soient effectués sur la boutonnière et les boutons.
– boutons en nacre australienne, cousus Zampa di Gallina: au-delà d’une esthétique plus élaborée, ils permettent une couture plus solide et une ouverture plus facile de la boutonnière
– boutonnières faites main: elles vont mieux résister aux frottements des boutons et resteront souples à l’ouverture de la chemise. Ce n’est pas forcément le cas de toutes les boutonnières faites main: d’autres marques de chemise en MTM, plus abordables, proposent des boutonnières faites main très durable mais qui seront extrêmement rigides pendant les premiers ports
– gorge cousue main: la gorge est rabattue avec un point souple, renforcé par un travetto. Ce type de gorge est par la suite plus facile à repasser.
Autres finitions
Le luxe, c’est aussi le plaisir égoïste d’avoir des petits détails cachés bien finis, qui n’ont pas un impact majeur sur la solidité ou le confort d’une chemise, mais qui témoignent de l’attention qui a été portée à la confection d’une pièce.
C’est dans cette catégorie que je rangerais ces deux dernières finitions main:
– hirondelles: cette fameuse finition qui renforce les côtés de la chemise et qui est un marqueur que vous connaissez tous d’une chemise de qualité. Elle est ici cousue à la main.
– travetto cousu main: situé au niveau du capucin (cette couture dans le prolongement des poignets), elle est elle aussi finie à la main
Coupe et patronage
J’étais pour le moins dubitatif lorsque Stéphane m’a fait essayer une chemise en taille 38, moi qui fait d’habitude entre 36 et 37. Le fit était au final tout à fait adapté.
En dehors du col, j’ai été au départ un peu déstabilisé par la présence d’une poche poitrine, que je trouvais alors assez contradictoire avec les rayures typiques d’une chemise d’habitude formelle.
Au final, après l’avoir portée au Cambodge avec un simple pantalon habillé, elle rajoute une touche un peu plus utilitaire qui donne un peu de consistance à la chemise portée seule (et qui de toutes manières ne se verra pas sous une veste de costume).
On est loin d’Indiana Jones, mais la poche poitrine apporte tout de même un petit côté aventurier sur la chemise portée tel quelle qui aurait sûrement été trop sage sinon.
Coton et lin de la Maison Grandi & Rubinelli,
Lorsque j’ai récupéré cette chemise en Octobre, je ne pensais pas spécialement pouvoir la porter en Automne/Hiver: ce mélange 60% coton / 40% lin s’est pourtant montré adapté même au début de l’hiver. Et, comme on pouvait s’y attendre, elle a été un régal à porter lors de mon récent séjour au Cambodge, même avec des températures allant jusqu’aux 35 degrés.
Le mélange coton/lin marche toujours aussi bien:
– le lin apporte la thermorégulation, la respirabilité, mais aussi de la résilience et de la durabilité au tissu
– le coton quant à lui facilite le repassage et rend l’ensemble plus lisse.
Pour ce mélange, Stéphane a choisit un tisseur dont nous n’avions encore jamais parlé, loin des classiques Monti et Albini: Grandi&Rubinelli.
Cette maison encore confidentielle relativement jeune puisqu’elle a été fondée en 1992: elle se différencie en proposant des tissus avec une production 100 % italienne, ce qu’elle arrive à contrôler à une fabrication verticalisée. Ubaldo Rubinelli a travaillé en design et ventes pour les drapiers italiens les plus connus, tandis que Remo Grandi possédait un petit atelier textile proche de Milian: ces deux profils très complémentaires permettent la naissance de Grandi&Rubinelli. 30 ans plus tard, la formule fonctionne bien et la maison emploie à présent une trentaine d’employés.
La chemise Butticé en hiver
Si le lin nous fait forcément penser à l’été, on trouve sur ces dernières années de plus en plus de pièces en lin lourd plus hivernales, et en mélange coton/lin plus polyvalent. On peut donc tout à fait imaginer une chemise en coton/lin en Automne et au début de l’hiver, aussi bien avec des costumes 4 saisons qu’avec des matières plus marquées comme la flanelle.
Je la porte ici ainsi avec :
– un costume croisé en flanelle grise Wicket
– une cravate Gentlemenclover
– des richelieu CNES Shoemaker
– un chronographe vintage Dubois de chez mamontrevintage.com
La chemise Butticé en été
C’est un vrai plaisir à porter, en particulier dans les climats chauds et humides. Etant donné qu’il s’agit de rayures blanches sur fond bleu clair, elle se porte à la fois très bien avec un pantalon bleu marine et un pantalon beige. J’ai ici choisi un pantalon beige habillé de la marque Poszetka et des mocassins clair suédé Morjas.
Je comptais partager avec vous le Reels de cette tenue, mais malheureusement la fonctionnalité a été désactivée lors de mon séjour au Cambodge et n’est pas revenue depuis mon retour.
Voici donc une bonne vieille vidéo Viméo des familles:
La chemise Capri Butticé est disponible ici à 310€
Test de la cravate jacquard bordeaux: motifs flamme orangé
Tout comme pour les chemises, inspiration vintage et savoir-faire décriraient parfaitement les cravates Butticé.
Des motifs vintage
Quand on parle de motifs vintage, ça peut être du micro-motif discret, comme des motifs beaucoup plus imposants et qui sortent de l’ordinaire. On voit tout de suite en scrollant dans la sélection de cravates que Stéphane a opté pour la deuxième option.
Le parti pris est le même que pour les chemises: montrer qu’avec un peu de nonchalance et sans se prendre la tête, ces cravates ne sont pas si difficiles à porter que ça. Et il prendra un malin plaisir à vous inspirer, Gameboy ou manette de Playstation en main.
La confection
Tout comme pour les chemises, qui dit confection à Naples dit aussi beaucoup de finitions main et une grande souplesse.
Ainsi, les cravates Butticé sont:
– roulottées à la main
– et entièrement non doublées
Ce n’est pas seulement le motif qui est vintage, mais aussi les dimensions. avec 8,5 cm de largeur. On est non seulement loin de la cravate slim, mais aussi un cran au dessus d’autres marques de cravates axées sartoriales qui vont rarement au-delà des 8.
.
Conseils de style
Pour équilibrer ce motif vintage fort, j’ai choisi des costumes beaucoup plus conventionels: rayures classiques d’un côté, et flanelle unie de l’autre.
Le port à l’italienne est largement assumé ici, avec le pan petit pan qui dépasse le grand en longueur. Vous l’aurez compris, à part pour certaines cravates tons sur tons, ce ne sont pas du tout des modèles voués à être portés à une réunion à La Défense en cabinet de conseil: elles se destinent plutôt aux amoureux du style sartorial, qui s’habillent en costume pour le plaisir
La cravate jacquard motif Flammes orangées est disponible ici à 160€
Conclusion
Vous l’aurez compris, j’ai eu un coup de coeur pour Butticé: une marque rafraîchissante qui montre qu’il est encore possible de proposer un univers original et marqué, en plus de pièces au savoir-faire irréprochable.
Elle s’adressera aux vrais amoureux du style sartorial, qui souhaitent sortir de leur zone de confort avec des motifs et imprimés originaux au style vintage marqué, mais qui s’avère plus facile à porter qu’on pourrait le croire au premier abord.
En plus de jeter un coup d’oeil à la marque Butticé, je vous encourage vivement à consulter le blog Gentlemanchemistry, une vraie mine de connaissances sur le style, le vintage, le savoir-faire mais aussi beaucoup de sujets annexes mais tout aussi intéressants comme l’horlogerie ou la boxe.
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