Aujourd’hui, je suis ravi de vous parler de la maison Bernard Zins , une véritable institution dans l’univers du pantalon français dont la réputation est forgée depuis les années 1950.
Fondée par Bernard Zins, diplômé de l’École Supérieure du Vêtement de Paris, cette maison est le fruit d’une vision novatrice qui a à l’époque révolutionné l’industrie du pantalon en France. Le fondateur a non seulement introduit des techniques de conception avant-gardistes, mais a également établi dix « règles d’or » qui continuent de définir les standards de qualité dans la confection de pantalons.
L’innovation est au cœur de la démarche de Bernard Zins, avec des brevets déposés pour améliorer divers aspects du pantalon, de la coupe aux doublures. La transmission du savoir-faire est également une priorité, comme en témoigne la reprise de l’entreprise par Frank Zins, le fils du fondateur, qui a su moderniser la marque tout en préservant son héritage artisanal.
Dans cet article, vous découvrirez non seulement l’histoire fascinante de cette maison, mais aussi les détails techniques qui font de chaque pantalon Bernard Zins une pièce d’exception. Vous serez également initié aux nouveautés de la collection Automne-Hiver 2023, qui promettent de vous surprendre par leurs matières et leur élégance.
Sommaire
I Bernard Zins, ingénieur pantalonier: rappels
La maison Bernard Zins est une institution du pantalon français. Son histoire commence dans les années 1950 avec Bernard Zins, son fondateur visionnaire.
Les débuts de Bernard Zins
Diplômé de l’École Supérieure du Vêtement de Paris, Bernard Zins effectue en 1950 un voyage aux États-Unis grâce au plan Marshall. Il y découvre des techniques de conception novatrices dans les manufactures américaines. De retour en France, il met 10 ans à développer ses propres innovations. En 1967, il parvient à industrialiser la fabrication de pantalons de haute qualité, une première en France.Il installe son premier atelier à Lens et commence à produire pour de grandes marques françaises comme Lanvin, Saint Laurent, Cardin ou Chanel.
L’innovation au cœur de la maison Zins
Lors de ces visites aux États-Unis, Bernard Zins découvre une manière révolutionnaire de confectionner les costumes: industrialiser le savoir-faire tailleur dans les ateliers américains.
En effet, le travail du tailleur consiste à transformer un tissu plat en un vêtement en trois dimensions. Pour sculpter les volumes, comme le galbe d’un revers de veste, le tailleur doit réaliser de nombreuses étapes de pliage, de couture et de repassage à la vapeur afin de fixer définitivement chaque pli (on parle de « pattemouille »). Ce fastidieux travail artisanal permet d’obtenir in fine une forme et des lignes absolument parfaites.
Les Américains ont réussi dans les années 50 à mécaniser ce savoir-faire sur des machines industrielles qui reproduisent chaque geste du tailleur, des opérations jusque-là purement artisanales.
C’était une aubaine pour démocratiser le vêtement tailleur, que Bernard Zins a tout de suite voulu exploiter à son retour en France en l’appliquant au pantalon.
Bernard Zins place l’innovation au centre de sa démarche. Il dépose de nombreux brevets pour améliorer la coupe, les doublures, les braguettes ou encore les coutures de ses pantalons. Il établit même 10 règles d’or du pantalon qui font encore référence aujourd’hui dans le milieu de la confection (nous allons les voir un peu plus bas).
La transmission du savoir-faire
Dans les années 2000, Frank Zins, le fils du fondateur, reprend les rênes de l’entreprise familiale. Il modernise la marque tout en conservant le savoir-faire historique, notamment les nombreuses techniques de fabrication uniques et des processus pour atteindre la perfection dans ses pantalons, suivant 10 « règles d’or » qu’il a établies :
- Une construction de ceinture spéciale pour un meilleur ajustement et confort
- Des boutonnières renforcées pour éviter les effilochages
- Un sous-pont traditionnel et des boutons pour une meilleure tenue
- Des coutures et des piqûres invisibles pour une finition impeccable
- Des techniques de doublure pour une tombée et un confort doux
- Une construction de poche précise pour éviter les points lâches
- Des méthodes de plissage qui maintiennent la forme
- Une confection de braguette méticuleuse pour une finition nette
- Une forme et des silhouettes de jambes optimisées pour le mouvement
- Un surjet, une finition et un contrôle qualité méticuleux dans l’ensemble
On revient plus tard sur ces 10 règles d’or.
En moyenne, la confection d’un pantalon Zins prend deux fois plus de temps (60 min) que celle d’un pantalon standard (24 min).Zins utilise des tissus haut de gamme provenant de filatures renommées comme Loro Piana, Holland & Sherry et Dormeuil.
Bernard Zins: les nouveautés Automne Hiver 2023
Le velours Shizu
Cette matière baptisée « Shizu » par le pantalonnier, ce qui signifie « silence, calme, sérénité » dans la langue du pays du Soleil-Levant, présente des caractéristiques techniques impressionnantes.
Ses fibres à la fois très fines et très nombreuses lui confèrent après tonte une texture à la fois souple presque onctueuse et sensuelle, dotée d’un toucher agréable et d’un bel éclat visuel avec une subtile brillance qui attire le regard. Le velours « zen » garantit par ailleurs un superbe tombé et un confort thermique appréciable.
C’est grâce à une machine de production très perfectionnée et surtout très rare, dont seuls deux ateliers au Japon seraient équipés, qu’un tel traitement du velours de coton peut être réalisé.
Originaire de la région d’Enshu, tout près de la préfecture de Shizuoka au centre-est du pays, ce tissu provient d’une zone propice à la culture du coton et à la confection historique du velours.
Néanmoins, comme certaines régions françaises, elle a connu un net déclin de ses ateliers de tissage, passant de plusieurs milliers d’unités dans les années 70 à une centaine aujourd’hui. Heureusement, la forte industrialisation locale, portée par des géants comme Toyota, a permis le développement de technologies de pointe applicables aux métiers à tisser.
Parmi les ateliers survivants, beaucoup se sont reconvertis dans la confection de chemises. Quelques irréductibles continuent cependant à produire du velours, et un seul à ce niveau d’excellence. C’est de cet artisan que la maison Zins s’approvisionne actuellement.
Présentés en 2021 en « pré-série », ces pantalons ont connu un franc succès auprès de la clientèle Zins grâce à leur confort. Celui-ci a un revanche un coût puisque ces pantalons sont disponibles à 590€.
On trouve sinon des velours à grosses côtes plus classiques déclinés en BZV2:
Les pantalons en velours Bernard Zins sont disponibles entre 320€ et 590€ pour le Shizu.
Laines fantaisies
Quelques donegals et flanelles ont ici attiré mon attention: voici une petite sélection de ce qui est toujours en stock (en effet, quelques modèles sont déjà en rupture à peine quelques jours après leur mise en ligne).
Seul petit regret: ils ne sont déclinés que sur la classique coupe BZV3: j’aurais adoré les voir sur les coupes avec un peu plus d’amplitude de Bernard Zins, comme la variation deux plis français de la BZV3.
Les pantalons en laine fantaisie sont disponibles ici à partir de 340€
Coton d’hiver
Ce pantalon est confectionné dans un drill 100% coton, un robuste tissu à armure sergé dont les fibers longues et résistantes sont idéales pour réaliser des vêtements outdoor. Le drill a ici été émerisé, un procédé consistant à le passer entre des cylindres hérissés de pointes métalliques microscopiques. Ce traitement confère au tissu toute sa douceur caractéristique et cette main chaleureuse si agréable.
La teinture dite teint en fil réalisée avant le tissage, permet une prise de couleur optimale. Les teintes sont ainsi intenses, avec des reflets profonds et un rendu légèrement chiné élégant.
Avec son poids de 500g parfaitement adapté aux journées les plus rudes de l’hiver, ce drill robuste assure également au pantalon un tombé irréprochable.
Le pantalon en coton d’hiver est disponible ici à 340€.
Voyage
Il s’agit ici d’une gamme de pantalons techniques réalisés dans une laine stretch qui a beaucoup de souplesse grâce à ses fibres d’élasthane et qui possède un traitement déperlant mais aussi antitâche.
Les pantalons Bernard Zins voyage sont disponibles ici à partir de 300€
Les coupes disponibles chez Bernard Zins
S’il y avait un reproche que j’avais à faire à la maison, c’est le manque de lisibilité sur les différents noms de coupe. En quelques mots, voici ce que vous pourrez retrouver:
BAC Y, un pantalon élégant et confortable: le modèle BAC Y associe une jambe affinée à une cuisse plus ample, rehaussée d’un double pli français traditionnel.
Les pantalons coupe BAC Y sont disponibles ici à partir de 320€
BZV2, plus proche du classique: Le BZV2 présente une jambe droite et une taille classique, alliant confort et raffinement dans des looks classiques. On peut également le choisir oversize pour plus d’attitude.
Les pantalons BZV2 sont disponibles ici à partir de 220€
BZV3, une modernisation du pantalon tailleur: Le BZV3 est une vision remise au goût du jour du pantalon tailleur classique. Adapté à toutes les morphologies, il arbore une jambe légèrement ajustée et une taille classique.
Les pantalons BZV3 sont disponibles ici à partir de 220€
Et, le meilleur pour la fin, voici mes deux coupes préférées:
La BZV3 avec un double pli français pour plus de confort: Ma préférence va à la déclinaison du BZV3 avec deux plis français (coupées vers l’intérieur, ce qui est plus exigeant que les plis italiens classiques). Ce clin d’œil à la tradition tailleur offre davantage de confort en conférant une légère ampleur aux cuisses.
Même si on trouve moins de modèles que sur le BZV2 classique, la ligne 2PF compte tout de même:
-un velours milleraies tartan avec boucles côtés
Deux matières plus icôniques sont disponibles:
– flanelle laine gris clair iconique (712/004)
– chevrons lambswool en gris anthracite
Elles sont chacune déclinées en deux armures spécifiques pour pantalon : whipcord pure laine en marron glacé (ce que j’ai choisi) et tricotine (une gabardine très élastique) pure laine gris anthracite
Les pantalon BZV3 deux plis français sont disponibles ici à partir de 220€
Le service BZ Spécial
Bernard Zins propose enfin une offre de commandes unitaires en BZ SPECIAL: il est possible pour ceux qui désirent un modèle 1PF ou un 2PF, BZV2, BACY, de le commander dans le tissu et les finitions souhaitées (anglaise, boutons, boucles de serrage latérales, hauteur du bas revers, initiales brodées en haut du sous-pont).
Bonne surprise, le supplément pour cette personnalisation n’est que de 80€ et demande un délai de seulement 4 à 5 semaines.
II les 10 règles d’or: les finitions propres à chaque pantalon Bernard Zins
Les finitions étant les mêmes pour les deux pantalons, j’ai préféré vous montrer directement les finitions selon les 10 règles d’or de Bernard Zins.
Notez tout de même que certaines de ces règles d’or sont devenues des standards dans la confection industrielle de pantalons milieu et haut-de-gamme (on ne s’attardera donc pas forcément dessus).
- l’anglaise
- la patte de sous-pont pour mieux répartir la tension
- les boutons cousus avec un fil extensible thermo-soudé
- les sacs de poche: position ergonomique spéciale, toile de coton italienne ultra-solide
- contre-parementure aux poches
- hirondelle
II Test du pantalon BZV3 2PF Whipcord
Pour moi, c’est la coupe la plus habillée de chez Bernard Zins: j’ai donc choisi une des matières avec le tombé le plus marqué de l’offre, à savoir le whipcord.
A propos du whipcord
Le whipcord est un tissu robuste en laine cardée ou en coton, fabriqué à partir de fils fortement torsadés présentant une côte ou un relief en diagonale.
Un tissu emblématique ultra solide
Tissu emblématique de la maison Zins, le whipcord se caractérise avant tout par sa solidité à toute épreuve, notamment grâce à l’usage de fils retors lors de son tissage.
Cette matière offre une véritable protection contre le froid, idéale pour l’hiver. Sa texture typique en diagonale apporte du relief à la pièce, et en fait un indispensable du style sportswear chic.
Un tissu ancré dans l’histoire
Le whipcord trouve son origine au 14ème siècle dans les cordons et fouets solides utilisés pour lier divers objets. Au 19ème siècle, il désigne un tissu résistant pour les uniformes militaires, notamment les pantalons de cavalerie. Aujourd’hui encore, il reste associé à des vêtements techniques nécessitant solidité et durabilité.
Des caractéristiques techniques précises
Le whipcord présente une armure sergé à forte déviation d’armure, proche du twill cavalier. Ses fines côtes obliques bien visibles lui confèrent un aspect diagonal signature. Son tissage serré en fait un tissu épais, rigide et très résistant. Son poids est généralement compris entre 400 et 550 g/m2. Il est composé à 80-100% de laine cardée, parfois additionnée de nylon ou coton. Ses teintes sont généralement plutôt sobres: beige, marron ou encore gris.
Un tissu dédié aux vêtements exigeants
Utilisé pour des pièces nécessitant solidité et tenue comme les pantalons, vestes et manteaux, le whipcord allie résistance, épaisseur et motifs diagonaux emblématiques. C’est un tissu apprécié pour les vêtements sportswear et outdoor.
La coupe BZV3 avec deux plis français
C’est pour moi la coupe de la maison la plus adaptée pour mettre en valeur le tombé d’un tissu aussi lourd que le whipcord. Même si la taille a légèrement été abaissée, elle permet tout de même un port sartorial marqué, avec un pantalon qui arrive pratiquement au niveau du nombril.
Pour le coup, j’ai du size up pour avoir l’amplitude nécessaire pour dissimuler mes jambes arquées
Les finitions
Hormis les finitions énoncées dans la partie commune, les deux plis français et les ajusteurs latéraux, ce modèle comporte une très discrète poche ticket qu’on ne remarque que grâce à sa fermeture.
La coupe
C’est la grande force de ce pantalon et de la variation deux pinces de la coupe BZV3: on a tout de suite l’impression au porté d’amplitude caractéristique d’un très beau pantalon tailleur des années 50-60, avec une coupe qui reste au final assez près du corps puisque l’ouverture à la cheville n’est que de 18 cm.
III Test du chino chic Bernard Zins BZV3
Je ne vous cache pas que ça faisait un certain temps que je n’avais pas porté de chino: on est sur un chino ici un peu plus habillé que la normale, comme en atteste le pli frontal. Si la BZV3 est un poil plus basse à présent pour un pantalon habillé, elle est en revanche assez haute pour un chino. En plus des finitions, ces deux points justifient bien l’appelation « Chino Chic ».
Autant j’ai pris une taille au-dessus sur le BZV3 avec 2 plis français, autant je suis resté ici à ma taille classique, même si le chino serre un peu: les 2% d’élasthane vont le détendre au fur et à mesure des ports.
Vu qu’il s’agit des tous premiers ports de ce chino, il reste encore très ajusté. La coupe reste plus proche du corps que sur les autres modèles: l’ouverture à la cheville est par exemple de 17 cm.
La matière
Il s’agit d’une gabardine de coton stretch avec 2% d’élasthane. Elle est un peu plus épaisse que la moyenne mais peut se porter pour moi d’Octobre à Avril sans problèmes.
Au porté, elle est extrêmement confortable et on sent bien qu’il s’agit d’une gabardine beaucoup plus haut-de-gamme que les chinos des DNVB classiques.
L’autre force de cette gabardine, c’est qu’elle est teinte en fil, et non pas en pièce: chaque fil est teint avant d’être tissé pour une couleur plus profonde et durable, avec un aspect chiné au fur et à mesure des lavages.
Bernard Zins fût d’ailleurs précurseur sur cette technique dès les années 80:
Finitions remarquables
En dehors des finitions mentionnées plus haut, le chino chic dispose:
– d’un ardillon (pour maintenir la ceinture)
– d’une poche ticket à fermeture boutonnée (comme sur le pantalon whipcord) là encore très discrète
IV Conseils de style
Avec le pantalon Whipcord BZV3 PF2
Sur cette tenue, j’ai un peu joué avec le feu en termes de contraste puisque la veste et le pantalon étaient un peu proches. Heureusement, en pratique, la veste est plus foncée et surtout beaucoup plus mat que le whipcord: elle absorbe la lumière, là où le pantalon va avoir tendance à la renvoyer. Le contraste de couleur un poil léger est donc compensé par ce contraste de matière (et plus exactement de tissage)
Si la veste est un poil proche du corps (en particulier au niveau des épaules), le pantalon lui présente un aplomb impeccable: son ouverture à la jambe sied à la plupart des souliers, meme à ces mocassins à pampilles Alden plutôt ronds.
Je porte le pantalon Bernard Zins avec:
– une veste bespoke Il Bavero (test à venir)
– un cardigan en laine et cachemire de notre collaboration Paris-Yorker x JamaisVulgaire
– une chemise The Nines
– une cravate vintage
– des mocassins à pampilles en cordovan Alden
Avec le chino chic
Cette tenue beaucoup plus décontractée présente tout de même quelques signes de raffinement: un gilet avec une flanelle légèrement chinée, ainsi que des mocassins à pampilles.
Je porte ici le chino chic Bernard Zins avec:
– notre gilet en flanelle Vitale Barberis Canonico
– un pull épais col roulé en laine côtelée de notre collaboration Paris-Yorker x JamaisVulgaire
– des mocassins Vadillo avec semelle commando de chez Septième Largeur.
Conclusion
Les pantalons Bernard Zins sont probablement les pantalons prêt-à-porter les mieux finis de ma garde-robe, en plus de proposer des matières d’exception.
Ce que la plupart d’entre vous pourront déplorer, c’est l’absence des ceinturages sartoriaux marqués qui vous sont chers: gurkhas, pattes de boutonnage allongés etc. La coupe s’en rapprochant le plus serait la BZV3 avec plis français. Si elle semble assez simple de prime abord, j’ai par la suite compris qu’elle faisait son travail, et qu’elle le faisait très bien sans s’encombrer de fioritures ostentatoires. C’est toute la sobriété de cette coupe, qui laisse s’exprimer les tissus luxueux de la maison, qu’on apprend à apprécier au fur et à mesure des ports.