Disclaimer: drôle de timing pour parler de manteaux, mais il reste tout de même important de soutenir les projets vertueux qui engagent le maximum d’acteurs de notre économie. Sachez par ailleurs que les manteaux dont nous allons parler sont en crowdfunding pour une livraison mi-décembre, quand enfin on pourra je l’espère ressortir.
« Il n’y a que des marques pas chères de mauvaises qualité, et du luxe hors de prix et rien entre les deux. Alors j’ai voulu créer ma marque. »
Cette phrase, vous l’avez lue sûrement des centaines de fois. C’est sûrement le « why » le plus éculé qu’on puisse voir dans la mode masculine, en particulier chez les DNVB (ces marques sans intermédiaires nées sur Internet).
Et heureusement, ce n’est pas du tout le constat de Bastien, le créateur de la marque de manteaux fabriqués en France Atelier Loden: son analyse est beaucoup plus fine et nuancée, car elle s’appuie sur une étude rigoureuse d’une soixantaine de manteaux d’hiver disponibles sur le marché, qui incluent évidemment les marques les plus compétitives et qualitatives du domaine (BonneGueule, De Bonne Facture etc)
Sommaire
I Atelier Loden: une marque pragmatique et minutieuse qui couvre un vrai besoin
Une analyse rigoureuse du marché
L’analyse du marché de Bastien a été rigoureuse et prend en compte des marques qui ont déjà beaucoup apporté au marché: BonneGueule, Husbands, De Bonne Facture, S.E.H Kelly, Maison Standards etc. C’est plus de 68 modèles décortiqués chez 44 marques de 138€ à 3600€.
Le constat est lucide et il y a dans la plupart des cas des pistes d’amélioration sur:
– la laine : qui est souvent un mélange avec du polyamide (ce qui peut parfois se justifier pour l’imperméabilité et la durabilité) , du polyester ou de la viscose (dans ces cas là il s’agira plutôt de réduire les coûts). Un 70% laine peut rester acceptable mais ce minimum concernait à peine la moitié des manteaux analysés.
Bastien met aussi en avant le manque de transparence sur le poids du drap de laine: il faut en moyenne une densité de 350g/m2 pour tenir chaud, et l’information n’est très souvent pas communiquée.
– la doublure : même problème, on a souvent du synthétique pas idéal pour la thermorégulation et l’eco-durabilité. Les doublures végétales (un excellent compromis entre le synthétique et le coton ou soie bien plus coûteux) se retrouvent quant à elles souvent sur des manteaux à plus de 1000 euros
– les boutons : en général pas de contre-boutons, et rarement de la corne
– le lieu de confection : généralement en Europe de l’Est ou du Sud. Un bon compromis sur le savoir-faire et le rapport qualité/prix mais loin d’être idéal en terme de bilan carbone et de relocalisation
Je ne vais évidemment pas vous retranscrire toute l’étude, et je vous invite chaudement à la consulter ici.
La naissance du concept
A travers ce brillant article sur Borasification, Bastien partage le cheminement intellectuel qui caractérise sa marque: l’idée est d’apporter une vraie valeur ajoutée sur le marché avec une offre différente de l’existant, et sans s’appuyer sur le seul critère du prix (sinon, vous devenez une simple commodité et non plus une marque).
Il fallait donc se différencier et aller plus loin que:
– un manteau 100% made in France
– distribué sans intermédiaires
– avec un questionnaire de pré-lancement
Un aperçu du Typeform soigné de la marque
Vous me direz, beaucoup de marques se seraient largement contentées de ça sans chercher à aller plus loin, surtout dans l’ambiance actuelle de local-washing et de green-washing.
Bastien y rajoute donc tout un volet de personnalisation:
– à la fois simple : elle part de trois modèles de base
– mais aussi ambitieuse car facilement déclinable : couleur, longueur, col, poches. Au final plus de 216 possibilités de manteaux sont disponibles.
Voici un petit montage pour que vous ayez en un seul coup d’oeil un aperçu des possibilités (que je ne vous décrirai d’ailleurs pas forcément mieux que Bastien)
Voici un petit aperçu des possibilités (et encore on en a ici qu’une partie):
Loden : un nom qui respire la tradition
Voici comment Bastien voyait la marque: des manteaux qui puissent être traditionnels et contemporains à la fois. Il fallait donc un nom qui reflète cet état d’esprit, et le Loden était justement un excellent candidat.
Il s’agit d’un tissu imperméable des Alpes, légèrement imperméabilisé et très utilisé au Moyen-Age. On le connaît surtout en vert forêt mais ce n’est pas son unique déclinaison. Ce tissu fût prisé notamment par l’empereur autrichien François-Joseph puis par la noblesse en général.
Ici un manteau Loden dans la plus pure tradition avec la couleur et le col typiques.
Une distribution sans intermédiaires et des marges réduites (voire inexistantes)
Vous commencez à être habitué à la transparence des crowdfunding de DNVB: Bastien pousse au final le concept beaucoup plus loin puisqu’ici les matières premières et la confection représentent 64% du prix de vente.
Il s’agit donc d’un projet sur lequel Bastien ne marge pratiquement pas, et avec un premier jet à peine rentable à moins de quelques centaines d’exemplaires vendus (c’est bien parti tout de même).
Un service client premium, qui répond à toutes nos objections
Bastien a beaucoup travaillé avec Luca, de l’agence de conseil marketing Conversation (que Luca gère avec Robin, je vous les recommande chaudement si vous voulez vous former efficacement au marketing) et a suivi ses conseils à la lettre.
Celui pour lequel Bastien s’est le plus appliqué est probablement l’élimination de toute forme possible de doutes ou d’objection. Grâce à un service client assez bluffant, vous n’avez quasiment aucune raison de ne pas acheter si vous recherchez un manteau d’hiver dans ce budget.
Voici un petit aperçu des services apportés par Bastien:
– livraison offerte (dont point relais)
– retour offert sous 30 jours et remboursement intégral, possibles en point relais: précisons tout de même que Bastien n’est pas obligé de le faire légalement sur ce type de produit personnalisé, et donc fabriqué à la demande (un peu comme pour un costume sur mesure)
– retouches offertes : il suffit simplement d’en discuter avec Bastien qui validera avec vous les retouches à effectuer ou non, et qui a noué un partenariat intéressant avec un réseau de retoucheurs français
Bref, tous ces services (que je n’ai pas vraiment vu avant à ce niveau de prix) répondent à toutes les objections que vous pourriez avoir.
Un style travaillé et une vraie prise de risques
Ce que je reproche souvent aux DNVB, ce sont des produits trop lisses et sans prise de risques mais qui fonctionneront mieux commercialement et permettront de faire du volume.
Atelier Loden sort de cet écueil grâce à un modèle de personnalisation innovant: cette originalité se remarque également sur le lookbook, avec des tenues originales et qui mettent à l’honneur des matières travaillées.
Une confection française: Hervier Production
Il s’agit d’une référence connue dans la confection française, située en Indre. C’est par exemple également l’atelier qui fabrique pour De Bonne Facture. Je ne crois pas avoir vu de manteaux sortis de cet atelier à ce prix là.
Pour aller plus loin
Outre le packaging réalisé à partir de 75% de papier recyclé, Bastien va plus loin dans son engagement en reversant 50% des bénéfices (sur une marge déjà extrêmement faibles) à une association qui soutient l’élevage paysan, et surtout la tonte de moutons dans de bonnes conditions.
Ce qui est assez remarquable dans cet engagement, c’est que Bastien communique au final assez peu dessus (à peine quelques lignes sur la page fleuve de son Ulule) alors que d’autres marques se seraient largement contentées de cette seule initiative.
Passons maintenant au test du manteau en soit, à travers lequel on va voir tout le travail effectué sur la matière et les finitions.
Test du manteau raglan Atelier Loden
C’est un test un peu particulier puisque j’ai pris le manteau en photo en studio, ce qui me permettait de mieux mettre en valeur la matière et de mieux scénariser les différentes tenues. Merci d’ailleurs au studio Booke Photo pour ce shooting.
Construction : court en longueur, manches raglan et col Loden
Pour ce manteau, j’ai logiquement voulu choisir parmi les options de personnalisation celles qui différenciaient le plus la marque, à savoir col Loden et manches Raglan.
Longueur
Il s’agit d’une autre force d’Atelier Loden, vouloir remettre au goût du jour une longueur généreuse pour un tombé plus marqué, une belle amplitude et dans l’absolu plus de prestance.
J’ai voulu cependant rester sur un classique et m’en tenir à une longueur courte, plus facile pour mon 1m73: le manteau arrive pile au dessus du genou et reste dans tous les cas bien plus long qu’une veste de costume.
Col Loden
Il est typique du manteau Loden classique et peut se porter à plat et relevé: je vous montre ces deux ports possibles dans les conseils de style.
Je n’ai par contre pas opté pour le port du manteau complètement fermé, comme ça peut être le cas sur le modèle d’origine.
Manches raglan
Il s’agit de manches sans coutures au niveau de l’épaule: la manche remonte ainsi jusqu’à l’encolure et laisse un espace plus grand.
Elles permettent d’enfiler le manteau bien plus facilement et sont bien utiles si vous portez un costume un peu structuré en dessous.
La matière: une laine Jules Tournier bien épaisse
Situé à Mazamet, (région historique depuis le 19è siècle pour la fourniture des draps de troupes napoléoniennes) Jules Tournier est un drapier français historique, étroitement lié à l’armée française: elle se fait d’abord connaître par son fameux drap bleu horizon qui habille les Poilus lors de la Seconde Guerre Mondiale.
Il faut dire que la photo de gros plan illustre déjà bien toute le travail réalisé sur cette laine avec un effet moucheté bien pensé. et de jolis reflets de couleurs.
C’était donc un partenaire logique pour Atelier Loden.
Voici deux chiffres clefs pour mieux comprendre à quel point le manteau est qualitatif sur ce point: trois mètres de laine sont nécessaires par manteau, avec un poids de 540g/m2.
Une laine durable testée et traitée
La laine Jules Tournier a subit de nombreux tests, notamment sur le boulochage et la bonne fixation de la teinture (et si celle-ci ne tenait pas Bastien, vous remboursera les frais de nettoyages). Enfin, le 100% laine (contrairement aux mélanges avec polyamide ou polyester) ne se lustrera pas.
Enfin, elle a également reçu un apprêt naturel pour la rendre légèrement déperlante.
Et comme si ça ne suffisait pas, Bastien vous offre également un guide complet de l’entretien d’un manteau en laine.
Finitions : les boutons en pierre de lait
Ce qui est extrêmement intéressant sur Atelier Loden, c’est que chaque détail du manteau a été pensé avec minutie avec ce soucis de tradition, de modernité, d’eco-responsabilité et de de durabilité. Chaque détail a donc une véritable histoire à raconter: les boutons en sont sûrement le meilleur exemple puisqu’ils sont en pierre de lait.
Derrière ce nom poétique se cache en fait l’Eco-Gala de l’entreprise lyonnaise CCR (située à Couzon-au-Mont-d’-Or): un bio-matériau réalisé à partir de caséine (qu’on recupère en faisant du lait).
Bref, une matière naturelle (bio-dégradable), locale, plus résistante que la corne. Elle est également anti-allergique, anti-statique et sans odeurs.
Et au final on a un rendu très satisfaisant, proche des boutons en corne classiques.
Sur le shooting, vous verrez des boutons foncés car il s’agissait d’un prototype : ils sont dans la version finale claire comme vous pouvez le voir ci-dessus.
Bastien n’a pas lésiné sur leur confection: ici des contre-boutons en Eco-Gala sont rajoutés pour plus de durabilité. Ces contre-boutons permettent de mieux répartir la tension exercée sur le fil et la surface et d’éviter un bouton qui tomve prématurément.
Les boutons sont enfin garantis à vie, même si vous les perdez.
Doublure en lyocell par Maison Deveaux en pulple de bois
Tout comme les boutons, la doublure aussi a beaucoup de choses à raconter: d’abord par sa matière, puis par son esthétique.
La matière: un lyocell épais 195g/m2 (50% plus épaisse que la majorité des viscoses)
Réalisée à partir de pulpe de bois, cette épaisse doublure en lyocell est 3,5 fois plus solide que la viscose (c’est le résultat d’un test de déchirure rigoureux réalisé selon la norme ISO 13937/2): c’est en parti dû à des fibres plus longues que la moyenne.
Cette matière naturelle possède de belles propriétés anti-bactériennes: celles-ci s’y développent 2000 fois moins vite.
Une illustration soignée (et durable)
L’illustration est réalisée par Lucille Boitelle (spécialisée depuis 10 ans dans la decoration et la mode haut de gamme) et réinterprète le mouvement des feuilles et de l’écorce des arbres: une belle référence à l’origine du lyocell.
Le résultat est je trouve très convaincant et on arrive dans mon cas à un bel effet camo avec des contrastes de couleurs bien trouvés.
Bastien a choisit évidemment une entreprise française pour l’impression de cette doublure, Maison Deveaux. Sa technique d’impression n’utilise aucun produit chimique et permet des couleurs durables et qui ne déteignent pas (ce qui est certifié par la norme ISO-105-X12.
Une poche portable zippée dans la doublure
Zippée oui, mais pas avec n’importe quel zip: un zip Riri, lisse, durable et qui n’accrochera pas.
Ce fabricant Suisse est utilisé par l’outerwear haut de gamme, et son savoir-faire en termes de travail du métal n’est plus à prouver (et c’est bien évidemment lié au savoir-faire horloger).
III Conseils de style
Je vous ai préparé trois tenues dans des registres assez différents pour vous montrer à quel point ce manteau peut être polyvalent. Je ne vois en fait dans cette configuration pas vraiment de contre-indication de style majeure pour le moment (à part le col Loden à plat avec le col roulé).
1 La tenue habillée
Costumes à rayures en flanelle et mocassins (car il faisait en réalité 20 degrés dehors): un bon exemple de tenue formelle pour voir si la version courte du manteau suffit dans ce registre. Et c’est bel et bien le cas.
La combinaison bleu nuit/camel marche bien et colle complètement en termes de contraste et le manteau est assez minimaliste pour laisser la matière et ses reflets discrets bien s’exprimer.
Je porte avec:
– un costume Ardillon par Scavini
– des mocassins Carmina
– une chemise Hast
– une cravate Hedoniste Club
2 La tenue plus dandy
Je remplace ici le haut formel par un col roulé blanc cassé: encore une fois, le contraste blanc cassé/camel fonctionne et colle bien à ma carnation.
Une fois relevé, le col Loden est particulièrement indiqué avec un col roulé (ça rend par contre moins bien à plat).
Je porte avec:
– un pull col roulé Alp Paris
– le pantalon de costume Ardillon
– les mocassins Carmina
3 Une tenue plus héritage
On joue ici sur deux aspects: le côté héritage du pull col rond avec son encolure massive (qui en fait presque un col cheminé) et celui des bottes grainées Septième Largeur avec leur semelle commando massive.
Mais aussi un côté plus contemporain grâce au vert forêt très vif du pull, et à la manière détournée de porter le pantalon de costume gris rayé.
Je porte avec
– un pull col cheminée Alp Paris
– une chemise col cutaway Hast Paris
– un pantalon de costume Berence Genève
– une paire de bottes Septième Largeur (test à venir).
Aperçu des autres modèles disponibles
Parce qu’on peut vite se sentir dépassé par un choix de 216 déclinaisons, voici un aperçu des modèles phares proposés par Bastien:
Modèle Châtillon: classique
Le grand classique: camel, manches montées, poches passepoilées et revers fin. Efficace si vous cherchez un pardessus sans fioritures et facile à porter. Si vous avez une garde-robe plus fournie, je trouverais en revanche dommage de le choisir car il tire moins parti des spécificités d’Atelier Loden.
Modèle Mazamet: pointu
Un style plus pointu avec les épaules tombantes, mais aussi plus de prestance avec une longueur accentuée et un côté sprezzatura avec le col large et les poches plaquées.
Modèle Mont d’Or: héritage
Il s’agit du modèle le plus héritage avec longueur accentuée col Loden, manche raglans et laine gris anthracite. Un manteau avec de la prestance, des beaux volumes, et qui tire parti à 100% des particularités d’Atelier Loden.
Conclusion
J’arrive à la fin de cet article en espérant simplement que vous ne l’avez pas trouvé dithyrambique.
Mais, quand on y réfléchit et qu’on liste factuellement un par un chacun des éléments qui composent ce concept et ces manteaux, on se demande vraiment comment ne pas être enthousiaste devant un projet qui a travaillé à ce point chaque détail.
Je suis donc ravi de vous présenter une marque qui va plus loin que le simple made in France, et plus loin que les simples pré-commandes en vente directe sans intermédiaire et qui a voulu se démarquer et innover, jusqu’au bout du bouton.
Bref, vous l’aurez compris, je ne peux que vous recommander chaudement les manteaux d’Atelier Loden, le niveau de qualité, de souci du détail et de service est absolument bluffant pour 549€.