Elles étaient vraiment très peu.
Les marques qui m’ont influencé lorsque j’ai commencé à vraiment travailler dans la mode (en 2012 lors de mon stage chez l’Exception) se comptent sur les doigts d’une main, et Commune de Paris en fait parti. C’est surtout son caractère, ses pièces fortes et sa capacité à se renouveler de saisons en saisons que je voudrais ici partager avec vous.
Tout ça se manifeste bien dans le blouson Auguste que je vais ici tester.
Sommaire
I Présentation de la marque
1 Etat d’esprit et collection actuelle
a Une identité forte qui se renouvelle bien
« Le nom Commune de Paris guide énormément les collections: chaque collection a des pièces fortes mais qui restent à chaque fois dans le thème de la revendication de liberté et l’exploitation du 19è siècle. On le voit déjà à travers la doublure drapeau noir des pièces de cette saison: l’esprit révolutionnaire est en filigrane, mais sans que les pièces elles même ne changent. »
Tel était le discours d’Alexandre Maisetti, un des co-fondateurs, lorsque nous nous sommes rencontrés. C’est généralement un discours de marque assez classique, dont je me méfie toujours un peu.
Et justement, rien n’est plus vrai dans le cas de Commune de Paris que je suis depuis 2012. Chacune de ses collections a une identité forte et des pièces emblématiques (qu’on va voir par la suite) qui peuvent piocher dans des tendances (motif camo, chambray etc), mais sans jamais perdre la trame de fond.
Très peu de marques sont capables d’insuffler un caractère aussi fort à leur collection, et surtout de s’y tenir en réussissant à la fois à ne pas tourner en rond et à ne pas devenir complètement insipide.
D’un point de vue business model, la marque est aussi restée fidèle à elle-même puisqu’elle est indépendante depuis le début, en 2009.
Elle a récemment pu ouvrir une première boutique rue des Commines:
b La collection actuelle: Les Rayon et les Ombres
Le nom de chaque collection est donné à la fin du shooting du lookbook. La collection Les Rayon et les Ombres joue sur les clair obscurs, les tiges et rayons du lumière.
Les rayons symbolisent le caractère fort de la pièce, calmé par le côté plus discret des ombres.
2 Savoir-faire et pièces emblématiques
Pour donner du caractère aux collections, Commune de Paris compte sur plusieurs détails qu’on retrouve d’années en années: un travail des lainages, des épaulettes marquées sur les manteaux et un côté militaire sur les chemises.
C’est extrêmement rare que je fasse le tour d’une collection entière de manière aussi poussée, mais c’est encore plus rare qu’une marque arrive autant à se démarquer, en restant qualitative et bien portable, sur autant de types de pièces différentes.
a Le travail de la maille
J’ai toujours trouvées les mailles Commune de Paris plus originales et fouillées que la normale, sans jamais vraiment cerner pourquoi. Mais c’est en tout cas l’une des marques que je consulte en premier lors des sorties de nouvelles collection, tant ce qu’on y voit est différent.
Ca s’explique en fait par la grande liberté que la marque a prit sur la création: elle n’hésite pas à innover sur les points et à rajouter des couleurs. Elle mixe facilement les jauges, points mousses et jersey. Les créateurs et l’atelier prennent des risques et font énormément de tests pour échanger et améliorer leurs savoirs-faire au fur et à mesure des saisons.
Les mailles sont confectionnées au Portugal à partir de fils de laine mérinos italiens.
On retrouve dans les mailles soit des fils secs, avec un côté émerisé, soit des fils plus laineux, notamment dans les cardigans avec une jauge plus importante.
Les cardigans en fil sec
Le cardigan Caserne est un bon exemple de cardigan en fil sec, et surtout de la manière dont Commune de Paris introduit les tendances dans sa collection: avec un camo très affirmé en hiver 2013, lorsque ce genre de motif était ultra présent, et plus discret en hiver 2014 lorsque la tendance s’est estompée.
Pour avoir le cardigan de gauche, c’est surtout le niveau de travail de la maille à l’intérieur qui m’avait impressionné, et sur lequel on se rendait compte de la variété des couleurs.
Le cardigan Concorde
Un modèle plus classique, décliné dans une version sobre et habillée en hiver 2013, et avec des couleurs plus affirmées l’année d’après. Beau détail de confection: les poches à double passepoil sur le côté sont tricotées à l’intérieur du cardigan.
Les cardigans en fil laineux
Le cardigan Hotel de Ville
Ce modèle est un excellent exemple de cardigan au fil plus laineux. Sorti en hiver 2012, le cardigan Hotel de Ville était l’un de mes gros coups de coeur avec un col châle imposant, une texture bien brut et les brandebourgs contrastants: c’était un peu le cardigan col châle idéal de l’époque. Il a été décliné l’hiver suivant dans une maille mouchetée avec un col et un liseré contrastant (je préférais tout de même la première version). Il n’est plus dans les collections actuelles mais je ne désespère pas qu’il revienne 🙂
b Les chemises
J’ai dû découvrir pour la première fois les chemises Commune de Paris en 2012: à l’époque, mon gros point de référence sur les chemises qualitatives était Melinda Gloss (parmi tout de même une bonne trentaine de marques).
Commune de Paris est la deuxième enseigne à m’avoir marqué sur ce produit, notamment grâce aux matières (c’était la collection été, et j’étais vraiment surpris par la douceur et la légèreté du coton) et aux détails (beaucoup de variations discrètes sur les textures et les boutons).
Les chemises sont confectionnées au Portugal en coton brossés, dans une popeline 100/2 avec des variations sur les traitements et les titrages et le côté lisse et rugueux.
Voici quelques modèles phare, renouvelés de collections en collections:
Jaroslaw:
Elle tire son nom de Jaroslaw Dombrowski, un officier de l’armée russe, impliqué dans l’insurrection polonaise de 1863 et qui s’engage ensuite dans la Commune de Paris: il y engage un savoir-faire plus militaire que politique ou philosophique.
Ce modèle se distingue par des bords en biais contrastant. Cette chemise restait relativement sage en 2013 avec un contraste simple et un peu précieux sur une chemise blanche:
Elle a bien évolué cet hiver 2015 avec une couleur plus rare et un liseré texturé plus original.
Eudes:
Emile Eudes est l’un des généraux de la Commune de Paris, avec une influence plus politique et philosophique.
La chemise qui s’en inspire est donc logiquement un peu plus habillée, en coton gratté avec un col montant et des poignets mousquetaire.
c Les vestes et manteaux
Veste Protot:
La veste Protot n’est là que depuis quelques saisons et est assez indescriptible: malgré les apparences, c’est une veste casual (d’où ce port deux boutons fermés qui est moins choquant que d’habitude) courte, déclinée en deux ou trois boutons et avec une laine grattée au rendu plutôt brut. Elle détonne aussi par ses revers courts et plutôt large, à l’heure où tout est aux revers allongés et fins. Elle s’inspire d’Eugène Protot, un avocat engagé dans la Commune de Paris, chargé de la Commission de la Justice du régime et qui tenta de mettre en place une justice gratuite.
Manteau Lisbonne
Dernière pièce représentative de la collection avec un boutonnage croisé et surtout une fourrure dans un col châle massif: sûrement le modèle avec le plus fort caractère de la collection, on le verrait presque porté sur un communard de l’époque.
3 Collaborations et collections capsule
a La ligne Dimanche
La ligne Dimanche existe depuis deux saisons et est faite pour être portée le week-end, dans un cadre plus sportswear: on y retrouve beaucoup de molleton et un thème couleur plus affirmé: rouge et bleu marine.
b Les collections capsule
Commune de Paris se présente aussi comme un collectif d’artistes, qui donne donc lieu à des collaborations régulières avec des studios et graphistes, mais aussi avec des enseignes comme Waiting for The Sun, LIP, Colette ou French Trotters. Cette saison, ils offrent une tribune à Fortifem, un couple d’illustrateurs ayant travaillé sur le thème du tatouage. De cette collaboration, j’en retiens surtout ce joli t-shirt graphique Maori:
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II Test de la veste Auguste
La veste Auguste est typiquement le genre de blouson que je n’aurais jamais essayé avec une simple photo packshot:
C’est la photo du lookbook qui m’a convaincu, grâce à une tenue qui mets bien en valeur un jeu de superposition simple et polyvalent:
J’aurais pu effectivement être plus original sur la tenue, mais j’ai au final reproduit la superposition du lookbook, en y rajoutant un peu de travail sur les matières.
1 Matiere
La laine est plutôt fine car ce n’est pas un blouson d’hiver, mais plutôt un blouson de mi-saison/début d’hiver. Elle n’est d’ailleurs pas tout à fait grise mais plutôt marron très clair un peu chiné et contrastera parfaitement avec un pantalon en flanelle de laine gris. Un travail de matière en tout cas très pertinent puisqu’il donne du relief à la pièce sans la rendre plus difficile à porter. La composition est classique pour cette gamme de prix: 80% laine et 20% polyamide.
Porté avec le pantalon Maxens de Patrons, disponible ici (test prochainement)
Pour accompagner la tenue, j’ai choisi les brogues Jacques et Demeter: les aspects très texturés du blouson et du pantalon donnaient un aspect un peu Gentleman Farmer à la tenue qui collent bien au registre de ce genre de chaussures.
Pantalon Patrons, brogues Jacque et Déméter, pull Menlook Studio, chemise Hast et sac à dos Herschel
2 Intérieur et doublure
On retrouve ici la trame révolutionnaire de Commune de Paris avec la doublure ornée de drapeaux noirs, symbole des anarchistes: ce rouge sang assez vif contraste bien avec la laine à la couleur plus calme et donne un côté noble au blouson.
Les finitions à l’intérieur sont sinon très classiques, deux poches poitrine simples à gauche et une poche boutonnée à rabat à droite. Pas d’énorme surprise de ce côté là 🙂
3 Finitions
a Les poignets
Un avantage et un inconvénient sur les poignets:
– fini les manches trop longues et l’impression de nager dans votre blouson: cette fermeture vous permet d’ailleurs de faire une superposition poignet parfaite en laissant bien dépasser les manches du pull et de la chemise, tout tient très bien en place tout le temps 🙂
– un nouveau reflexe à prendre: ce blouson n’est pas fait pour être porté sans boutonner les poignets, c’est du coup un peu laborieux au début (d’autant plus que le bouton est assez gros) mais on s’y habitue vite
Point positif aussi pour la couleur du bouton qui fait parfaitement écho aux subtiles nuance marron de la laine grise chinée.
b Le pli creux au dos
C’est très rare de voir des plis creux en mode masculine et c’est une finition plus caractéristique de la mode féminine: il permet ici de rajouter de l’aisance au dos sans que ça se fasse au détriment de la coupe (la matière en excès est à l’intérieur du pli).
On voit bien l’aisance que permet le pli creux lorsque je courbe le dos.
c Poches et col
En plus d’une matière ultra travaillée, on a aussi un envers de col en feutre bleu nuit (qu’on a malheureusement oublié de shooter): on peut deviner la couleur sur la photo suivante.
Et aussi sur les deux passepoils contrastant des poches:
d Les rabats
Outre les manches raglan, c’est une des grosses caractéristiques de cette pièce. Ce genre de rabat est apparu sur les trench-coats pour laisser couler l’eau: il s’agit d’une finition à l’origine caractéristique des vêtements militaires mais qui s’intègre sans souci à des tenues urbaines classiques.
C’est ce genre de détail un peu guerrier et militaire que Commune de Paris utilise afin de rappeler son univers, sans en faire trop. (c’est aussi un détail qui m’a fait penser aux vestes de cocher)
4 Le fit
N’ayant jamais porté ce genre de blousons avec une coupe un peu droite et des épaules raglan peu définies, j’ai été un peu déconcerté par le fit (n’étant en plus pas un grand fan des bords élastiques). Je me suis d’ailleurs au début demandé si la taille S n’était pas trop grande pour moi, et Alexandre m’a certifié que non.
La fermeture boutonnée des poignets etait en plus pile à la bonne largeur en S, c’est donc que la taille était bonne.
Conclusion
Sur cintre, ou même sur l’eshop, j’étais loin de me douter qu’un blouson aussi travaillé, avec une empreinte créative aussi marquée à la fois sur la coupe, les finitions et la matière, soit en fait aussi facile à porter. On s’habitude vite à cette coupe qui donne un joli mouvement au blouson porté ouvert (d’autant plus que la laine est assez légère et donc fluide).
Si vous cherchez un blouson casual qui sort du lot, je ne saurais que trop vous le recommander. Attention, ce n’est pas un blouson d’hiver et je ne le porterais pas en dessous des 10 degrés, à moins d’avoir une très grosse maille en dessous.
Vous pouvez le trouver à 360 euros sur l’eshop Commune de Paris.
Note formelle : 0/10 (c’est un blouson casual)
Note casual : 8/10 (Original mais sans en faire trop)
Prise de risque : 0/10 (Il se porte justement bien avec une superposition basique en haut, et un jean brut en bas)
Rapport qualité/prix : 7/10 (En terme strictement utilitaire, on pourra trouver mieux pour moins cher pour un blouson de mi-saison/début d’hiver. La touche créative apportée par Commune de Paris est par contre une valeur ajoutée énorme, qu’on ne retrouvera pas ailleurs.)
Univers : Casual chic
Bonjour
Merci pour l’article.
Le manteau est joli c’est sur mais la ou je ne suis pas d’accord c’est quand vous dites que le mélange est normal pour ce prix : pour ma part je trouve qu’à ce prix, surtout sur une veste courte, on peut trouver de la laine pure. Je pense notamment à hedus( l’ancien Teddy) ou à olow et leurs nouvelle veste.
Pour ma part je trouve que les finitions sont bonnes mais les vestes ne sont pas faites pour les grands : j’en ai essayé quelques unes cet été et au niveau manche c’était trop court. Également cette marque fait beaucoup trop de mélange surtout sur des manteaux qui sont proche des 500 euros il y a d’autres marques plus interessantes a ce prix mais cela n’engage que moi.
Effectivement, c’est aussi ce que je dis dans l’article si on regarde uniquement la matière.
J’ai surtout retenu la pièce pour l’esthétique dans l’ensemble et le travail stylistique introuvable ailleurs qui m’a bien réconcilié avec les blousons coupe droite.
merci pour l’article , je viens de le survoler je vais le lire tranquillou. la veste ultime mi saison restera pour moi le harrington mais le manteau auguste a l’air chouette (malgré en effet le mélange pour ce prix ). Par contre , un peu hs, mais le pantalon patron en fin d’article à l’air génial . Les ourlets sont remonté manuellement ou cousu ?