Présentation de deux arts martiaux Cambodgiens : le Kun Khmer (Muay Thai) et le Bokator
Tout vient à point à qui sait attendre…
Tout comme la crue de la Seine connaît aujourd’hui son pic et devrait bientôt redescendre, le mauvais temps ne saurait, de son côté, tarder à s’effacer pour enfin profiter du Printemps comme on le connaît.
C’est avec cet optimisme débordant que je vais vous parler de la seconde ligne de t-shirts JamaisVulgaire pour l’été 2016.(avec au total presque une dizaine de modèles différents).
Mais avant de parler de t-shirts, j’ai choisi de consacrer un article entier à une thématique qui me tient particulièrement à coeur.
Il s’agit des arts martiaux au Cambodge, en particulier du Kun Khmer et du Bokator.
Je vais d’abord vous présenter chacun de ces arts martiaux un par un avant de vous présenter la ligne, un peu dans l’espoir que ces thèmes vous passionnent ensuite autant que moi 🙂
Une nouvelle ligne de t-shirt JamaisVulgaire sort dimanche soir. (les modèles de l’année précédente seront tout de même encore disponibles)
Disclaimer: Attention au chargement, cet article contient une grosse quantité de vidéos Youtube, mais croyez bien que ça vaut largement le coup 🙂 N’essayez pas de refaire les acrobaties du Bokator chez vous.
I LE KUN KHMER (MIEUX CONNU SOUS LE NOM DE MUAY THAI)
C’est celui que je pratique, à chaque fois que j’ai la chance d’être au Cambodge. Il s’agit en fait de l’ancêtre du Muay Thai, mais dont les mouvements sont les mêmes, à quelques rares exceptions prêts.
Il est d’ailleurs assez injuste de voir à quel point le Muay Thai est populaire dans le monde entier, et que le Kun Khmer est si peu connu alors qu’il en est à l’origine. Et surtout quand on voit la ferveur que peuvent avoir les khmers pour ce sport.
La pratique au Cambodge
Tous comme les thaïlandais, certains khmers, provenant de villages éloignés (surtout aux alentours de Battambang) commencent très jeunes pour pouvoir faire des combats le plus vite possible et subvenir à leurs besoins ainsi qu’à ceux de leurs familles.
Leur carrière connaît des débuts précoces (12-13 ans) mais est à la fois courte et intense: jusqu’à ses 35 ans, un boxeur peut faire jusqu’à 500 combats dans sa carrière.
S’entraîner pour faire un vrai combat requiert une discipline de fer et un dévouement exemplaire (c’était d’ailleurs pour moi un objectif il y a quelques années, que je ne pourrai probablement pas accomplir si je veux continuer à développer Jamais Vulgaire).
On parle généralement de deux heures d’entraînement très tôt le matin (avant qu’il ne fasse trop chaud) puis deux heures l’après midi.
L’entraînement physique
Ils commencent par une vingtaine de minutes de cardio. Comme l’argent dans le business, la cardio et le souffle sont un peu le nerf de la guerre en Kun Khmer, tellement les enchaînements peuvent être épuisants.
Les vrais combattants courent en plus des entraînements généralement une heure par jour (et ceux qui ne le font pas sont vite dépassés lors des combats).
On peut ensuite parler de quatre niveaux différents d’entraînement, selon la maîtrise technique, tactique et l’expérience des pratiquants
1 Le shadow boxing
C’est ce qu’on fait ENORMEMENT au début dans les clubs un minimum sérieux. Bien donner un coup doit devenir un automatisme et cela passe forcément par des dizaines d’heures où l’on ne fera que répéter les gestes les plus rudimentaires.
On travaille aussi les mouvements moins ordinaires comme les coups de genou, photographie par Léa Chamboncel.
Je l’avais personnellement fait en Thailande, et je dois avouer que faire exactement les mêmes gestes 4 heures par jour devient frustrant au bout d’une dizaine de jours.
C’est probablement l’exercice le moins fatiguant physiquement mais qui requiert le plus de concentration pour être vraiment bénéfique.
2 Le sac
Une fois le geste maîtrisé et perfectionné en shadow boxing, c’est l’étape suivante où l’on rajoute un premier impact.
On s’entraîne également à des enchaînements plus complexes qu’en shadow boxing. Le travail de la posture est plus exigeant car on se positionne par rapport à un élément.
Le sac sert aussi au travail de cardio du matin, où les 50 coups de pied gauche et droit à donner en cadence réveillent forcément.
3 Le Pao
Les choses sérieuses commencent: c’est notamment là qu’on voit si les élèves ont été sérieux sur la cardio. Le rythme est intense: si chaque session ne dure que deux minutes, je peux vous garantir que la première vous paraîtra interminable
C’est le moment où l’on s’aperçoit qu’on a beau savoir bien faire des gestes, il est beaucoup plus difficile de bien les enchaîner, en gardant une posture et une garde correcte et en gérant bien sa respiration.
Contrairement à un sac, l’entraineur pourra, lui, frapper si la garde fait défaut chez l’élève.
Le pao n’est pas forcément l’idéal pour retravailler un geste vraiment défaillant: les élèves en pratiquent au maximum un heure par jour. Il est plus efficace de travailler plus longuement de son côté sur le sac, puis de mettre en application ce qu’on a corrigé sur les paos.
4 Le sparring
Quand on commence, c’est forcément ce qu’on attends avec le plus d’excitation. N le voit souvent comme la première occasion de se confronter et de montrer ce qu’on sait faire.
C’est en fait exactement tout le contraire, et les sparrings les plus fructueux seront ceux où on vous aura laminé, mais sans que ça devienne non plus une démonstration de force, et surtout de manière à vous montrer précisément où sont les faiblesses que vous devez corriger.
Avec la pratique, ça devient un simple exercice d’entraînement, où on laisse son ego de côté et où il n’y a ni gagnant ni perdant, et où les deux partenaires font le maximum pour se laisser mutuellement exprimer ce qu’ils ont apprit.
Avec le sparring vient aussi le clinching, l’exercice qui vous donnera envie de sacrément vous muscler la nuque pour éviter les pires torticolis du monde (et accessoirement les coups de genou dans les côtes).
C’est surtout lors du clinching que vous pourrez déséquilibrer votre adversaire, et les prises pour le faire sont quasi innombrables.
Au terme de toutes ces sessions d’entraînement viendra enfin le fameux combat: comptez un minimum de quatre bons mois pour être opérationnel face à un thai ou à un khmer, à raison d’au moins 4 heure par jour, 6 jours sur 7.
Et on ne parlera même pas de la discipline drastique niveau tabac et alcool (on en prends pas au minimum un mois avant), ainsi que de la sèche pour la pesée, et de la reprise de poids pour le combat.
Il s’agit en tout cas à chaque fois d’un événement marquant et solennel, avec une préparation minutieuse.
Photographies par Léa Chamboncel
5 Quelques combattants
Yodsankai Fairtex
C’est le combattant qui est sûrement techniquement le plus irréprochable et qui pourra executer les mouvements de manière extrêmement pure. (surtout le coup de pied circulaire dont le mouvement des hanches n’est pas simple à optimiser)
https://www.youtube.com/watch?v=pm5N1WkG0lo
Saenchai
Il y a toujours un sportif qui vous fait apprécier une discipline: et c’est généralement celui dont la pratique est noble, mais aussi fluide et simple (et avec des touches ultra originales). C’est en gros celui qui vous donne souvent l’impression que vous pourriez faire exactement pareil maintenant, en sortant de votre canapé.
Pour moi, c’est Roger Federer pour le tennis (avec l’aisance impressionnante de ses revers à une main et surtout de ses coups droits) et c’est de loin Saenchai dans la boxe thaï.
Il a d’ailleurs inventé plusieurs mouvements: certains sont plus d’ordre esthétique comme le cartwheel kick:
Mais c’est pour moi le génie incontesté des sweeps (ou balayages) qui sont un vrai bonheur à regarder tant ils sont bien placés
Buakaw
Sûrement le plus médiatique de tous les combattants qui a fortement contribué à populariser le sport à l’échelle mondiale autant par ses combats que par ses vidéos d’entraînement Youtube où il se prend un peu moins au sérieux. .
6 Bonus: le Kun Khmer dans le MMA
Peu de boxeurs se sont pour l’instant lancés dans la discipline, mais voici un excellent résumé par la chaîne Youtube Lawrence Kenshin (INCONTOURNABLE si vous aimez les sports de combat) des avantages des pratiquants:
II LE BOKATOR: LA SELF-DEFENSE DES ANCIENS SOLDATS KHMERS
Il s’agit de la forme de combat la plus ancienne au Cambodge, plus proche de la self-défense que de la boxe thaï : elle inclut aussi saisies et maîtrise au sol. Il s’agit d’une discipline ancienne, pratiquée par les soldats de l’ancien empire Khmer et qui a évité de justesse la disparition lors du génocide khmer rouge.
Contrairement à la boxe thaï mais comme le karaté, la progression se mesure par échelons: à la place des ceintures, on a simplement ici des kramas.
La discipline est restées pratiquement purement khmère et ses pratiquants les plus expérimentés se situent à Siem Reap, la ville des temples d’Angkor Wat. Même si elle compte peu de pratiquants dans le monde, elle a une présence relativement importante en France du fait des liens étroits avec le Cambodge.
Cette partie sera un peu plus brève car j’en ai beaucoup moins pratiqué, mais il s’agit sûrement du sport de combat le plus marqué par la culture khmère. (tellement que des scènes de Bokator sont même visibles sur les gravures des temples d’Angkor)
1 La technique
Tout y est beaucoup plus imagé qu’en Kun Khmer: les poses de combat désignent par exemple des animaux et permettent d’enchaîner sur des techniques quasi ancestrales.
Beaucoup d’entre elles font plus penser à une discipline de self-défense plutôt qu’à un sport de combat.
Le Bokator fait aussi intervenir certaines armes blanches:
(évidemment, à ne pas reproduire à la maison)
2 Les combats
Voici un petit exemple (le combattant en bleu Dara fût un de mes anciens profs). C’est assez rigolo et surprenant à voir car on passe en une seconde d’une danse conviviale à un déferlement de coups.
Les règles d’un combat officiel sont pour moi assez floues: difficile de savoir ce qui est autorisé ou pas. (sans trop m’avancer j’imagine que monter sur son adversaire et lui ouvrir le crâne avec son coude est interdit par exemple).
III LA LIGNE JAMAISVULGAIRE
Voici une brève vidéo qui vous mettra encore un peu plus dans l’ambiance de cet article (et où j’apparais d’ailleurs une poignée de secondes).
Merci à Chifumi pour la réalisation de la vidéo
Voici un premier aperçu des nouveaux visuels des t-shirts JamaisVulgaire sur le thème de la boxe, ils sortiront dimanche soir:
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J’y connais pas grand chose mais le bokator ça ressemble beaucoup à ce que fait Tony Jaa dans Ong-Bak, non?
L’opinion au Cambodge est en tout cas que Tony Jaa a des origines khmères et que c’est effectivement du Bokator 🙂
https://www.youtube.com/watch?v=V8bGjdDAuaM
Tony Jaa est en fait un Khmer Surin, c’est à dire un Cambodgien vivant dans une province thaïlandaise.
Ah j’ignorais 🙂 Comme Buakaw du coup !
La province du Surin en Thaïlande est frontalière au Cambodge actuel voilà pourquoi on parle de Khmer Surin, et il pratique effectivement du Bokator. Après historiquement l’empire Khmer englobé les pays voisins Thaïlande, Laos, Vietnam, et même une partie de Birmanie et Malaisie, il doit rester des personnes qui parlent le Khmer, comme aujourd’hui au Cambodge une minorité (très peu) d’anciens parlent encore un peu le français.
Merci pour l’article ! Il est rafraichissant et me permet de me rappeler de mon stage de Bokator avec Benjamin Sébir sur Marseille ! Dommage que ce ne soit pas encore très développé sur le territoire français !