La veste Barbour est la pièce parfaite à chiner sur eBay : ces vestes vintage en coton ciré ont souvent un aspect bien plus intéressant qu’un équivalent neuf, et la patine est souvent bien plus travaillée. Cependant, c’est pas toujours facile de faire LA bonne trouvaille avec une vraie qualité et sans que l’usure soit gênante.
Cet article a surtout pour vocation de vous montrer que toutes ces vestes qui ont pu avoir une connotation vieillote et trop traditionnelle peuvent bel et bien être réintégrées dans des tenues de ville modernes.
Après un bref rappel historique (un peu simplifié), j’évoquerai les nouvelles lignes de Barbour et les différentes manières de bien intégrer ces vestes (ainsi que les plus grosses erreurs à éviter).
Sommaire
I Histoire de la veste cirée
Les matières déperlantes sont une expérience toute particulière : c’est notamment le cas du coton ciré, avec une bonne dose d’histoire en plus.
Au XIXe siècle, les marins utilisaient de la graisse huilée pour imperméabiliser leurs vêtements. Cependant, ces vêtements huilés ne convenaient pas toujours : ils se durcissaient et devenaient rigides lorsque le climat devenait trop chaud. C’est seulement à partir de 1930 que le coton ciré a pu être adapté à un véritable usage pratique. Confectionné en Ecosse, le coton ciré permet des vêtements légers, respirants, durables et déperlants. Il a largement été popularisé par Barbour puis porté par de nombreux chasseurs, marins, voire des motards.
Il faut faire preuve de sens critique avec ces vestes aux matières techniques élaborées ou retravaillées : il est difficile de les juger seulement en photo car elles sont la plupart du temps très sobres et ne présentent pas forcément ces détails inhabituels dont les blogs raffolent. De même, elles passent souvent un peu inaperçues sur les e-commerces.
Ce genre de vestes s’appuie sur une esthétique simple, voire minimaliste, et un vrai travail des matières, un peu comme la marque éclectic dont j’avais un peu parlé sur BonneGueule.
Il est également difficile d’anticiper le vieillissement et le type de patine que ces pièces vont adopter au cours du temps, mais il faut savoir que les petites égratignures apportent un charme tout particulier sur les matières cirées – le col en velours peut lui aussi prendre une belle patine.
(photo tirées de endclothing)
On a longtemps associé la veste Barbour à la Bedale très traditionnelle et aux catégories CSP+, mais on va voir dans la prochaine partie que ce n’est plus vraiment justifié.
III Le renouveau de Barbour: les nouvelles lignes et collaborations
1 La collaboration Barbour x Norton & Sons: quand l’outerwear traditionnel rencontre le tailoring
La collaboration Barbour x Norton & Sons sortie cette année joue bien sur cet axe : des constructions simples qui en photo ne mettent pas spécialement en valeur des matières techniques ultra élaborées. Malgré son image très tradi et CSP+, Barbour est à l’origine une marque de vestes confectionnées pour des travailleurs manuels, évoluant dans les marchés au poisson de Northumberland. C’est pourquoi la collaboration avec Norton & Sons a été prévue pour être vraiment intemporelle et résister aux mêmes problèmes que devaient confronter ces pêcheurs. Norton & Sons apporte sa vraie expertise de tailleur de Saville Row dans la coupe, mais aussi son approvisionnement en tissu britannique dense et lourd. On apprécie en particulier les cuirs suédés et les cotons cirés additionnés aux boutons en bois, qui apportent un vrai côté traditionnel. C’est la première collection, donc difficile de la trouver moins cher que sur le site officiel mais gardez quand même en tête cette collab’ la prochaine fois que vous chinerez sur ebay.co.uk.
2 Barbour Spey: appliquer l’esprit de la chasse à la pêche.
Barbour vient aussi d’introduire la ligne Spey, qui fait partie de leur collection Héritage. Leurs vêtements s’inspirent beaucoup de la pêche, mais avec des pièces plus dynamiques comme des chemises de couleurs et des pulls Fair Isles légers. La ligne rappelle cependant beaucoup le travail avec Tokihito Yaoshida et la fameuse Bedale.
3 Anatomie
Exemple d’une veste héritage Steve McQueen : les nouvelles collections de Barbour sont intéressantes, avec des pattes de boutonnage à l’arrière pour donner une vraie forme au manteau, des poignets ajustables pour éviter que le vent ne rentre et deux larges poches pour le stockage.
Photo tirée de TheNextDoor
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IV Conseils de style
1 Généralités
Les vestes en coton ciré sont généralement plutôt ternes : votre but sera de les éclaircir et donc d’éviter de les combiner avec des jeans bruts indigo. Pour ça, un chino de couleur vive est une bonne solution. Si cependant vous envisagez de la porter en hiver, vous pouvez malgré tout la combiner avec des jeans.
Elles peuvent aussi se porter simplement par-dessus un costume, même si c’est une option qui apparaît tout de suite un peu trop tradie et vieillote : vous devez vraiment veiller à ce que votre veste soit un minimum bien coupée pour mettre en valeur votre costume, et c’est mine de rien assez rare sur ce genre de blousons. L’idéal, c’est aussi que votre blouson soit plus long, ou de la même longueur que votre veste de costume, avec une silhouette qui s’élargit en bas pour bien suivre la ligne naturelle de la veste. Evitez de trop remplir les poches de votre veste pour ne pas les déformer.
2 Porter une veste cirée: les tenues possibles
La tenue de chasseur par excellence
Un ensemble de couleurs cohérent : un dégradé du vert khaki de la veste au marron clair de la chemise. Le vert agit comme un liant efficace entre ces deux couches et les boutons en bois du pull ajoutent un bon cachet d’authenticité. Les mitaines donnent une dernière touche de caractère à la tenue. Evidemment, ce n’est pas une tenue urbaine, mais vous pouvez au moins vous inspirer du dégradé de couleurs et de l’utilisation des boutons en bois pour des tenues plus urbaines.
Veste cirée et hoodie, des contextes qui ne vont pas ensembles
La superposition veste/hoodie est une valeur sûre et passe dans la plupart des cas, sauf lorsque la veste a vraiment un côté héritage beaucoup trop preignant. C’est par exemple
le cas de la veste cirée, très connotée chasse (ce qui ne va évidemment pas avec le caractère très urbain du hoodie) ou de la veste en tweed. Bref, vous avez déjà vu un chasseur en hoodie, vous ? Autre chose à retenir : l’accumulation dans la même tenue d’une veste de chasse, d’un hoodie et d’une cravate n’a pas beaucoup de sens et joue sur trop de registres différents.
La combo héritage facile: veste cirée, chemise chambray et Red Wing
Cette tenue en fait un peu trop, surtout avec le bonnet qui ajoute une grosse connotation hipster. Le reste est dans l’ensemble plutôt juste et l’association de Red Wings avec la veste cirée est une bonne idée, puisqu’elles sont issues d’un contexte relativement similaire (workwear et héritage). On mettra juste un bémol sur les proportions, avec la veste qui aurait pu se porter quelques tailles en-dessous en laissant un peu d’espace et en autorisant toujours une belle superposition.
Précision: tenues héritage et contexte
Le port d’une veste cirée selon la tradition britannique se fait avec d’autres pièces typiques de cette culture héritage : des brogues (bottes ou chaussure), un jean selvedge et une chemise à carreaux vichy, par exemple. En hiver, une couche intermédiaire comme une grosse maille fait bien l’affaire : un cardigan col châle ou un pull col rond à grosses torsades, par exemple. Un pull col roulé peut faire l’affaire, mais cela ne va pas à tout le monde (cf article).
Avez-vous déjà vu un chasseur en t-shirt graphique ?
Cette tenue est composée d’éléments venant d’horizons beaucoup trop différents. Le t-shirt graphique et le cardigan fin unis sont typiquement urbains et modernes et sont donc trop en décalage avec le contexte héritage et chasse de la veste matelassée. Encore une fois, on peut se poser la même question : avez-vous déjà un un chasseur en t-shirt graphique et en converse ?
Contradiction entre haut héritage et bas trop précieux
Le haut est vraiment intéressant et présente un beau dégradé de couleur du plus foncé vers le plus clair, avec la présence de boutons en bois pour rappeler le côté traditionnel de la veste cirée. L’assemblage en lui même est cohérent et colle bien avec le contraste peau/cheveu. Ce qui ne va pas, c’est ce pantalon blanc, synonyme de tenues beaucoup plus précieuses et généralement estivales. Ca peut paraître simpliste, mais on peut là encore se poser la même question : avez-vous déjà vu un chasseur avec un pantalon blanc immaculé ?
Pointue mais valable: La tenue Pitti Uomo
A l’exact opposé du spectre, on a là une tenue digne d’apparaître sur The Sartorialist. On pourrait penser qu’elle est un peu trop formelle pour la veste cirée mais ce n’est en fait pas le cas.
Pourquoi ? Car le khaki du blazer croisé fait bien écho à la couleur de la veste de chasse, que la cravate présente elle aussi un tartan et que la chemise, malgré qu’elle semble être en popeline de coton, n’est pas trop précieuse (avec un col assez imposant).
Un blazer croisé a aussi plus de caractère et d’histoire qu’un blazer à boutonnage simple: on est loin de la veste un bouton The Kooples aux revers ultra fins.
De même en bas, on n’est pas dans du formel urbain pur : le pantalon en laine a un motif Prince de Galles subtil et traditionnel, et les doubles boucles ont bien plus de caractère qu’une bête paire de richelieu ou de derby, en plus d’offrir un bon côté héritage.
Evidemment, on ne va pas non plus à la chasse en doubles boucles et en blazer croisé, mais cette tenue présente tout de même bien plus de cohérence que les autres.