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OLIVER SWEENEY: UN CORDONNIER BRITANNIQUE ATYPIQUE (TEST DES BROGUE BOOTS SELBY ET DES CHAUSSURES SARNANO)

Tous les chemins mènent à Rome.

Je croyais que cette citation était un peu vrai dans l’industrie de la chaussure en Grande Bretagne, ou je croyais que toutes les marques de qualité venaient forcément de Northampton. ( en plus de proposer forcément du Goodyear et d’avoir une forme pataude)

J’ai du revoir un peu mes basiques en découvrant la marque Oliver Sweeney, qui échappe à toutes ces caractéristiques et propose tout de même un très bon rapport qualité prix.

On en profite aussi pour vous présenter la deuxième vidéo interview JamaisVulgaire, réalisée par Christelle Lafosse, où nous avons pu interviewer Alex Barbier, directeur digital de la marque (merci à lui pour sa grande disponibilité) :

 

I OLIVER SWEENEY: UNE MARQUE QUALITATIVE QUI ECHAPPE AUX STANDARDS BRITANNIQUES

Les origines

Un nom comme Oliver Sweeney est assez évocateur et on s’attendrait donc à voir un cordonnier expert, un peu âge et qui serait le digne représentant d’une longue tradition de père en fils. Et bien figurez vous que c’est exactement ça, à la différence près que le « Cobbler in chief » ( du coup le maître cordonnier) ne s’appelle pas Oliver Sweeney mais Tim Cooper. Si le grand père de Tim a fait ses armes dans une usine de Leicester, Tim a lui eu tout le loisir d’élargir son champ d’influence: il a notamment passe une grosse partie de sa carrière en France en Alsace. ( vous l’aurez devine, c’était chez Heschung)

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Oliver Sweeney quant à lui a bien fondé la marque en 1989 avec l’idée de mettre l’accent sur le confort de la chaussure et le respect de l’anatomie du pied mais a dû se retirer en 2007.

Tim Cooper n’est pas seulement charge du montage technique des chaussures, mais aussi du design et du sourcing des cuirs.

Les cuirs sont pour la plupart italien et bénéficient d’un tannage végétal au fût, on recense aussi des cuirs français (issus de la tannerie du Puy) et des cuirs britanniques de tanneries familiales.

La production

Grosse particularité : Oliver Sweeney possède son usine. Il s’agit d’une petite usine familiale italienne qui travaille pour la marque depuis plus de 20 ans. Chaque poste a un ouvrier spécialisé avec des décennies d’expérience: les patronages italiens sont par exemple réalisés par Gianni, avec plus de 25 ans d’expérience.

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Vous l’avez compris, une partie de la production est effectuée en Italie: il s’agit en fait des cousus Blake et des cousus Bolognais ( que Oliver Sweeney propose aussi et qu’on a testé).

Les cousus Goodyear ne sont pas réalisés en Grande Bretagne mais en Inde ( c’est ce que fait aussi Grenson): j’avais été assez curieux du résultat et donc nous avons pu tester aussi des bottes Oliver Sweeney montées en Goodyear et portées plusieurs mois.

L’idée est de proposer un produit accessible tout en allant chercher les savoir-faire là où ils sont déjà: c’est donc plutôt logique d’aller en Italie pour le Blake et le cousu bolognais et en Inde pour le Goodyear.

La distribution

Oliver Sweeney est distribuée principalement en direct: la marque  a quelques revendeurs qu’elle a choisit surtout pour l’image et sur lesquels elle sacrifie sa marge, comme les Galeries Lafayettes.
Je voyais à la base cette marque comme une enseigne un peu top mainstream sans comprendre qu’il y avait une vraie spécialisation sur les chaussures et les bottes.

De ce que j’ai pu voir des produits et du rapport qualité/prix, Oliver Sweeney en est pile à un point d’équilibre où elle fait assez de volumes pour faire de belles économies d’échelles sur la production et la matière, et où elle a vraiment les moyens de rogner sur ses marges pour le moment le temps de bien faire connaître la qualité de ses produits. (ces investissements récents le confirment).

Bref, un mix gagnant qui en fait une excellente surprise.

L’offre est très compétitive même par rapport aux marques comme Loake ou Grenson. Certains la situent pile poil entre Loake et C&J/Cheaney en terme de qualité.

Le confort des paires

Oliver Sweeney voulait mettre l’accent sur le confort et le respect de l’anatomie du pied, d’où la notion d’Anatomical Last.  Selon cette interview d’Oliver Sweeney (le fondateur donc) donnée en 1993, la forme initiale est censée convenir à huit hommes sur dix: élégante et affinée vu de l’extérieur, elle garde assez de marge pour convenir aux pieds larges.

L’Anatomical Last se concentre aussi sur un bon maintien de l’arche du pied et rajoute un renfort supplémentaire à ce niveau pour réduire la fatigue.

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Le travail des patines (et les tatouages)

Oliver Sweeney était aussi un dingue de patines, et ça se voit bien à travers beaucoup de ses modèles: il ne supporte pas les rendus unis et apporte dès le début de la marque un rendu patiné et brossé à chacun de ses modèles.
Ca se voit encore sur beaucoup de modèles casual et formels: c’est bien pour une pièce forte d’une tenue un peu habillée (ce n’est par contre pas si facile à porter). Mais c’est à éviter pour un vrai environnement de travail codifié ou un premier entretien.

Alex évoque notamment dans l’interview cette paire de Richelieu One piece brossée, en collaboration avec Jaguar.

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(pas facile à porter car des wholecut sont censées être ultra formelles, cette version détournée est vraiment loin d’être un basique)

Dans le même registre Oliver Sweeney propose aussi de tatouer votre paire  (car le cuir est, au final, aussi de la peau)
Les puristes s’étoufferont à la lecture de cette ligne. Mon avis sur la question, c’est que vous avez 30% de chances d’obtenir un résultat incroyable et pas vulgaire pour un gramme et 70% de tomber dans le mauvais goût et de ruiner votre paire.

Je ne pense en tout cas pas que le concept soit mauvais, mais il dépend en tout cas vraiment beaucoup de votre choix. (comme les vrais tatouages en fait, sauf que là ça ne fait pas mal ).

Ca se passe comme ça:

Prêt à porter

Comme vous l’avez vu dans l’interview, la marque propose aussi maintenant du prêt à porter plutôt qualitatif, avec des fournisseurs comme Abraham Moon.

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II TEST DES MODELES OLIVER SWEENEY

1 Les brogues boots Selby

Les brogues Selby sont le modèle phare d’Oliver Sweeney (et c’est un peu le genre de modèle auquel on pense directement quand on vous parle de brogue boots de gentleman farmer).
Elles sont déclinées en cuir de veau français (des tanneries du Puy) avec une légère patine à l’avant. (elle est ici plutôt bien faire et ne fait pas grossière du tout, c’est loin d’être acquis).

Elles sont évidemment montées en Goodyear et disponibles avec une semelle en cuir et une semelle commando. Même si vous les utilisez dans un cadre urbain, ce ne sont pas des chaussures précieuses et elles sont avant tout prévues pour le confort et la praticité: je vous recommande donc chaudement d’opter pour les semelles commando.

Sur ce genre de bottes, au montage Goodyear et au cuir de veau déjà bien rigide, je vous déconseille de vous lancer directement dans une journée intensive de marche (sauf si vous aimez avoir en permanence l’impression que vos pieds sont en sang). Portez les plutôt quelques heures par jour en intérieur, jusqu’à ce que la semelle soit bien assouplie (vous ne pourrez pas du tout la plier les premiers jours).

La patine du bout

Elle est relativement discrète et la transition est assez subtile pour bien simuler une usure naturelle.

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Les perforations

La qualité des brogue boots peut s’évaluer à la netteté et la régularité des perforations: ici, c’est absolument irréprochable et, comme Alex l’explique dans l’interview, on retrouve le O et le S de Oliver Sweeney sur le bout.

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Le cuir est de bonne qualité: les premiers plis de port sont apparus assez vite mais ne se sont pas du tout accentués au fur et à mesure des semaines de port.

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Point ultra appréciable: la semelle commando est au final très discrète et on remarque surtout la semelle intermédiaire en cuir brune qui fait une belle transition au niveau des couleurs.

On a testé deux rendus différents: le premier avec un ourlet double pour Grégoire (1m75) avec une tige un peu plus discrète. (c’est un port à privilégier pour les petites tailles pour ne pas tasser la silhouette)

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Aurélien est un peu plus grand: on a donc laissé un ourlet plus fin, et le jean remonte un peu plus pour mettre davantage en valeur les bottes.

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Conseils de style

Ca passe bien avec un manteau habillé comme le Reiss que nous avons pu tester dernièrement:

J’avais un peu peur d’un rappel de couleur trop vulgaire avec le pardessus Gastby Paris, mais là encore aucun soucis. (ça aurait sûrement été plus problématique avec une couleur plus tirée par les cheveux, mais avec du camel ça passe sans soucis)

Sur cette dernière tenue, les bottes apportent de la couleur à la tenue. En plus de ça, la veste en flanelle Gastby et la chemise Prince de Galles sont pile dans le bon registre Gentleman Farmer.
Bref, c’est un beau détournement de la tenue classique jean/chemise/blazer avec des matières plus intéressantes pour beaucoup plus de caractère.

Et avec un double ourlet:

 

CONCLUSION

Les bottes Selby sont une excellente alternative aux brogue boots similaires qu’on peut trouver chez Loake ou Grenson, avec en plus un cuir de veau des tanneries du Puy. Le montage Goodyear réalisé en Inde m’avait au départ un peu fait peur, mais force est de constater qu’elles tiennent bien la route au bout de plusieurs mois de port.

Note formelle : 0/10 (vraiment pas fait pour être porté avec un costume)
Note casual : 10/10 (Parfait avec un jean brut, un chino ou un pantalon en laine bien texturé).
Rapport qualité/prix : 9/10 ( bon rapport qualité/prix au prix normal, imbattable soldé)
Prise de risque : 3/10 (Pour les petites tailles, choisissez un port adapté pour éviter de tasser votre silhouette)
Univers : Gentleman Farmer

Les bottes Selby sont disponible soldées ici en 43 et 45 (malheureusement ça part vite).

De bonnes alternatives existent:
– les Sloan disponibles ici à 155 euros: une semelle en cuir et forcément pas de travail sur la patine, mais sûrement la paire de brogue boots la plus accessible que j’ai pu voir à 155 euros soldée

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– les Pullen disponibles ici à 155 euros: une paire légèrement plus basse et avec un cuir grainé, à peu près de la même hauteur que des chukkas classiques. Cette construction un peu plus basse et cette couleur plus précieuse (surtout en bleu) donnent du coup un côté un peu plus moderne et urbain, et moins Gentleman Farmer.

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2 Les chaussures/chukkas Sarnano

Il s’agit du modèle avec la construction bolognaise, qu’on avait déjà évoqué avec le test de Lucknow.
Petit rappel: si elle fait penser à du Blake du fait de la finesse de la semelle, elle est en fait vraiment différente. La partie supérieure de la chaussure recouvre en fait tout le pied et pas seulement le dessus. Elle est doublée en cuir sur le dessus et avec une semelle intérieure plus molle et moins rigide sur le dessous.

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Cette illustration de Santoni l’explique bien

Pour relier tout ça à la semelle extérieure, on utilise une rangée de couture (comme pour le Blake) mais qui est plus proche des bords pour éviter les contacts avec le pied.

La grosse particularité d’Oliver Sweeney sur ces montages est de pousser cette logique de souplesse et de confort le plus loin possible en utilisant du cuir de daim ultra souple (beaucoup plus souple que du cuir de veau) avec un joli rendu grainé.

On peut vraiment pousser cette paire assez loin en terme de souplesse.

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Cette pose complètement naturelle permet aussi de vous montrer les patins déjà posés sur la paire qui permettent un port immédiat.

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La forme est assez particulière: la tige est trop basse pour une chukka et trop haute pour une derby, mais on garde le maintien et le confort d’une chukka, en plus de son laçage simple.

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On remarque à gauche les mêmes deux points d’arrêt qui sont présents sur les chukkas pour relier l’empeigne à la tige

La forme choisit (107) suit cette même logique de confort et de polyvalence: malgré un chaussant large, elles sont pile effilées comme il faut avec un travail de ciselage bien fait et un bout juste assez rond. Elles se portent surtout dans un cadre casual ou casual habillé mais ne donneraient pas une faute de goût énorme portées dans une tenue formelle avec un costume bleu marine.

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Ce qui est ultra intéressant sur ce cuir de daim, c’est qu’il marque très peu au vu de toutes les torsions qu’on peut lui faire subir.

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Ici aussi, on remarque une patine subtile avec une couleur plus foncée au niveau de la cheville et du bout et plus clair au milieu, de manière à bien simuler une usure naturelle.

Conseils de style

Tant qu’on reste sur le casual chic, elles sont extrêmement polyvalentes. Elles sont par contre un peu trop urbaines pour s’aventurer loin dans le workwear (pour ça, je préfèrerais plutôt les modèles Goodyear).
Le rendu est impeccable avec un jean brut (ici le modèle Louis de chez Renhsen qui aurait eu besoin d’une petite retouche en longueur au moment des photos):

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Ca passe bien aussi avec le pantalon Maxens en tweed de chez Patrons. Mais la texture tweed s’inscrit déjà dans un registre plus affirmé et serait tout aussi bien allée avec les bottes Selby.

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CONCLUSION

J’applaudis vraiment le confort de cette paire que je n’ai plus quittée après le premier essayage et qui a été vraiment agréable à porter, même pendant la toute première journée. Le cuir de daim est bien adapté à l’usage, marque peu et l’effet patiné est réussi. Cette paire est vraiment polyvalente et passe avec la plupart des tenues casual chic, et elle ne ferait probablement pas tâche si dans le pire des cas vous deviez les porter pour un entretien d’embauche avec un costume bleu marine.

Difficile de juger ce modèle en terme de rapport qualité/prix car les cousus bolognais avec cuir de daim sont extrêmement rares (voire introuvables) en dehors de grands noms italiens dont les prix n’ont pour le coup rien à voir. Mais à 355 euros, ça reste quand même un investissement.

Note formelle : 7/10 (elles peuvent vous sauvez si vous n’avez pas de richelieu ou de derbys présentables)
Note casual : 9/10 (Ca passe avec tout et c’est confortable, tout en gardant une forme un peu élancée et habillée)
Rapport qualité/prix : 8/10 ( Difficile de comparer cela dit, le prix ne baissera de toutes façons pas du tout. Les cousus bolognais ne sont pas réputés pour leur durabilité mais je n’ai eu aucun soucis avec cette paire, et le confort vaut le coup.)
Prise de risque : 0/10
Univers : Casual chic

Les chaussures (chukkas ?) Sarnano sont disponibles ici à 355 euros.

Encore merci à Christelle pour la réalisation de la vidéo et à Alex et toute l’équipe de la boutique Oliver Sweeney de Covent Garden pour leur gentillesse et leur disponibilité.

Valery

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PY
PY
8 années il y a

Hello, ces brogues claires (couleur tan) passent très bien avec un brut. J’ai le modèle semblable de chez Grenson. Par contre, j’ai du mal à trouver d’autres assortiments aussi réussis. J’ai essayé avec le fut en laine gris bg et le patrons tweed black mais c’est moins bien je trouve. As tu des conseils précis de matières et de couleurs ?

jamaisvulgaire
jamaisvulgaire
8 années il y a
Répondre à  PY

Pour sortir un peu du jean brut ou de la flanelle je tenterais ça avec un chino workwear un peu défoncé genre Left Field NYC

Vincent
Vincent
6 années il y a

Bonjour,

Je voulais savoir si les Selby faisaient de grands pieds ? n’étant pas très grand je m’autorise des boots quand elles ne me font pas des pieds de clown comme les M. Moustache dans un autre registre, mais je me demandais ce que ça donnerait avec ce modèle ? Merci !