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Test&Avis Heschung Ginkgo: les bottes les plus robustes contre les éléments

Je vous l’ai déjà évoqué dans l’article sur SNS Herning, c’est pour moi un vrai plaisir que de pouvoir évoquer des marques centenaires que je suivais déjà depuis une dizaine d’années.
C’est encore le cas sur cet article avec Heschung et ses bottes iconiques Ginkgo, que j’ai retenues pour m’équiper lors de l’expédition en Arctique.

Avec SNS Herning, il s’agit de la seconde marque qu’on teste dans ce cadre, et qui repose non pas sur des matières techniques mais sur des cuirs naturels, aux tannages spécifiques et sur une méthode de construction artisanal avancée : le cousu norvégien.

I Heschung: une histoire de savoir-faire

1 Les débuts à Dettwiller

Tout commence avec Eugène Heschung, un artisan alsacien qui travaille à partir de 1920 dans une fabrique de chaussure de son village, Dettwiller.

Il y est ouvrier coupeur : un poste assez polyvalent qui lui permet d’avoir une maîtrise globale de la fabrication et de créer sa propre entreprise en 1934.

Nous en avons assez peu parlé sur JamaisVulgaire, mais l’Alsace est une région propices à la cordonnerie et aux aux tanneries (comme les fameuses tanneries Haas et Degermann, présentes dans la région depuis des centaines d’années), en particulier grâce à ses vastes rivières et forêts.

Il propose des bottes et chaussures de travail pour fermiers et bûcherons (appelés en Alsace les « schlitteurs », qui descendent le bois sur des luges), qui doivent être extrêmement résistantes, et se spécialise donc dans le cousu norvégien et Goodyear.

Le cousu Norvégien, et son imperméabilité exceptionnelle, est ce qui donne par ailleurs à Heschung un avantage non négligeable dans le domaine des chaussures de ski.

Il faut dire qu’il s’agit pour l’époque d’un procédé hors du commun, où on réunit la tige et la semelle par une couture composée de 12 fils de lins entrelacés: on le trempe ensuite dans du poix (une matière collante similaire à la résine), on le chauffe et il devient extrêmement dure au refroidissement.

https://www.facebook.com/heschung/videos/959410820759715/

Ainsi, Heschung se spécialise dans les chaussures de compétition à partir des années 60-70 et fournit officiellement l’équipe de France de ski. Les JO de Saporo, en 1972, apparaissent comme une véritable consécration car Heschung y équipe les 8 médaillés français : la marque est récompensée par l’Oscar de l’exportation.


Seul hic : avez-vous déjà vu ou porté des chaussures de ski en cuir ? Le plastique, plus compétitif et fonctionnel, arrive à la fin des années 70, ce qui signe le début d’un déclin progressif de ce secteur spécifique.

Pour y faire face, l’atelier Heschung fabrique pour d’autres marques.

 

Il faut attendre seulement une quinzaine d’années, en 1992 pour arriver à une revival story à la française. C’est Pierre Heschung, de la troisième génération, qui relance la marque en se concentrant sur ses valeurs historiques: des chaussures et des bottes haut de gamme et increvables grâce à des montages résistants gomme le Goodyear et le cousu Norvégien.

Un pari gagnant puisque le cousu Norvégien représente aujourd’hui 70% des modèles.

C’est avec seulement 3 machines à cousu norvégien et 4 modélistes qu’il relance la marque en s’appuyant sur les modèles icôniques.

La renaissance de la marque se réalise aussi grâce à des partenariats bien choisis, notamment avec Manfield: un réseau de distribution considérable (une vingtaine de points de vente en France aujourd’hui) qui permet à Heschung d’avoir une belle assise en France et d’attaquer l’international.

Aujourd’hui, c’est 20% du CA qui est réalisé à l’export avec des points de vente à New York (Barney’s), mais aussi au Japon. Il faut dire qu’un produit à la fois héritage, workwear et français, c’est un peu le combo gagnant pour séduire ce marché !

La production

Tout comme SNS Herning, Heschung a fait le choix de diversifier sa production en 2000 avec l’atelier historique situé à Steinbourg, en Alsace, et un atelier en Hongrie.

Il s’agit encore une fois d’une question de volumes: plus de 45000 paires sont produites chaque année, une quantité impossible à assurer en restant uniquement en France.

https://www.facebook.com/heschung/videos/998404943526969/

L’atelier hongrois (qui appartient à la marque) permet de préserver le savoir-faire en conservant les mêmes méthodes et outils de production qu’en France.

 

La collection

Le modèle icônique de la marque est bien évidemment les Ginkgo, qui sont déclinés en plusieurs variations de matières et de couleurs. Voici un petit échantillon de mes préférés:

La botte Buis m’a aussi bien tapé dans l’oeil, avec de très belles variations de matières et une allure légèrement plus urbaine (surtout pour la version en cuir Windsor noir et hydrovelours navy que vous pouvez voir au milieu)

TEST DES BOTTINES GINKGO

Pour vraiment tester Heschung, la Ginkgo est un passage obligé.

Elle symbolise à elle seule toutes les caractéristiques de la marque:
– Sobre et intemporelle, mais elle parvient bien à se différencier avec des contrastes de couleurs et de matières bien choisis
– Increvable à travers son montage norvégien et ses cuirs
– Représentative du savoir-faire et de la minutie de la marque: elle demande 4 semaines de passage en atelier, et 180 opérations de montage.

La Ginkgo est proposée par Heschung dès 1992, qui en vend plus de 15000 par ans.

Le montage Norvégien

Le cousu norvégien est le montage le plus solide, qui convient bien à des chaussures de travail robustes: sa fabrication est plus complexe et exige des machines plus rares.

Il en résulte cependant des chaussures plus pataudes car il s’agit d’un montage à deux coutures visibles (là où seule une couture est visible pour le Goodyear).

Voici ce qu’on vous avait expliqué dans le guide ultime des chaussures formelles:

Le principe de ces montages, c’est que la tige est tournée vers l’extérieur de la chaussure et la trépointe est à l’extérieur. Du coup l’eau pénètre beaucoup plus difficilement la semelle et la chaussure.
On les reconnaît généralement par une double ou une triple rangée de coutures à l’extérieur de la chaussure, à l’intersection de la tige et de la semelle

Voici un Goodyear classique pour rappel, avec une tige tournée vers l’intérieur, et une trépointe qui va elle aussi à l’intérieur (entre la semelle et la tige)

Bref, le cousu Norvégien assure une imperméabilité bien supérieure au Goodyear, et permet aussi de remplacer facilement une semelle usagée.

Par contre, là où le Goodyear peut s’envisager sur des chaussures habillées, le cousu Norvégien est quant à lui à réserver à des tenues utilitaires ou casual.

Petit détail qui fait la différence et qui donne beaucoup de caractère à la paire: la trépointe est crantée

Les matières

Le cuir country

Ca ne se voit absolument pas du tout car le grain est très fin, mais il s’agit d’un cuir nubucké grâce à un ponçage très léger de la fleur.

Il est aussi très gras grâce à un procédé de graissage à four chaud (environ 150 degrés) : ce graissage se fait à travers les huiles animales présentes naturellement, ainsi que les huiles du tannage végétal

.La fleur a été légèrement poncée pour donner un effet nubucké ; les huiles animales naturellement présentes dans le cuir ainsi que les huiles végétales apportées lors du tannage vont nourrir le cuir et le rendre imperméable.

La haute température permet à ces graisses de remonter plus facilement à la surface du cuir et de lui donner un extérieur ciré, complètement imperméable.

Et plus un cuir est gras, plus il est résistant, moins il a besoin d’entretien et plus il va développer une belle patine.

Il permet aux fibres de la peau de se resserrer de manière significative: il devient plus dense, et donc d’autant plus imperméable. Ces fibres très serrées donneront au début un cuir rigide, qui va au porté rapidement s’assouplir.

Tout se fait sur du croupon de vachette, une partie ultra qualitative du cuir de vachette qui donne au cuir sa douceur. Il est produit dans le village toscan de Santa Croce par une tannerie spécialisée dans le tannage végétal.

L’entretien

Vous l’avez compris, il s’agit d’un cuir plus résistant que les autres, avec un entretien donc grandement facilité. Quelques précautions essentielles sont néanmoins à prendre: évitez la chaleur et trop de rayons UV (piège courant: laisser sécher ses chaussures en cuir à côté d’un radiateur, rien de pire pour déssécher le cuir).

Voici les bottes au retour de mon voyage en Arctique (où elles ont fait face chaque jour à la neige et l’humidité), sans aucun entretien

Il suffit pour le nettoyer de le brosser avec de l’eau savonneuse régulièrement.

Le cuir country a sinon les mêmes propriétés qu’un cuir grainé, il est juste retourné

Pour bien comprendre à quel point ce type de cuir est unique, un petit rappel sur la composition d’une peau s’impose. Chaque peau est composé de trois couches:
– l’épiderme (la couche extérieure, plus dure)
– le derme: la couche intermédiaire, plus molle
– l’hypoderme, carrément spongieux, qui connecte la peau au gras et au muscle

Dans le travail du cuir, on sépare l’épiderme et le derme (vendus comme du cuir pleine fleur) de l’hypoderme (vendu comme du suède)

La où le cuir suédé n’est fait qu’à partir d’hypoderme séparée du reste, le cuir country correspond à une peau complète tournée à l’envers.

Il sera donc beaucoup plus durable qu’un cuir suédé classique.

L’hydrovelours

Il s’agit ici d’un cuir de veau suédé bien épais qui résiste aux éléments grâce à un traitement imperméable effectué dans la fibre pendant le tannage. A la différence d’un traitement effectué en surface (comme un spray classique), ses propriétés imperméables vont durer dans le temps.

L’entretien

Au delà d’un nettoyage classique à l’aide d’une brosse et d’eau savonneuse, il nécessitera de temps à autres l’application d’un spray imperméabilisant.

Contrairement aux idées répandues quant au cuir velours, son épaisseur lui confère résistance, souplesse et durée dans le temps. En effet, il n’est pas fragile et, sous réserve d’un entretien adapté, il répondra à une utilisation quotidienne sans aucune difficulté.

Les finitions

Le bout chasse

La Ginkgo est avant tout une botte de chasse, c’est-à-dire comme son nom l’indique une botte qu’on prend pour chasser sur des terrains humides et marécageux. Il est donc normal d’avoir un bout chasse.
Pour rappel, le nom vient d’un derby mythique de Weston, lui aussi avec un montage norvégien: « le Chasse »

Le laçage

Les oeillets et crochets d’attache rapide sont en nickel et permettent de nouer facilement les lacets en coton. Attention en revanche à bien faire à chaque fois un double noeud.

Les coutures

Qui dit botte increvable dit coutures robustes et Heschung l’a bien comprit avec notamment la triple couture au niveau du plateau, et la couture de renfort très marquée entre les garants et l’empeigne

Conseils de style

Ce qu’on apprécié avant tout sur ces bottes, c’est leur versatilité. J’ai donc concocté avec plusieurs tenues de registre très différents.

La tenue utilitaire, avec un style goth-ninja

Je vous avais parlé dans une de nos dernières newsletter de ces silhouettes étranges, très à la mode à la fois dans le style goth-ninja, mais aussi dans le style techwear.

C’est pour moi un style très niché (et très cher) dont je ne vois pas bien l’intérêt quand on habite en ville. L’expédition en Arctique a changé la donne, puisqu’il fallait faire face à un -15 degrés ressenti (à cause du vent) à chaque fois qu’on sortait sur le pont.

 

 

J’étais donc équipé à la fois du Moscow Coat de chez Norwegian Rain, mais aussi (vous allez rire, mais ça a été sacrément utile) d’une jupe thermique, prévue pour protéger encore plus les jambes. On revient sur la marque Norwegian Rain dans un prochain article.

Bien protéger ses pieds quand il fait froid

J’ai fait une erreur fondamentale: celle de ne pas avoir pris de chaussettes en laine et d’avoir seulement des chaussettes en coton.
Pour aller encore plus loin dans la bêtise, j’ai ensuite superposé ces chaussettes de coton pour avoir moins froid. Les deux conséquences ne vont pas vraiment dans ce sens:
– il est important d’avoir un petit espace entre la chaussure et la tige car l’air est un excellent isolant. Avec une superposition de chaussettes, le pied rentre directement en contact avec la tige (bien froide)
(et c’est aussi la raison pour laquelle des bottes fourrées ne servent à rien en hiver en terme de chaleur)
– la circulation du sang vers les pieds est coupée car les couches de chaussettes sont trop serrées

Par chance, j’avais emmené avec moi quelques affaires de sport, dont des running et des chaussettes de course Décathlon, plus techniques et épaisses que mes chaussettes en coton et qui m’ont bien sauvé la mise.

Bref, protéger ses pieds du froid obéit à la même logique que le reste du corps: une couche extérieur imperméable et coupe-vent, et une couche qui retient la chaleur (idéalement des chaussettes en laine mérinos).

En version plus classique, en ville

Avec le manteau Norwegian Rain dans sa version la plus simple, portée comme un pardessus. Je n’ai pas non plus pu résister à une version avec le blouson en cuir bleu marine Balibaris (le bleu marine et le blanc cassé est un mélange de couleur qui fonctionne très bien).

En tenue de ville classique

Vous avez déjà vu cette tenue dans l’article SNS Herning: le manteau Johnston of Elgin donne un côté habillé à cette tenue workwear, pourtant grâce à son mélange laine/cachemire très texturé il n’a pas l’air trop précieux par rapport au reste.

 

CONCLUSION

Les bottes Ginkgo sont une référence chez Heschung autant grâce à un design simple mais réussi qui repose sur un contraste de deux matières, et aussi grâce à une construction méticuleuse qui s’appuie sur un savoir-faire quasi-centenaire.

C’est surtout la polyvalence des bottes qui m’a convaincue, que ça soit pour des conditions extrêmes ou pour une tenue urbaine plus casual: elles sont assez robustes pour faire face aux éléments, sans être trop pataude pour faire tâche dans une tenue casual de ville.

Le mix parfait pour obtenir des bottes que je porte à présent TRES souvent, et que je compte bien conserver des dizaines d’années: bref, je recommande chaudement pour 560 euros.

 

Valery

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fpi
fpi
2 années il y a

Merci, j’ai appris beaucoup de choses.