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Les formes idéales pour des chaussures fines ET confortables: formes pincées et finitions violon

C’est bien connu, lorsqu’on se prend de passion pour un nouveau domaine, on finit rapidement par s’intéresser à des points de détails qui laissent 99,99% des gens complètement indifférents.

Dans la mode masculine, et notamment la niche sartoriale, rare sont ceux qui n’ont pas déjà un fétichisme pour:
– des revers larges, mais surtout avec un joli roulé
– un col chemise une pièce avec là encore un beau roulé
– des pantalons habillés dont les pinces tombent bien
– une cravate avec une belle goutte

Ces mêmes obsessions existent pour les souliers et, comme partout, elles s’appliquent à ce qu’on ne voit pas: la semelle.

Voyez-vous une différence notable entre ces quatre semelles ?

  • à gauche: une DNVB suédoise un peu insipide qui fabrique du Goodyear et le vends sans intermédiaire, mais sans grosse plus value sur les modèles (à mon goût)
  • Meermin: vous connaissez déjà bien: une cambrure légèrement plus fine, et affinée visuellement avec le V dessiné sur la semelle. Ca reste plat, mais c’est assez normal à ce prix
  • CNES Shoemaker: la même chose mais avec du relief et une vraie finesse
  • A droite: une paire d’un bottier prestigieux, Daniel Wegan, qui remporte le premier prix au concours mondial des bottiers mesure en 2019

On est d’accord, autant les deux paires de gauche sont insipides autant celle de droite va beaucoup trop loin (il s’agit surtout d’une paire qui pousse à l’extrême le travail qu’il est possible de faire sur une forme.

Voici au final les formes équivalentes aux semelles que vous venez de voir:

  • à gauche: ronde très classique (toujours la même DNVB suédoise)
  • Meermin (milieu gauche): malgré la semelle avec un V légèrement plus visible, ça ne change pas grand chose sur la rendu final
  • CNES (milieu droite): une semelle beaucoup moins visible au niveau de l’arche
  • à droite: on voit bien que c’est ici à des fins purement artistiques

C’est subtil, mais on commence à s’apercevoir de la différence de forme.

I Quelle importance a ce travail sur la cambrure ?

C’est un peu la même qu’un entoilage complet (ou semi-entoilage bien fait, avec revers piqués) sur un costume: il vous fera un très beau roulé de revers. C’est la différence avec un thermocollé lambda et des revers tous plats.

Pour les chaussures, c’est pareil: le dessin (et le relief) de la semelle ont une influence fondamentale sur la finesse de la forme.

Dans cet article, je vais donc vous parler d’un aspect du soulier qu’on aborde très peu sur les blogs francophones (et mêmes les forums de puristes: la cambrure du soulier, et plus particulièrement la finition violon.

On l’appelle en effet en anglais fiddleback waist, du fait de sa ressemblance avec le dos d’un violon (concave sur les côtés, relief au milieu).

Une cambrure fine auparavant réservée aux chaussures de bottiers

Ce genre de détail était impossible à trouver sur des paires de prêt à porter (les machines Goodyear n’étant pas assez précise pour permettre une arche aussi fine): il fallait donc du cousu main, et ainsi se rendre chez des bottiers  (et donc débourser des milliers d’euros).
Puis, aux alentours des années 2005, l’amélioration des machines Goodyear a rendu possible des arches de plus en plus fines, grâce à plus de précision.
Cette arche travaillée est devenue disponible chez les marques britanniques connues pour leur finesse comme Gaziano&Girling, George Cleverley, et certaines gammes d’Alfred Sargent.

Une paire de Gaziano&Girling de chez Leffot avec une belle finition violon

Attention, certaines grandes marques élargissent visuellement le trait, tout en proposant des semelles complètement plates. On voit bien ici que la cambrure n’est pas spécialement affinée.

(évidemment, au niveau de prix de Meermin, une vraie finition violon n’est pas envisageable)

C’est une construction en tout cas qui mets bien en valeur le cambrion et qui en plus d’affiner le pied au niveau de l’arche permets aussi un talon beaucoup plus fin (et donc un meilleur maintien).

L’arrivée du cousu trépointe accessible a en revanche largement changée la donne: elle implique également une finition manuelle de cette semelle avec un scalpel utilisé pour gratter la semelle jusqu’à arriver à la couture liée à la trépointe. On ne pourra pas faire plus étroit.

La différence entre forme pincée (bevelled waist) et finition violon (fiddleback waist)

Voici un schéma de styleforum pour vous imager davantage la différence entre Bevelled waist et fiddleback waist:

La dernière variation, fiddle waist, implique une couche de cuir supplémentaire par dessus le cambrion: elle est réservée généralement aux paires en mesure.

Plus concrètement, on a ici une forme pincée (bevelled) à gauche et une finition violon (fiddleback) à droite:

Finition violon: fait main versus fait machine

Affiner le plus possible la cambrure requiert une certaine précision: on ne pourra donc pas aller aussi loin avec une machine Goodyear qu’avec un cousu trépointe fait main, qui permet un placement des coutures beaucoup plus proche.

Voici ce qu’on obtient avec du Goodyear:

Et avec un cousu main:

La lisse ronde

C’est notamment dans le contexte de ce procédé qu’on obtient une véritable lisse ronde: celle-ci vient normalement recouvrir la couture au niveau de l’arche (et donner l’impression d’une semelle la plus discrète possible).

Ici, la couture petit points est à peine visible et la trépointe est bien affinée (richelieu CNES avec cousu trépointe)

Avec un montage Goodyear classique, la lisse ronde laisse apparaître la trépointe et est donc plus décorative et ne joue pas vraiment sur la finesse de la chaussure:

Malgré la lisse ronde, la couture petits points reste ici bien visible (montage Goodyear classique)

II Pourquoi cette obsession d’un fiddleback et d’une taille aussi fine que possible ?

La recette du confort

Tout simplement car plus la forme est creusée au niveau de l’arche du pied, moins on va voir la semelle: on aura ainsi plus l’impression d’une semelle seulement à l’avant et au niveau du talon. On gagne donc beaucoup en finesse.

Elle permet également beaucoup plus de confort: on peut gagner de l’espace à l’avant-pied tout en affinant au niveau de la cambrure.

C’est utile pour avoir des souliers habillés avec une belle ligne mais qui restent confortables:

Mais qui peut aussi donner beaucoup plus d’allure sur des souliers plus workwear, comme ces derbies à bout demi-chasse:

Les origines du fiddleback

Si on reconnaît le fiddleback avant tout par l’arche très affinée et la forme en Y, les origines sont un peu plus floues.

Il serait apparu soit sur les chaussures femmes, soit sur les bottes d’équitation, ou sur les chaussures de cowboy. Le point commun entre ces différents éléments est une taille fine, et un talon plus haut que la moyenne.


Plus la taille d’une chaussure est fine et les talons sont élevés, plus on a besoin de maintien au niveau de l’arche du pied pour supporter le poids du porteur.

Comment fabriquer un fiddleback ?

Voici un bref aperçu du procédé pour obtenir un fiddleback waist (tiré de l’excellent blog Carre Ducker qui est une petite mine d’or sur le savoir-faire bottier)

On parle d’une chaussure avec une trépointe (cousu Goodyear ou main, peu importe ) avec le cambrion en place, et le remplissage au liège effectué.
On dessine ensuite le Y caractéristique du fiddleback, qu’on va ensuite rajouter par dessus. Le fiddleback sera normalement sculpté à partir d’un morceau de cuir, il s’agit dans cet exemple de liège vu que ce n’est pas une paire destinée à être portée.

Une fois le fiddleback collé, il va être sculpté de part et d’autres pour l’affiner. On rajoute ensuite une deuxième couche de liège.

Et on rajoute enfin une troisième couche. Les bottiers les plus perfectionnistes pourront utiliser jusque 4 couches

Une fois que c’est fait, on va donner sa forme à la semelle extérieure: c’est dans ce cas particulier qu’on a une lisse ronde (aussi appelée lisse collante). On utilise un marteau à la forme convexe pour sculpter ce niveau de la semelle, dont le cuir est encore mou.
Voici le procédé par le bottier Marcell Mrsan:
Et voici le résultat final:

Ceci est ce qu’on obtient avec un artisan bottier, en mesure, pour une paire à plusieurs milliers d’euros.
En revanche, je n’ai pas trouvé de résultat aussi abouti dans une gamme de prix accessible (et encore moins avec ce type de cuir)

III Les deux nouvelles GMTO réservées au Club des Beaux Souliers

Nous avions l’année dernière travaillée avec CNES pour notre première commande groupée de richelieu balmorales au cousu trépointe.
Voici l’unboxing:

C’est probablement une des premières paires cousue main à avoir été proposée en France dans cette gamme de prix là.

Pour assouvir cette obsession sur les fiddleback waist, la marque vietnamienne CNES est le meilleur rapport qualité/prix que j’ai pu trouver en prêt-à-chausser, en particulier avec une nouvelle forme au V encore plus prononcé.

Cette forme en V laisse plus de place à l’avant-pied, tout en étant encore plus étroite au niveau de l’arche: une bonne solution pour plus de confort.à l’avant mais un rendu général plus fin.

Elle implique également beaucoup plus de travail manuel pour sculpter la semelle extérieure et lui donner cette forme en V.

A gauche la forme Q classique, à droite une version basique Goodyear de la nouvelle forme V

Nous allons donc proposer:
– une réédition des richelieu balmoral de la première GMTO avec la forme en V
– une nouvelle paire de Split Toe Derbies en forme V

Vous voyez que la forme V est encore beaucoup plus creusée ici, c’est ce que permet la précision du cousu trépointe main

Ces deux  GMTO (commande groupée) seront accessibles dès mercredi !

Valery

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