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d’Avenza: de New-York à Carrare, les origines de la confection du costume en Italie

Disclaimer: cet article a probablement été pour moi le plus exigeant et stressant à écrire de toute l’histoire de JamaisVulgaire.
Pas parce qu’il s’agit du premier article dédié à notre collaboration avec d’Avenza mais plutôt car d’Avenza a été (et est bien parti pour redevenir) un pionnier de la confection de costumes en Italie (grâce à qui des maisons comme Kiton ou Brioni sont ce qu’elles sont aujourd’hui), et qu’aucun media sérieux n’en a parlé jusqu’à présent, avec un article complet qui donne toute la mesure de ce que cette maison représentait.
S’il y a un article sur tout le site dont je vous encourage à lire chaque ligne, c’est bien celui-ci.

A la fin de l’article, vous pourrez vous inscrire à notre newsletter pour être tenu au courant en premier de l’ouverture des rendez-vous de prise de mesure avec d’Avenza.

Le thread Styleforum 

Un thread Styleforum de 20 pages est consacré à d’Avenza, et surtout aux modèles de l’usine d’origine.

Afin de rendre l’histoire de la marque un peu plus vivante, j’ai choisi d’appuyer le propos par une sélection de screenshots des posts de clients d’Avenza sur ce thread Styleforum. Les avis sont tellement dithyrambiques que je préfère apporter cette illustration en plus pour que vous vous rendiez bien compte de l’aura que la marque pouvait avoir à son apogée.

Et aussi parce qu’il paraît difficile à croire au premier abord qu’on puisse comparer une marque si peu connue à des références comme Kiton ou Brioni.


Vous allez voir, c’est extrêmement excitant d’assister au retour, et à la démocratisation d’une qualité de cet acabit et je suis très fier de vous partager ça.

I La genèse du costume fait main à grande échelle: de New-York à Carrare

I Chester Barrie et Simon Ackermann: le travail a la chaîne applique au costume

1957: Abitale, une usine de Carrare qui produisait des vêtements militaires est rachetée par Myron Ackerman, fils de Simon Ackerman le fondateur de Chester Barrie (une usine assez mythique en Grande-Bretagne, qui a révolutionné le costume en prêt à porter dès 1935).

Pourquoi Chester Barrie est mythique ? Car son fondateur Simon Ackermann avait déjà crée un atelier similaire à New-York, où il avait industrialisé le costume fait main avec du travail à la chaîne: où chaque ouvrier occupe un poste précis (à l’opposé d’un ouvrier qui réalise un costume seul de A à Z).

La marque Simon Ackerman est ensuite devenue une boutique de vêtements généraliste: voici un magasin en 1951 à Time Square

C’est à Crewe, ville située pile entre les ateliers de tissage d’Huddersfield et le port de Liverpool, qu’il installe l’atelier britannique, géré par son fils Myron.
C’est le premier atelier à développer efficacement cette méthode et à obtenir un produit irréprochable à grande échelle. 

L’alchimie entre le fait main et l’industrialisation

II Les débuts de d’Avenza

Ainsi, les tailleurs de Carrare sont régulièrement envoyés en formation chez Chester Barrie. La direction de Chester Barrie réalise tout le talent de ces tailleurs de Carrare, et surtout le potentiel de l’atelier italien si on y implantait ces nouvelles méthodes de travail. 

Ainsi Chester Barrie décide de leur confier la production des vêtements plus légers, qui demandent plus de compétences, tandis que les vêtements plus lourds (outerwear etc) resteraient chez Chester Barrie. 

C’est ainsi que naît d’Avenza, et c’est ce qui marque le début de la vraie production à grande échelle de costumes faits main en Italie.

Ce mélange entre fait main et industriel sera plus tard amené dans toutes les grandes maisons par des anciens employés de chez d’Avenza: Franco Romanazzo (qui ira chez Kiton), Tony Santoro (directeur du contrôle qualité chez Brioni) ou encore Ralph Anania (qui démarrera la première usine de confection Zegna en 1982).

Austin Reed, fondateur de la prestigieuse marque britannique du même nom, rachète Chester Barrie en 1976: d’Avenza et Chester Barrie deviennent alors deux identités distinctes.

Etant donné que l’usine d’Avenza ne produit alors plus les costumes de la marque Chester Barrie, elle crée alors sa propre marque d’Avenza. 

III L’apogée de d’Avenza, sous la direction de Tony Clay

C’est là que Tony Clay prend les rênes d’Avenza en tant que directeur général après avoir été directeur des ventes de Chester Barrie et géré l’usine depuis 1961.

Les années 80 sont l’apogée de la marque: d’Avenza acquiert alors une renommée internationale auprès d’une clientèle extrêmement prestigieuse: elle habille en bespoke Cary Grant, Marcello Mastroianni , Frank Sinatra et Marlon Brando.

Marlon Brando en manteau d’Avenza dans le film Le Dernier Tango à Paris
Le tuxedo de Frank Sinatra, par d’Avenza

Elle atteint également la stature de fournisseur accrédité auprès de la présidence des Etats-Unis comme Kiton ou Brioni en habillant Ronald Reagan mais aussi Bill Clinton, George Bush Sr et Jr et enfin Barack Obama.

Certains heureux possesseurs de d’Avenza parlent ainsi sur Styleforum d’une « presidential aura »:

La liste d’attente est alors longue de trois ans, avec des demandes en Europe, aux Etats-Unis, en Australie et au Japon.  d’Avenza emploie alors 600 artisans pour confectionner des vêtements à la main. 

Ralph Anania, le maître tailleur prodige de d’Avenza

En dehors de Tony Clay, un maître tailleur se cache aussi derrière ce succès: Ralph Anania. Il dessine un costume pour Frank Sinatra, un manteau en vigogne pour Ronald Reagan et un pardessus en cachemire pour Marlon Brando porté dans Un Dernier Tango à Paris. Ce prodige se lance dans la couture à 6 ans, est capable de confectionner seul un pantalon à 11 ans puis est recruté par la famille Ackermann à New-York à 15 ans. Il devient ensuite en charge de lancer l’usine d’Avenza en 1957.

Un RTW (prêt-à-porter) de très haute qualité coupé par Ralph Anania est d’ailleurs produit à cette époque: il s’arrache toujours de nos jours en seconde main et en NOS (« new old stock »)

Attention, il est par contre très difficile à différencier de ceux qui furent produit dans la période noire de d’Avenza (de 2014 à 2017, par Brandamour).

On pouvait voir en tout cas passer de très belles pièces:

IV Départ de Tony Clay et déclin de d’Avenza

En 1987, Tony Clay est contraint de se retirer de l’entreprise pour raisons de santé: la direction historique de Chester Barrie retourne également en Angleterre.
La direction de l’usine perd toute son expertise et doit faire face à de nouveaux concurrents sur le marché (Brioni, Belvest, Kiton)  jusqu’à déposer le bilan en 1994. Elle est alors reprise par l’entrepreneur Renato Cecchi en 1994 qui ne parvient pas à relancer la marque, à cause d’une équipe de direction sans expérience dans le secteur.

Brunello Cucinelli rachète alors en 2014 l’usine d’Avenza pour lancer la partie industrielle de son offre formelle.

L’ancien atelier d’Avenza, désormais possédé par Cuccinelli


Le nom et l’entité administrative sont quant à eux vendus à BrandAmour, qui exploite la marque avec un modèle de licence.

La production devient d’une qualité exécrable avec de gros défauts de contrôle qualité. Il s’agit alors surtout d’une opportunité d’exploiter et de marger sur le nom d’Avenza.

Bref, il y a encore quelques années, d’Avenza était vouée à sombrer dans l’oubli.

Un nouvel espoir: Jonathan Clay

C’est là qu’entre en scène Jonathan Clay, le fils de Tony Clay, le tout premier directeur de l’usine d’Avenza d’origine. Celui-ci est directeur des ventes de d’Avenza de 1997 à 2001 puis quitte l’entreprise pour devenir notamment directeur chez le prestigieux multimarques Bijan à Beverly Hills.

Il fonde ensuite en 2012 Luxury Clothing, une entreprise de conseil chargée notamment de superviser la production de prestigieuses maisons de Savile Row (comme par exemple Gieves&Hawkes).  C’est notamment à cette époque qu’il rencontre Simon Crompton et réalise une interview dans Permanent Style.


L’entreprise est florissante et nourrit l’ambition de Jonathan de retourner sur les traces de son père à Carrare pour y reconstruire un atelier d’Avenza, avec tous les principes et processus de son père Tony Clay, mais aussi une partie de l’équipe d’origine. 


Cet atelier ouvre finalement ses portes en 2019 sous le nom de N°6: il emploie à présent 25 personnes qui confectionnent 50 à 60 costumes par semaine, avec de nombreuses opérations faites à la main. 

BrandAmour fait faillite à l’issue de cette période de reconstruction. Jonathan Clay peut ainsi récupérer le dernier élément manquant pour achever son oeuvre: les noms d’Avenza et d’Avenza Roma. Dès 2019, les premiers clients prestigieux reviennent comme Keith Richards.

Sylvester Stallone (on l’ignore, mais un sartorialiste averti) est aussi un client très régulier de d’Avenza.

Après les sombres années BrandAmour, il y a un véritable challenge pour relever la marque et surtout lui donner l’attention qu’elle mérite.

Jonathan Clay et le suit Rating

Pour bien comprendre la contribution au tailoring de Jonathan et Tony Clay, et plus généralement de Simon Ackermann, il faut connaître le Suit Rating System: un système de notation qui permet de comprendre très concrètement le degré de finitions faites à la main qu’on peut trouver dans un costume.
Il permettait notamment aux professionnels de communiquer entre eux plus facilement sur les produits.

C’est un concept qui n’a encore jamais été abordé en France, et a seulement été évoqué par Jonathan Clay durant une interview sur Permanent Style.

De manière synthétique, voici les différents grades:
-1: costume thermocollé fait machine
-2: costume thermocollé avec un peu de toile
-3: costume semi-entoilé fait machine
-4: costume entoilé fait machine
-5: costume entoilé avec de nombreuses finitions main
-6: costume entièrement fait main.

Pourquoi n’en a t’on jamais entendu parler jusqu’à présent ?

Tout simplement car les plus grosses maisons de luxe n’avaient pas forcément envie qu’on décrive leur costumes à plusieurs milliers d’euros comme des numéros 4: cette transparence complète nuisait à l’univers de marque et donc à leurs marges complètement injustifiées.

Le Suit Rating chez d’Avenza

Ainsi, les gammes numéro 5 et 6 sont réalisées par N°6, le nouvel atelier de d’Avenza à Carrare.

d’Avenza dispose également d’une gamme n°4 grâce à son intégration chez un acteur que vous connaissez bien: Formens. 

II Une nouvelle étape dans le développement: l’association de Jonathan Clay et Gérard Losson

Si vous lisez ces lignes, vous connaissez déjà probablement bien Formens, cette usine française située en Roumanie et fondée par Gérard Losson, qui fournit une grosse partie des tailleurs parisiens, ainsi qu’un grand nombre de marques en prêt-à-porter.

N’oubliez pas soit dit en passant que fabriquer dans la même usine ne veut pas dire obtenir la même qualité: le cahier des charges d’un costume à 300€ d’une DNVB est bien différent de celui confectionné pour un tailleur et vendu 1500€.

Grâce à l’intervention d’Alberto Caruso qui y a apporté son savoir-faire en 2012, Formens est parvenue à industraliser des costumes de qualité, avec quelques finitions main, entoilés et semi-entoilés (ça, vous étiez nombreux à déjà le savoir). 

Tous les entrepreneurs qui ont eu un impact majeur sur le savoir-faire et la confection ont eu le même objectif: faire dans une usine un vêtement le plus proche possible de ce qu’aurait pu faire un tailleur. 
Et c’est donc évidemment ce que souhaitent accomplir Gérard Losson et Jonathan Clay, qui collaboraient ensemble depuis quelques années.

Vous me voyez venir: le rapprochement entre Formens et d’Avenza était dès lors devenu évident et fût acté en 2021.
Il donne naissance à trois offres distinctes, que l’on peut facilement identifier avec le Suit Rating:

1 Un costume entièrement réalisé en Roumanie, à Botosani, mais avec tout le savoir-faire de d’Avenza: le grade 4

En effet, Jonathan Clay et Mario Diana (un des meilleurs techniciens qu’ait côtoyé Jonathan) se rendent une semaine par mois à Botosani pour perfectionner les méthodes de confection de Formens. 
Rien à voir donc avec l’intervention très ponctuelle d’Alberto Caruso il y a quelques années: c’est ici un travail effectué sur la durée.

Si le savoir-faire de d’Avenza va améliorer l’ensemble de la chaîne de production formens (y compris celle réalisée en private label, pour d’autres marques et tailleurs), certaines nouvelles finitions vont rester exclusive à la marque d’Avenza: elles ne pourront pas se retrouver chez d’autres marques clientes de formens.

Je vous en reparle dans un prochain article

2 Un costume avec une base réalisée en Roumanie et des finitions et/ou machine dans l’atelier de Carrare: grade 5 
3 Un costume entièrement réalisé à Carrare: grade 6
 

L’ensemble des pièces de la collaboration JamaisVulgaire x d’Avenza seront proposées au choix dans ces 3 grades.

Une des pièces phare de la collaboration: il s’agit du prototype reçue en Septembre, les finitions seront encore meilleures sur les produits finaux que vous recevrez

J’attire également votre attention sur le rapport qualité/prix du grade 4: vous vous doutez bien qu’après une histoire aussi riche, Jonathan Clay ne laisserait rien au hasard sur un produit étiqueté d’Avenza, qu’il soit fait en Roumanie ou en Italie. L’objectif de ses visites aussi fréquentes à Botosani est clairement de pouvoir certifier que la production roumaine est largement à la hauteur de tout ce que le nom d’Avenza peut impliquer.

C’est clairement ce qui s’annonce comme un grand pas en avant vers la démocratisation d’un costume d’une qualité encore supérieure à ce qu’on connaît, avec encore plus de fait main.

Une marque pas encore reconnue a sa juste valeur

C’est Gérard Losson de formens, qui m’a parlé le premier de d’Avenza, l’été dernier. Le nom me disait alors vaguement quelque chose, mais rien pour moins de comparable à des références comme Kiton ou Brioni.

Et c’est justement pour ça que tout reste encore à faire, et qu’il reste encore une vraie histoire à écrire pour rendre à cette marque, qui a pratiquement inventé la production massive de costumes faits main telle que nous la connaissons, ses lettres de noblesse mais surtout démocratiser un savoir-faire exceptionnel, qui était quasiment tombé dans l’oubli et qui va redéfinir de nouveaux standards de qualité dans le tailoring pour les années à venir.

Rien de mieux pour illustrer en tout cas le paradoxe de ces dernières décennies que ces extraits du thread Styleforum:

d’Avenza à Paris

Pour distribuer cette nouvelle ligne d’Avenza en demi-mesure et bespoke, il fallait un tailleur de référence: quelqu’un avec des dizaines d’années d’expérience, qui soit irréprochable sur la prise de mesure, les styles possibles et qui connaisse par coeur les contraintes du MTM mais aussi du bespoke.

Ce tailleur, c’est Michaël Ohnona, dont à qui nous allons entièrement consacrer le prochain article, avec une très belle interview où il vous donne toute sa conception du métier, de ce qu’est un bon costume et un bon tailleur.

Les rendez-vous seront ouverts d’ici la fin de la semaine, et les places très limitées: vous pouvez vous inscrire ici pour être tenu au courant en premier. Je serai présent à tous les rendez-vous pris avant le 21 décembre.



Valery
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